Édition internationale

À l’aéroport Madrid-Barajas, un policier monnayait l’entrée des étrangers en Espagne

Un agent de la Police nationale, en poste à l’aéroport de Madrid-Barajas, a été placé en détention provisoire. Il est accusé d’avoir exigé de l’argent liquide à des passagers étrangers en échange de leur entrée en Espagne.

un policier en espagneun policier en espagne
Photo : Elentir (Flickr)
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 30 juin 2025, mis à jour le 2 juillet 2025

Il ne se contentait pas de tamponner les passeports. Il encaissait aussi, semble-t-il, les billets. Pas ceux d’avion, ceux qu’on glisse en liquide, à la hâte, pour éviter d’être refoulé. Selon les premières investigations, ce fonctionnaire de la police nationale aurait transformé son poste en point de passage tarifé.

La cible ? Des voyageurs venus d’Amérique latine, plus vulnérables, plus dociles, surtout s’ils parlaient espagnol. Le tarif ? Jusqu’à 100 euros par jour et par personne pour franchir la ligne. De quoi arrondir largement les fins de mois. Dans certains cas, le petit business aurait rapporté plusieurs milliers d’euros. Le tout en liquide, sans reçu ni trace. Sauf celle, tenace, d’un abus de pouvoir ordinaire.

 

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Un billet pour l’Espagne ? 100 euros au poste de contrôle

D’après ABC, l’agent œuvrait à l’abri des regards, entre un tampon sur un passeport et un hochement de tête désabusé. Posté au deuxième filtre de sécurité de l’aéroport de Barajas, il avait repéré sa cible : des voyageurs vulnérables, souvent hispanophones — histoire d’éviter la présence encombrante d’un interprète. À ceux-là, il aurait discrètement réclamé du liquide : jusqu’à 100 euros par jour et par personne pour un accès sans histoire au territoire espagnol. Aucun reçu, aucune procédure. Et pour effacer toute suspicion, il aurait même nettoyé les registres, gommant les noms des passagers qu’il avait fait payer.

L’affaire aurait pu passer inaperçue, comme tant d’autres abus de pouvoir quotidiens. Sauf que quatre victimes ont brisé le silence. Leurs témoignages ont mis en branle la machine interne : la police des polices a enquêté, identifié l’agent et l’a cueilli sur son lieu de travail. À Barajas, justement.

 

L’agent risque jusqu’à six ans de prison pour corruption

Le juge d’instruction n°39 de Madrid n’a pas tardé à réagir. Il a ordonné la mise en détention provisoire du policier, désormais inculpé pour corruption passive. Le parquet, lui, a demandé la clôture de l’instruction. Prochaine étape à priori : un procès devant un jury populaire, comme le permet la législation espagnole pour ce genre de délit.

Trois à six ans de prison, et jusqu’à douze ans d’interdiction d’exercer : c’est ce que prévoit l’article 419 du Code pénal pour tout fonctionnaire qui vend, au prix fort, un acte qu’il aurait dû accomplir dans le respect de la loi.

 

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C’est le genre de scandale qui tombe mal. En 2024, l’aéroport Adolfo Suárez Madrid-Barajas a battu des records : plus de 66 millions de passagers, dont près de 49 millions sur des vols internationaux. Une porte d’entrée géante vers l’Espagne.

Mais derrière ces chiffres ronflants, une autre réalité moins reluisante se fait jour. Celle d’un aéroport où certains abusent de la frontière comme d’un guichet automatique. Où l’autorité publique, en théorie garante de l’ordre, se transforme en distributeur clandestin de passes-droit — à condition de payer comptant.

Et le policier corrompu n’est pas le seul à avoir profité du ballet incessant des arrivées et des départs. Il y a quelques mois à peine, c’est un réseau de narcos qui se faisait passer pour des policiers afin de récupérer, incognito, des valises pleines de cocaïne fraîchement débarquées d’Amérique latine. Résultat : dix arrestations et 190 kilos de marchandise saisis.

Le scénario était bien rôdé. L’un entrait avec un billet low-cost, franchissait le contrôle, puis était escorté jusqu’au tapis à bagages par un complice grimé en agent judiciaire. Une fois les valises récupérées, il disparaissait avec. L’argent ? Transporté par de jeunes recrues, femmes pour la plupart, envoyées dans les Canaries pour expédier les billets vers des banques hors d’Europe.

Un aéroport, deux affaires, une même faille : celle d’un lieu censé filtrer, qui parfois laisse passer, au prix très fort.

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