Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

SERVICE SOCIAL - Au consulat, quatre femmes face à l'urgence

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 1 décembre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012

 

"Les expatriés ont la belle vie à Londres"?Vue de France, la capitale britannique fait souvent rêver. Paradis de l'emploi, paradis de la finance, paradis fiscal?les superlatifs ne manquent pas. Pourtant, chaque jour, c'est une toute autre réalité à laquelle est confronté le service social du consulat. Loin de ces raccourcis collectifs, quatre femmes sont au quotidien en contact avec la partie immergée de l'iceberg

(Crédit : Simon Gleize)

En plein coeur de South Kensington, la "frog Valley" de Londres, Une équipe de 4 femmes, Aurore Bouvet, Dominique Fraser, Véronique Dehon et Fatima Mezrag, responsable de ce service, s'occupent de l'action sociale au consulat général de France. Leur travail consiste essentiellement à s'occuper de ressortissants français confrontés à des difficultés diverses et souvent dans des situations d'urgence. Accidents graves, décès, hospitalisations psychiatrique, disparitions, enlèvements, violences conjugales, maltraitance sur enfants ou encore arrestations et emprisonnement?tout passe entre les mains de cette équipe.

Une collaboration indispensable avec les autorités locales


"C'est un travail où on ne peut rien planifier. Aucune journée ne ressemble à la précédente" explique d'emblée l'une d'entre elles. À tout moment, un dossier peut devenir "brûlant". Si les affaires très médiatiques sont rares, la collaboration avec les autorités locales est quotidienne et indispensable. Le service social du consulat est en contact permanent avec la police, les services d'immigration, les hôpitaux, les services sociaux mais aussi les associations britanniques. C'est cette relation étroite qui permet de solutionner de nombreux cas de détresse. De plus, même si les Français résidants en Grande-Bretagne dépendent essentiellement des services de leur pays d'accueil, ils se tournent très souvent naturellement vers le consulat.   

Trop peu de Français inscrits sur la liste consulaire


Dès 9h, la salle d'attente du service social du consulat se remplit. Dans le même temps, le téléphone sonne et les emails se multiplient. Nombreux sont les parents, inquiets de ne pas avoir de nouvelles de leurs enfants, à se tourner vers le consulat. "Nous avons appris à distinguer les véritables situations d'urgence des cas de mamans un peu trop stressées qui n'ont pas réussi à joindre leur enfant dans la matinée" raconte l'une des membres de l'équipe. Il faut donc avant toute chose évaluer la situation, rassurer et en cas de réelle inquiétude, actionner les différents leviers. Notamment appeler les différents hôpitaux de la ville et parfois envoyer la police britannique frapper à la porte du domicile. Mais encore faut-il avoir celle-ci. 120 000 français sont inscrits au consulat de Londres pour une population française installée au Royaume-Uni estimée à 350 000 personnes.

Le service social est aussi parfois le seul point de contact pour des familles déchirées. Des parents qui se sont brouillés avec leur enfant, ou inversement, cherchent désespérément à obtenir des nouvelles et font appel au consulat dans le cadre d'une Recherche dans l'Intérêt des Familles (R.I.F).

Des "habitués" fascinés par la monarchie

Aurore Bouvet, en poste à Londres depuis 2000, est la plus ancienne du service. Elle en a vu défiler.  Quasiment chaque semaine, des Français sous contrôle psychiatrique ou échappés des hôpitaux français traversent la Manche. "Certains sont devenus des habitués et viennent d'eux-mêmes nous dire bonjour quand ils arrivent, explique-t-elle. Souvent, les schizophrènes sont fascinés par les gens célèbres ou les grands événements". D'où un attrait fréquent pour la monarchie britannique? Après un premier contact avec l'hôpital ou les autorités britanniques, le consulat recherche la famille et s'informe sur les antécédents médicaux et psychiatriques de la personne. Le service social sert également d'intermédiaire entre les médecins en France et au Royaume-Uni. Enfin, lorsque l'identité est difficile à établir et si leur état de santé mental le permet, des visites aux patients peuvent être organisées dans les hôpitaux psychiatriques.

(Crédit : Simon Gleize)

D'autres sont SDF. Même s'il est difficile de connaitre leur histoire  - ils n'ont souvent pas de papiers -, les foyers et les associations britanniques arrivent parfois à identifier la nationalité de la personne et appellent alors le consulat français. Là aussi, Aurore a créé des liens avec certains "habitués". Le consulat, c'est un peu un havre de paix pour eux. Il y a "des bonbons, du thé, du café?". Notamment pour cette femme, sans abri, qui vient régulièrement à Londres avec son vélo. "Elle est sous tutelle en France mais se débrouille très bien seule. La dernière fois que je l'ai vue, c'était pendant les JO. Elle voulait assister à l'épreuve de cyclisme", raconte Aurore.

62 détenus et 549 arrestations en 2011

Chaque Français arrêté au Royaume-Uni a droit à ce que le Consulat soit informé de sa détention. A chaque arrestation la police britannique met à la disposition du détenu un avocat commis d'office ainsi qu'un interprète. Selon le chef d'inculpation, la personne sera ou non incarcérée. En cas d'emprisonnement le détenu est placé sous protection consulaire et son dossier suivi le temps de son incarcération par Véronique Dehon qui, s'il le désire, lui rendra visite. En 2011, 19 visites consulaires ont été effectuées. Il est aussi fréquent de recevoir des appels des prisonniers, pour des demandes spécifiques?ou parfois juste pour parler français.

Il arrive également que des femmes, victimes de violences conjugales fassent appel au consulat. Elles hésitent souvent à se déplacer donc c'est au téléphone que sont traitées dans la majorité des cas ces affaires. "Nous avons eu beaucoup de cas cette année mais c'est difficile d'agir car nous n'avons pas le droit d'appeler la police, sauf si nous sentons la personne en situation de danger imminent, notamment quand il y a des enfants autour", explique Dominique. L'aide apportée consiste donc le plus souvent à de l'écoute, un aiguillage vers des associations ou une aide au retour en France.

Prudence, écoute et assistance


En 2011, le service social du consulat est intervenu à de nombreuses reprises dans le dénouement d'affaires sensibles, sans compter le travail administratif (aide à la scolarisation, demandes de bourses, fraudes aux prestations sociales, démarches relatives à l'adoption, interventions retraite?). Il y a aussi tous les gens qui appellent, "simplement pour parler" mais aussi les personnes âgées souvent seules dont il faut s'occuper, notamment avec l'aide de la Société de Bienfaisance.

Le titre officiel des agents du service : chargées de mission sociale. Mais toutes sont unanimes : leur travail ne rentre pas dans des cases. "Nous jouons souvent le rôle d'assistante sociale que nous ne sommes pas vraiment. Il faut donc toujours être prudente et surtout savoir écouter".    

Simon Gleize (www.lepetitjournal.com/londres)

lepetitjournal.com londres
Publié le 1 décembre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012