De passage en Californie dans le cadre d’une tournée de levée de fonds, le CEO de Plastic Odyssey, Simon Bernard, donnera une conférence ce jeudi 4 décembre à Laguna Beach. Depuis 2022, l’ONG française sillonne le monde, à bord de son navire-laboratoire, afin de trouver des solutions pour réduire la pollution plastique des océans. Interview.
Jusqu’ici déployée en Europe, en Asie et en Afrique, l’ONG française Plastic Odyssey, forte d’une équipe de 70 personnes dans le monde, se tourne aujourd’hui vers les États-Unis. Il y a deux ans, elle a ouvert un bureau à San Francisco, « Plastic Odyssey Fund », piloté par Fabien Lamaison (lire notre article ici). Dans le cadre d’une tournée de levée de fonds, son CEO, Simon Bernard, 34 ans, donnera une conférence jeudi 4 décembre à Laguna Beach (réservations ici), organisée par Amandine Richard (Recurvence) et Hanako Boulangeat (Earth Boutique). Objectif : mobiliser philanthropes, bénévoles et partenaires américains pour combattre la pollution plastique des océans.
Car depuis la création de l’association en 2016 par Simon Bernard, Alexandre Dechelotte et Bob Vrignaud, la production mondiale du plastique n’a pas diminué : 19 tonnes de déchets sont déversées chaque minute dans les océans. D’où l’urgence de passer à la vitesse supérieure. « Nous avons envie d’avoir un impact à l’échelle du problème, assure Simon Bernard, ancien officier de la marine marchande. Énormément d’argent est investi dans des startups qui n’ont parfois pas d’intérêt pour l’humanité, alors que concernant de grandes crises, comme celle de la biodiversité, il est plus difficile de trouver des fonds. Aux États-Unis, la philanthropie est ancrée, c’est pourquoi nous avons l’espoir de pouvoir faire changer d’échelle nos solutions.»
Une expédition de trois ans à bord d'un navire-laboratoire
Des solutions, ce n’est pourtant pas ça qui manque. En 2022, le bateau-laboratoire de Plastic Odyssey est parti pour une expédition de trois ans et demi à travers le monde, avec 20 personnes à bord, pour développer des alternatives locales au plastique. « Le bateau est actuellement entre l'île Maurice et l’Afrique du sud. Il devrait arriver cette semaine au Cap, une des dernières escales avant le Sénégal, le Cap Vert puis un tour d’Europe pour clôturer cette première expédition » détaille Simon Bernard. Alors qu’il achèvera son périple à Marseille fin mars 2026, quel est le bilan de l’expédition ?
« Comme prévu, nous avons trouvé du plastique partout, indique Simon Bernard. Ce n’était pas vraiment une surprise, mais nous avons pris conscience de l’ampleur du phénomène. Quand on fait escale dans des pays très impactés, et qu’on découvre les plus grandes décharges du monde, ça fait peur. Même sur des îles désertes ou très isolées de la civilisation on a réussi à polluer les écosystèmes.» Un paradoxe, que les pays les plus pollués ne sont pas les plus consommateurs.
Déjà une dizaine d’usines de recyclages ouvertes dans le monde
Un problème certes immense, mais aussi beaucoup de solutions. « Nous avons documenté plus de 200 initiatives d’alternatives au plastique, en expérimentant la vie sans plastique à bord du bateau, se félicite le Français. Nous avons aussi développé un programme de formation pour les entrepreneurs locaux. 500 d’entre eux ont été formés, et nous avons monté une dizaine d’usines de recyclage, où une quarantaine de personnes travaillent à temps plein. Notre objectif est d’en créer 200 d’ici 2030.»
Déployer ces alternatives à grande échelle reste pourtant encore un défi. « Nous n’avons pas identifié autant de solutions que l’on aurait aimé pour réduire le plastique à une échelle industrielle », reconnaît Simon Bernard. Il évoque néanmoins des « exemples prometteurs à faire connaître et à répliquer », comme Kadeya, aux États-Unis, un distributeur de sodas en bouteilles en inox lavées et réutilisées sur place, ou InovaYa, une entreprise française qui rend potable l’eau de surface ou les eaux usées. Grâce à ce système, 30 000 bouteilles plastiques ont été évitées en trois ans pour la consommation de l’équipage de Plastic Odyssey.
Nettoyer les îles avant que le compte à rebours n’expire
Simon Bernard pense déjà à la suite. Plastic Odyssey vient de signer un partenariat avec l’Unesco pour dépolluer ses sites marins les plus menacés. « Nous allons emmener des scientifiques sur des zones très difficiles d’accès, restaurer les écosystèmes, et mener des programmes pédagogiques auprès des communautés locales comme à l’échelle mondiale » explique-t-il. Des expéditions prévues en 2027, après une refonte complète du navire. L’ONG prévoit également la construction d’un voilier-cargo capable d’emporter jusqu’à 200 tonnes de déchets : « Il faut y aller vite, car ça se dégrade, le compte à rebours est lancé. » Pour cibler les zones les plus polluées, l’association utilise des outils de reconnaissance par drones et imagerie aérienne.
Éduquer, collecter des données, influencer
Pour faire changer les mentalités, l’ONG mise aussi sur l’éducation. « On estime qu’un enfant sensibilise six adultes, souligne Simon Bernard. C’est ce qu’on appelle le “parentissage.” C’est pourquoi nous voulons déployer nos programmes pédagogiques au maximum dans les écoles, en particulier aux États-Unis. » Enfin, la collecte de données scientifiques reste un pilier de l’organisation. « Nous travaillons sur un programme ambitieux, sur 5 à 10 ans, pour mesurer l’impact du plastique sur la santé humaine et animale. Des études ont déjà montré que certaines bactéries pathogènes étaient cent fois plus présentes sur le plastique que dans l’eau de mer. » Un volet indispensable pour faire changer les lois à l’échelle internationale, juge-t-il.
Ne pas céder au découragement ambiant
Alors qu’en 2025, les préoccupations environnementales semblent avoir été éclipsées par une actualité mondiale très lourde et par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, cet amoureux de la mer refuse le fatalisme : « Dans les pays les plus touchés par la pollution, on voit un engouement immense et des solutions partout. Il faut continuer à fédérer les derniers résistants. » L’ONG a récemment accueilli Emmanuel Macron sur son bateau à l’île Maurice. « Il pousse pour un traité plastique en Méditerranée, confie Simon Bernard. C’est un terrain d’expérimentation idéal pour un accord mondial. Nous pourrions y jouer un rôle. » Rendez-vous le jeudi 4 décembre à Laguna Beach pour en savoir plus.
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