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Crise autour de l'État de droit en Espagne

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Tingey Injury Law Firm
Écrit par Perrine Laffon
Publié le 19 octobre 2020

Le (non) renouvellement du pouvoir judiciaire crée de vives polémiques en Espagne. Une situation suivie de près par Bruxelles.

 

Les tensions sont au maximum dans la sphère politique espagnole. Lors du Congrès des députés qui promet d'être animé cette semaine, le Président du gouvernement Pedro Sanchez fera face à la motion de censure présentée par le parti d'extrême droite Vox, et surtout au grand débat national autour de la rénovation du pouvoir judiciaire. Le gouvernement de coalition PSOE-Podemos a en effet présenté un projet de loi qui modifie la manière d'élire les membres du Conseil Général du Pouvoir Judiciaire (CGPJ) et qui réduit leur pouvoir une fois leur mandat abouti. 


Le blocage du PP

Le pouvoir judiciaire est l'organe chargé de veiller à l'application des lois votées par le pouvoir législatif. Selon la loi espagnole en vigueur, le CGPJ est composé d’un président et de vingt membres élus pour cinq ans par les deux chambres parlementaires (Congrès et Sénat) avec une majorité de trois-cinquièmes. La composition du Conseil du pouvoir judiciaire aurait dû être renouvelée en 2018. Seulement voilà : depuis la fin du mandat il y a deux ans, les membres du CGPJ bloquent son renouvellement évoquant l'impossibilité de trouver un accord avec le nouveau pouvoir exécutif représenté par Sánchez. Formé en 2013 sous le gouvernement de Mariano Rajoy, le CGPJ actuel est constitué de proches des dirigeants les plus conservateurs du Partido Popular (PP). Le maintien de ces juristes au pouvoir judicaire est certes une aubaine pour le PP dont les anciens dirigeants sont sous le coup d'une investigation pour corruption. Mais les représentants du CGPJ appuient leur refus de négocier sur la présence depuis 2019 du parti antilibéral Podemos dans le gouvernement de coalition espagnol. Le PP a déclaré à la presse la semaine dernière qu'il refusait de négocier le renouvellement du pouvoir judiciaire si Podemos faisait parti de la négociation, dénonçant un "parti inculpé qui représente une menace pour le Roi et pour le pouvoir judicaire".


La proposition polémique du gouvernement

Pour "forcer" la rénovation du pouvoir judicaire sans le consentement du PP, le gouvernement de coalition de Pedro Sánchez propose une loi qui permettrait au Parlement d’élire les membres du Conseil Général du Pouvoir Judiciaire à la majorité absolue au second tour, en cas d’échec de la nomination des juges à la majorité des trois-cinquièmes. Une décision fortement critiquée par l'opposition.

Alertée par... la Pologne, la Commission européenne est intervenue en avertissant sur ce projet de réforme de loi qui pourrait "mettre en danger l'indépendance judicaire et rendre le pouvoir judiciaire vulnérable à la politisation". Depuis Bruxelles -où sont tenus les cordons de la bourse de 140 milliards d'euros du fonds européen de relance post-Covid- la CE a rappelé à Sanchez que "toutes les parties impliquées doivent être consultées", insistant sur le fait que "les États membres doivent suivre les règles de l'UE pour s'assurer que l'indépendance du pouvoir judiciaire n'est pas compromise".

Mais pour le Président Sánchez, "si le PP utilise la loi pour bloquer la constitution, le pouvoir législatif a pour responsabilité de modifier la loi afin que la Constitution puisse s'appliquer". De vifs échanges sont donc attendus au Congrès des députés, où le groupe parlementaire du Partido Popular a prévu de présenter sa contre-proposition pour renouveler le CGPJ.

perrine laffon
Publié le 19 octobre 2020, mis à jour le 19 octobre 2020
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