En octobre, sept entrepreneurs français issus des quartiers ont sillonné Los Angeles et San Francisco avec l’association « les Déterminés », à la rencontres de grandes entreprises américaines de la tech, d’investisseurs, ou de boîtes tricolores à succès… Objectif : tester leur projet sur le marché américain. Ils sont revenus en France galvanisés. Témoignages.


Ils sont arrivés le couteau entre les dents, avides d’apprendre et d’échanger leurs cartes de visite. Du 6 au 18 octobre dernier, sept entrepreneurs français au parcours prometteur ont débarqué en Californie pour une learning expedition de deux semaines avec l’association « Les Déterminés ». Originaires de Cergy, de Martinique, de Paris, de Marseille ou de Toulouse, ils ont grandi dans les « quartiers » et ils ont déplacé des montagnes pour lancer leur boîte, que ce soit dans la tech, la beauté, le sport, l’IA, ou l’agro-alimentaire. Lucie Trarieux et Damien Rattina (Causae), Sébastien Jallier (Compè), Ernest Boadi (E-Fusion), Sophien Boustani (MyoTec), Sophia Labed (All Artz on Me Experience) et Mohamed Haijoubi (Paxilia) avaient un objectif : tester le marché américain, pour à terme, s’y lancer.

De Los Angeles à San Francisco, ils ont visité des mastodontes de la tech - Meta, Netflix, Tesla, Google, Airbnb…- et se sont inspirés des success stories tricolores, en rencontrant le groupe L’Oréal, Demba Yatera (ESP Groupe) ou Julien Lemoine (BBDO) à Los Angeles, Pierre Betouin (fondateur de Sqreen) à San Francisco, et bien d’autres. Ils sont revenus dopés de cette quatrième édition du programme « Together DTR », organisée par l’association « Les Déterminés ». Fondé par Moussa Camara en 2015, cet incubateur a accompagné plus de 2000 entrepreneurs des quartiers prioritaires ou des zones rurales de toute la France dans leur projet entrepreneurial. Lepetitjournal.com a recueilli leurs témoignages.
« La notion d’échec est positive aux États-Unis »
« J’ai pu pitcher en anglais, voir le marché local, comprendre le fonctionnement des Américains via des rendez-vous, s’enthousiasme le Marseillais Sophien Boustani, fondateur des clubs de sport nouvelle génération MyoTec. La culture de l’entreprise est beaucoup plus forte ici, et la notion d’échec est positive. En France, quand je dis aux gens que j’ai beaucoup échoué avant de réussir, on compatit, alors qu’ici, on dit “Wahou”. C’est limite un faire valoir » constate cet ancien bagagiste à l’aéroport de Marseille et boxeur en boxe thaï, aujourd’hui entrepreneur à succès.

Pendant ces quinze jours en Californie, le « mentor » de la promotion a transmis « un maximum de conseils et d’expérience » aux autres. Car depuis le lancement de sa première salle MyoTec en 2016 à Aix-en-Provence - alors que les banques ne croyaient pas en lui - son concept cartonne : 50 franchises ouvertes, 25 en cours de signature, et une présence dans 9 pays. Un succès qui repose sur l'électrostimulation, via l’utilisation d’une machine qui permet de se muscler et de réduire les douleurs dorsales rapidement, sous l'œil d’un coach, explique-t-il.
Lui qui avait « des a priori » sur les États-Unis a désormais hâte de se lancer sur cet énorme marché. « Ici, je me rends compte que tout peut aller très vite, insiste Sophien Boustani. Je suis allé au plus gros événement tech au monde, la Dream Force, à San Francisco. Je vois que ma franchise est un concept qui répond à une problématique mondiale : le manque de temps, le besoin de se sentir bien, vite et durablement. Les États-Unis sont pour cela le plus grand terrain de jeu, au carrefour du wellness et de la tech.»
Le premier salon de tatouages éphémères de Paris
De retour à Paris, Sophia Labed, fondatrice et CEO de « The All Artz on Me Experience », son entreprise de tatouages éphémères, partage le même enthousiasme. « Cela confirme ce que je pensais du marché américain, multiplié par dix, se félicite-elle. Il n’y a pas plus réel et plus concret que d’être sur place et d’avoir de vrais retours du marché, de personnes qui vont dire honnêtement ce qu’elles pensent de notre business. On rentre avec une énergie incroyable. J’ai du pain sur la planche pour construire ce qui va me permettre de partir aux Etats-Unis » conclut la jeune femme, à la tête du premier salon 100% spécialisé dans le tatouage éphémère à Paris.

