Le Marseillais vient d’inaugurer Christophe Rull Pâtisserie, à San Marcos, près de San Diego. Après les tables étoilées et les palaces californiens, le candidat de Bake Squad, sur Netflix, concrétise son rêve américain aux côtés de son épouse Wilma. Portrait d’un bosseur acharné.


Samedi 13 septembre, une file impressionnante serpentait devant une petite boutique flambant neuve de North City, à San Marcos. Ils étaient près de 500, impatients de découvrir Christophe Rull Pâtisserie, la première boulangerie-pâtisserie française de cette ville de l’arrière-pays de San Diego. À l’intérieur, derrière une vitrine vite dévalisée, les attendaient croissants, brioches, quiches, macarons et baguettes. Un rêve devenu réalité pour Christophe Rull et sa femme Wilma, qui ont tout quitté pour se lancer dans cette aventure, avec en toile de fond l’Océan Pacifique, tout proche.
« Nous ne nous attendions pas à un tel engouement, avoue le chef à l’accent marseillais chantant. Le matin, les gens font la queue à l’ouverture, et en une heure et demi, on sert déjà 80 clients. On a commencé avec cinq ou six employés, aujourd’hui nous sommes quatorze, et on n’arrive toujours pas à suivre la demande. » Sa cuisine de 40 mètres carrés tourne à plein régime. « On finit un service, je m’écroule pour une sieste, puis je repars tabasser les croissants, les brioches, les quiches et les sandwichs » dit-il avec un grand sourire dans la voix.

« En ce moment, je travaille 18h par jour. Il faut tout mettre en place, former l’équipe… Les clients sont ravis et reviennent. Et ils n’ont encore rien vu ! » prédit ce compétiteur, qui espère recruter d’ici peu des boulangers-pâtissiers français pour l’épauler. À 41 ans, c’est une nouvelle vie pour le gamin de Marseille, qui, à force de travail acharné et de passion, s’est taillé une place sous le soleil californien.
De Marseille à Las Vegas, puis la Californie
Originaire de la Cité phocéenne, Christophe Rull découvre la boulangerie-pâtisserie à 15 ans en passant son CAP. Après un passage dans plusieurs restaurants étoilés en France, il quitte l'Île de Ré et part tenter l’aventure américaine à Las Vegas, en intégrant le MGM Grand. « Je suis passé d’un village de 7000 habitants à un hôtel de 7000 employés, résume-t-il. On était 70 en pâtisserie et on faisait à manger pour 20 000 ou 30 000 personnes par jour. » A Las Vegas, où se croisent les plus grands chefs au monde, il acquiert « beaucoup de connaissances et de connexions ». Il devient ensuite chef pâtissier du Park Hyatt Aviara à Carlsbad, puis rejoint l’Hôtel Bel-Air à Los Angeles. Mais la routine des palaces finit par l’user : « J’ai été chef dans des 5 étoiles pendant un peu plus de 7 ans. Il n’y avait pas d’évolution. Avec les réunions à rallonge, les process corporate, je faisais de moins en moins de pâtisserie. Je m’éloignais de ma passion » confie-t-il.
La compétition comme moteur
Entre Carlsbad et Los Angeles, le jeune pâtissier retrouve néanmoins un nouveau souffle grâce aux concours. En 2021, en pleine pandémie, il remporte le titre de « US Chocolate Master » et représente les États-Unis lors de la prestigieuse finale de ce concours de chocolaterie international, à Paris. Ses créations spectaculaires, inspirées par l’Océan, lui valent une 5ᵉ place sur 18 nations. « Ça a été trois ans de préparation, un engagement total, relit-il. Le jour de la compétition, chaque seconde comptait. Cette discipline m’a appris à optimiser l’espace et les gestes - des réflexes que j’applique aujourd’hui dans ma cuisine. Je l’ai designée moi-même, petite et efficace, en calculant le moindre mouvement. »
Cette exposition attire aussi l’œil de la télévision. Sélectionné pour l’émission Bake Squad sur Netflix, « the pastry illusionnist », comme le surnomme la production, tourne deux saisons aux côtés de la célèbre cheffe Christina Rossi. « C’était très dur, derrière le côté fun que l’on voit à l’écran, il y a des heures de travail en amont, et pendant le tournage, c’est vraiment très challenging, souligne-t-il. Je garde tout plein d’émotions de cette émission. » Un tremplin qui a aidé le pâtissier aux 70k d’abonnés à concrétiser son projet, même si « c’est toute une vie, 25 ans de travail qui aboutissent à l’ouverture de la boutique », nuance-t-il.
L’appel de San Marcos
Malgré ses expériences hollywoodiennes, c’est à San Marcos, loin du trafic cauchemardesque de Los Angeles, que Christophe Rull a voulu poser ses valises. Un cadre idéal pour lui qui aime la nature : « La Californie du Sud, c’est l’un des seuls endroits où l’on peut faire du surf le matin et du snowboard l’après-midi. » Trois semaines après l’ouverture, alors que la boutique accueille déjà près de 180 clients par jour, le temps n’est pourtant pas encore venu de souffler.
« C’est la période la plus dure de ma vie, mais c’est très inspirant » savoure le pâtissier. Dans un futur proche, il imagine ouvrir une école de pâtisserie-chocolaterie. En attendant, ses journées débutent à 2 heures du matin et s’achèvent tard le soir, entre les fourneaux et l'accueil des clients. Fatigué, mais heureux, il goûte pleinement cette liberté retrouvée : « Ici, mon évolution est illimitée à partir du moment où on fait du bon travail et qu’il y a des clients. La boutique peut m’occuper 10 ou 15 ans, et après, j’irai pêcher, surfer, voyager. »
Christophe Rull Pâtisserie, 251 N City Dr #121, San Marcos, CA 92078
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