Édition internationale

CHRONIQUE DU MANAGEMENT EN ESPAGNE – Candice Laporte, à propos de la distance relationnelle

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 janvier 2018

Installée depuis 15 ans en Espagne, Candice Laporte est Vice-Présidente de Dinh Van Espagne dont elle a ouvert la première boutique à Madrid en 2014. Elle est aussi Secrétaire Général des Conseillers au Commerce Extérieur de la France, et collabore à l'organisation d'événements et salons pour les entrepreneurs à Madrid, en particulier le salon "MiEmpresa".

(photo Laure Helfgott)
Candice Laporte est née et a grandi à Marseille, puis fait ses études à l'EBS à Paris, qui l'ont amenée à faire plusieurs stages en France et à l'étranger : chez Publicis à Milan, dans une agence de Relations Presse à Marseille, et dans une chaîne de restauration à Londres. Parcours varié qui l'amène finalement? à Marseille pour un poste chez Euro RSCG, où elle est intègre l'équipe en charge notamment des concessionnaires Peugeot de la région Sud-Est, et de subventions européennes pour l'agriculture.

Après une année chez Euro RSCG, elle décide de s'installer à son compte, et de développer des synergies entre plusieurs petites entreprises d'un même secteur, les aidant à trouver des économies d'échelle, des offres complémentaires, des locaux communs ou encore une base de données partagée. Elle crée ainsi un premier réseau d'experts dans le domaine de la plongés sous-marine, regroupant un fabriquant de combinaisons en néoprène, une école de plongée, un fabriquant de windsurf, et un vendeur d'articles de plongées. Après une année de mise en place de ce réseau, elle recrute une personne pour gérer la suite, et elle retourne à son premier métier : les Relations Presse, toujours à Marseille, mais cette fois-ci dans l'architecture et le vin.
C'est à cette époque qu'un de ses amis de l'EBS, qui a créé son entreprise à Madrid, lui dit presque sous forme de boutade : "Viens travailler pour moi à Madrid !". Candice Laporte dit "oui", et 15 ans plus tard, vit et travaille toujours à Madrid? avec son ancien ami de l'EBS, Sébastien Chartier, devenu son mari et le père de ses deux enfants !


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stéphanie haye


gaffinel

A l'époque en 2000, l'entreprise était constituée de 2 entités complémentaires :
- Une agence de conseil en levée de fonds pour les Start-Ups, "CreaCapital"
- Une revue de Capital Risque et Fusions Acquisitions : "Capital & Coporate"
Elle est alors en charge de cette deuxième entité, dédiée à 100% à la revue Capital & Coporate qui fonctionne de mieux en mieux, et dont est lancé le premier annuaire, puis le premier événement du secteur. La revue est vendue en 2004 à IFAES, un groupe de formation, et Candice Laporte en reste la directrice jusqu'en 2006, année où elle décide de faire une pause après la naissance très rapprochée de ses deux enfants et un rythme de travail trop effréné pour lui permettre de tout mener de front.

Après son départ, elle continue cependant à organiser de nombreux événements, tout d'abord avec la revue "Iberia Lawyer" pour qui elle crée le premier prix "40 under 40" et réalise du conseil en événementiel, puis nait Creaventure, entreprise spécialisée dans l'organisation d'évènements en 2009. Le premier Salón Mi Empresa voit le jour en mars 2010 et réunit déjà 8.000 visiteurs. Il en compte 15.000 en février 2015 et est désormais considéré comme un des plus grands salons d'entrepreneurs d'Espagne.
Candice Laporte observe à quel point la crise économique a eu l'effet, en Espagne comme dans d'autres pays, de créer un mouvement "tous entrepreneurs", unique issue envisagée à la pénurie de travail salarié et répondant aussi aux rêves d'autonomie de nombreux salariés espagnols. Elle s'est placée dès le début au c?ur de ce mouvement, créant des synergies, facilitant les étapes de la création d'entreprise, créant des liens et des opportunités, et réunissant les talents pour mieux les faire collaborer.
Et lorsque Dinh Van lui confie le lancement de la filiale en Espagne, c'est comme une passerelle inattendue entre l'entrepreneuriat dans lequel elle évolue depuis presque 15 ans, mais toujours dans un contexte de lancement de concept et d'adaptation au marché local !