Depuis trois ans, les clients affluent pour s’offrir ses motifs « hyper réalistes » à base d’encre 100% naturelle, qui durent entre une à trois semaines. A côté, Sophia Labed a aussi développé une offre B2B, avec « un corner clef en main » destiné à des entreprises ou des agences événementielles en recherche « d’expériences nouvelles et impactantes qui vont les rapprocher de leur public ». Ses tatouages éphémères ont ainsi fait le buzz lors du Cowboy Carter Tour de Beyoncé, en juin dernier à Paris. C’est cette offre B2B qu’elle rêve de développer en Californie, où grâce à son voyage avec les Déterminés, elle en est persuadée, « le marché s’y prête totalement ».
Un sacré chemin parcouru, pour la jeune femme originaire des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, qui s’était lancée seule dans l’entreprenariat à 24 ans. Sans avoir ni « les codes », ni « la culture d’entreprendre », ni « les mots.» Des obstacles qu'elle a dépassés en intégrant la promotion 12 des Déterminés, en 2020 : « Les Déterminés m’ont apporté du réseau, des experts, des ressources clés, de la légitimé. Derrière, c’est aussi une famille d’entrepreneurs qui s’entraident de façon généreuse ».
Intégrer le marché américain lors des JO de Los Angeles en 2028
Ancien champion de France et d’Europe de football américain, Sébastien Jallier a troqué les terrains pour l’entrepreneuriat en fondant « Compè », une boisson énergisante naturelle inspirée de la Martinique, d’où il est originaire. Lassé de voir ses jeunes coéquipiers abuser des boissons énergisantes comme Red Bull ou Monster - des boissons « addictives » et « mauvaises pour la santé » -, il a voulu créer une alternative saine. Son shot de 60 ml, composé d’eau de coco, de gingembre, de citron vert, de piment de Cayenne et de sucre de canne, est entièrement bio et pensé pour offrir un coup de boost sans effet nocif.
Accompagné par Les Déterminés, il a affiné son projet lors d’un programme intensif de six mois avant de rejoindre la learning expedition californienne. « J’avais besoin de savoir si mon produit avait du sens sur le marché américain, explique-t-il. Je me suis rendu compte que oui. J’ai pu faire une très bonne étude de marché. Aux États-Unis, l’eau de coco est omniprésente, le format shot est courant, et le marché des boissons naturelles est déjà mature.»

L’ex-sportif ambitionne de devenir le numéro un des alternatives naturelles aux boissons énergisantes en France dans les trois ans, puis de se lancer sur le marché américain à l’horizon des Jeux Olympiques de Los Angeles 2028. Pour cela, il compte s’appuyer sur le flag football, nouvelle discipline olympique dérivée du football américain, qui devrait susciter un engouement immense aux États-Unis. « Mon objectif est d’utiliser l’image des athlètes français pour intégrer le marché américain à ce moment-là » précise-t-il.
La rage de réussir, malgré des parcours semés d’embûches
C’est la deuxième année que les Déterminés mettent le cap sur la Californie, après deux premiers voyages sur la côte Est. Des séjours financés par des partenaires privés - comme Wells Fargo, Axxa, la Fondation Schneider Electric ou l’ESP Groupe de Demba Yatera - et organisés avec le soutien des consulats français et de Business France. Un véritable game-changer, pour les talents français sélectionnés pour participer au programme.
« Ils ont une envie de tout déchirer qui crève le plafond, alors qu'ils ont tous eu des parcours pas toujours faciles », salue Marie-Laure Idée, responsable du programme Together DTR, qui les a guidés en Californie. L’export, c’est très dur, mais aux États-Unis sans réseau, ni contacts, ni accès au financement, ça devient un parcours du combattant. Ces réseaux, ils peuvent les trouver chez les Déterminés.» Des aventures que l’on a hâte de suivre de l’autre côté de l’Atlantique !
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