Englué dans un scandale mêlant corruption et prostitution, le Parti socialiste espagnol (PSOE) tente de reprendre la main. À sa tête, Pedro Sánchez annonce une mesure choc : tout militant surpris à payer pour du sexe sera exclu du parti.


Sous pression, Pedro Sánchez tente de sauver ce qui peut l’être. Éclaboussé par les frasques de deux de ses anciens fidèles – José Luis Ábalos, ex-ministre, et son ex-homme de confiance Koldo García –, le chef du gouvernement lance une “grande réforme éthique” pour tenter de redorer l’image de sa majorité. Désormais, tout militant ou cadre ayant recours à la prostitution pourra être exclu du parti.
L’annonce a été faite ce week-end lors du comité fédéral du PSOE, à Madrid, 24 heures après une réunion de crise avec les figures féministes du parti. Car la colère gronde dans les rangs. Et les révélations de comportements sexistes – jusque dans les étages les plus proches de Moncloa – fragilisent la posture féministe que Sánchez affiche à grands renforts de discours depuis le congrès de Valencia en 2021.
Le PSOE exclura les militants ayant recours à la prostitution
Le PSOE va inscrire noir sur blanc dans son Code éthique qu’avoir recours à la prostitution est incompatible avec la qualité de militant. Un nouveau paragraphe ajouté à l’article 4.5 qualifie cet acte de « faute très grave », passible d’une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’à l’expulsion.
Dans le texte adopté à huis clos, le parti réaffirme sa ligne : « Le système prostitutionnel est une forme de violence contre les femmes, incompatible avec les droits humains et l’éthique démocratique, car il réduit les femmes à des objets ou des marchandises. »
Une position qui prolonge l’engagement pris au congrès fédéral de Valencia en 2021, où le PSOE s’était officiellement déclaré parti abolitionniste.
Corruption, disques durs et escorts : le PSOE au bord de la rupture
Pedro Sánchez tente de reprendre la main face aux scandales
Ce durcissement intervient alors que le parti est en pleine tempête. L’ex-numéro trois du PSOE, Santos Cerdán, a été placé en détention provisoire, soupçonné d’avoir orchestré un système de commissions occultes autour de marchés publics. José Luis Ábalos, ancien ministre des Transports, est aussi éclaboussé.
Autre rebondissement : Francisco Salazar, pressenti pour entrer dans la nouvelle direction du parti, a jeté l’éponge après des accusations de comportements sexuels déplacés émanant de plusieurs collaboratrices.
Mais Pedro Sánchez refuse de plier : « Le capitaine ne quitte pas le navire quand la mer est mauvaise. Il reste pour affronter la tempête », a-t-il lancé au comité fédéral. Pour calmer les esprits, le chef du gouvernement a dégainé treize mesures anticorruption et annoncé son intention de relancer la loi d’abolition de la prostitution, enterrée l’an dernier par un Congrès frileux. Une manière de reprendre la main. Ou de gagner du temps…
Car derrière les éléments de langage et les annonces en rafale, le mal est plus profond. Ce qui secoue le PSOE dépasse la mécanique institutionnelle : c’est toute une vision du pouvoir, et de la morale politique, qui vacille.
Le féminisme du parti mis à l’épreuve
Pour beaucoup d’observateurs, ce n’est pas seulement une crise politique. C’est un séisme moral. Les enregistrements obtenus par la police jettent une lumière crue sur les pratiques de certains cadres socialistes : recours régulier à la prostitution, mais aussi, plus troublant encore, promesses d’emplois publics à certaines des femmes impliquées. Le tout au cœur des cercles de pouvoir.
L’affaire a provoqué une vague d’indignation parmi les militantes et responsables féministes du PSOE. L’association des féministes socialistes (FeMeS) a adressé une lettre ouverte à la direction du parti, exprimant sa “profonde inquiétude” et appelant à une autocritique sincère et à une remobilisation autour de l’agenda féministe.
Profitant de la crise, l’opposition de droite ne ménage pas non plus ses critiques. Lors du congrès du Parti populaire (PP), son président Alberto Núñez Feijóo s’est posé en seule alternative crédible : « Les Espagnols méritent un gouvernement qui ne les trompe pas, qui ne les vole pas, et qui les serve », a-t-il lancé.
Alors que le PSOE s’affaire à colmater les brèches, une chose est claire : ce n’est pas seulement une affaire de discipline interne, mais de crédibilité politique. Car derrière les statuts réécrits à la hâte, c’est toute sa légitimité morale et féministe que le parti met sur la table. Et une partie décisive de son électorat — majoritairement féminin — observe, jauge… et attend des actes.
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