La distance relationnelle en Espagne
Depuis le début de ses années en Espagne, il y a un aspect qui la surprend toujours autant : la distance très réduite, presque trop à son goût, dans les relations professionnelles. En deux semaines, les communications par emails entre deux personnes peuvent très facilement passer de "Estimado Señor? Un cordial saludo" à "Hola? un beso !", tandis qu'en France, il faudrait sans doute plusieurs années avant de passer du "Cher Monsieur? Je vous prie de croire en ma considération distinguée" à "Cher Georges? Bien à toi".
Ici, tout va plus vite, les relations professionnelles sont aussi faites de contacts physiques : si une femme tend la main à un homme qu'elle rencontre pour la première fois, il la saisira sans doute pour mieux lui faire la bise.
La distance naturelle pour les Français, qui leur permet de faire du management sans proximité particulière, constitue presque un handicap en Espagne où il est difficile d'envisager le management sans une certaine dose de familiarité.
Une proximité à laquelle Candice Laporte ne s'habitue pas réellement, et à laquelle elle tente de ne pas céder chez Dinh Van, tant il lui semble important, au moins dans le secteur du luxe, de maintenir une distance respectueuse entre vendeur et client, qui participe au prestige et au cérémonial de la joaillerie traditionnelle.

L'impossible "non"
Probablement dans le prolongement de cette distance réduite se trouve un autre élément saillant de la culture espagnole au travail, selon Candice Laporte : la difficulté d'obtenir un "non" direct et clair plutôt qu'une  absence de réponse. Il lui semble qu'en Espagne, on laisse volontiers le temps ensevelir un dossier plutôt que de risquer de froisser un interlocuteur en lui disant "non". Après avoir vécu ainsi plusieurs enlisements de situations, Candice Laporte s'est adaptée en allant désormais à la pêche au "non", prêchant parfois le faux pour avoir le vrai, ou provoquant les prises de position chez son interlocuteur. C'est pour elle une condition importante pour avancer : elle a besoin de clore un dossier pour ouvrir le suivant, voire même éventuellement de faire le deuil d'un projet lorsque beaucoup d'espoirs et de temps ont été investis et qu'il ne peut finalement voir le jour.
Candice Laporte se souvient aussi de son premier repas professionnel, il y a 15 ans, auquel elle s'était préparée comme pour une réunion, en élaborant une présentation du projet, un argumentaire et des questions/réponses. Or après plus de trois heures de repas, son interlocuteur ne manifestait toujours pas d'intention d'entrer dans le vif du sujet, et lorsqu'ils se quittèrent, il lui dit finalement "vous pourrez m'envoyer par email votre dossier et nous en discuterons par téléphone". Message reçu : Candice Laporte comprend à cette occasion qu'en Espagne, "lunch is lunch", comme elle l'explique à son tour aux équipes étrangères qui viennent passer une journée de travail à Madrid et évoquent la possibilité d'un repas d'affaire.

Les expressions espagnoles les plus étonnantes dans la culture du travail en Espagne, selon Candice Laporte ?
"Ojala !", équivalent du "croisons les doigts" français, mais teinté du "Inch Allah" des pays arabes.
"Hombre !". Le paradoxe de cette interjection lorsqu'elle est adressée à une femme a longtemps intrigué Candice Laporte qui a fini par s'y habituer, et l'utiliser elle-même de temps à autre.

Les 3 conseils qu'elle donnerait à un manager français qui arriverait en Espagne le mois prochain ?
- S'immerger complètement dans ses équipes espagnoles, avec un esprit très ouvert. Il est très difficile de faire un copier/coller de précédentes expériences dans d'autres pays, donc il faudra nécessairement adapter certains éléments et comportements.
- Reculer sa montre de 2 heures !
- Retenir que les initiales brodées sur la chemise sont les initiales de la personne qui la porte, et non une marque.

Propos recueillis pour lepetitjournal.com par Laure Helfgott, coach certifiée HEC Paris et fondatrice de Zenon Coaching www.zenoncoaching.com. Cette interview se place dans le cadre de l'étude qu'elle mène à Madrid, en partenariat avec lepetitjournal.com et La Chambre, sur l'influence de la culture espagnole dans les pratiques managériales des dirigeants français en Espagne.

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Publié le 22 mars 2015, mis à jour le 6 janvier 2018
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