

Vitrine internationale sans commune mesure, les Jeux Olympiques ont dans l'histoire presque toujours été détournés à des fins politiques. Munich, Moscou ou plus récemment Pékin en sont les parfaits exemples. Londres ne devrait pas échapper à la règle. Le sponsor Dow Chemical, la crise des Malouines ou encore les évènements en Syrie font déjà parler d'eux
(Crédit : AFP)
À chaque olympiade sa crise politique. C'est presque devenu une règle indéfectible. Très loin des voeux originaux de son fondateur Pierre de Coubertin, les Jeux olympiques sont devenus une tribune pour les revendications de toutes sortes. Victime de son succès planétaire, la plus grande compétition sportive internationale a connu dans l'histoire de nombreuses éditions dépassées par des enjeux politiques.
Propagande, terrorisme et revendications
En 1936 déjà, Hitler, d'abord opposé à la tenue des Jeux à Berlin, les utilisera finalement pour faire la propagande du nazisme. L'Union Soviétique en fera de même en 1980 à Moscou malgré l'absence des États-Unis et de 64 autres délégations qui protestaient ainsi contre l'intervention soviétique en Afghanistan. Boycott qui entrainera d'ailleurs la réciproque de l'URSS quatre ans plus tard pour les Jeux de Los Angeles. Pour protester contre le régime d'apartheid sud africain, les olympiades de 1968, 1972 et 1976 se déroulent sans la présence de nombreuses nations africaines.
Les Jeux de Munich resteront bien sûr aussi tristement célèbres pour une autre raison lorsqu'un commando terroriste palestinien prend en otage onze membres de la délégation israélienne dans le village olympique. En 1996 à Atlanta, c'est une bombe qui explose sur la place principale de la ville faisant deux morts et blessant plus de cent personnes. Comme en 1972, les Jeux se poursuivent et lors de la cérémonie de clôture, Juan Antonio Samaranch, alors président du Comité International Olympique, déclare : "Aucun acte de terrorisme n'a jamais détruit ni ne détruira jamais le Mouvement olympique".
Plus proche de nous, en 2008, c'est Reporters sans frontières qui, pour les Jeux de Pékin, saisit l'occasion pour tenter se sensibiliser l'opinion publique sur la cause tibétaine et le bafouement des droits de l'Homme en République populaire de Chine. Malgré l'appel de l'association au boycott, aucune nation n'y répondra positivement mais le parcours de la flamme sera perturbé par de nombreuses manifestations, notamment lors de son passage à Paris.
(Crédit : AFP)

Londres loin d'être épargnée
À quoi devons-nous donc nous attendre lors de ces trentièmes olympiades ? Le lendemain de l'officialisation du nom de la ville hôte des Jeux 2012, la capitale britannique était déjà tragiquement frappée par un attentat terroriste dans son métro. Si tout semble être fait pour qu'un tel évènement n'arrive pas cet été grâce à un dispositif de sécurité ultra-renforcé, les prochains Jeux ne seront pas épargnés par les revendications politiques.
Depuis de nombreux mois, le comité olympique indien ainsi que des associations de défense des victimes de Bhopal, protestent contre la présence de Dow Chemical comme sponsors des Jeux. La compagnie américaine de produits chimiques a racheté l'entreprise de pesticide Union Carbide, responsable en 1984 de l'explosion d'une usine à Bhopal en Inde qui provoqua la mort de 3.500 personnes (20.000 à 25.000 selon les associations suite au rejet dans l'air d'un gaz toxique). Si la menace d'un boycott a été levée par l'Inde, les associations de victimes continuent leurs manifestations. Nul doute que dans un pays où vivent 1,5 million d'Indiens, cette campagne de sensibilisation trouvera un écho de plus en plus favorable à l'approche du début des festivités.
Autre sujet sensible en cette année olympique : les Malouines. Alors que la guerre des mots entre Londres et Buenos Aires a repris de plus belle à l'occasion du trentième anniversaire du début du conflit, la présidente Cristina Kirchner a d'ores et déjà annoncé son intention d'utiliser les prochains Jeux pour revendiquer la souveraineté de l'île. Il est en effet prévu que les athlètes argentins, lorsqu'ils défileront, portent un maillot sur lequel sera inscrit en lettres bleues et blanches, couleurs du pays, la phrase "Les Malouines sont toujours argentines."
La Syrie, principal enjeu ?
Les Jeux Olympiques de Londres sont aujourd'hui également rattrapés par l'actualité en Syrie. Alors que les militants de l'opposition luttent pour un boycott du pays, appelant Londres à interdire la présence de certains responsables du comité national olympique syrien considérés comme proche de Bachar al-Assad, le président du CIO, Jacques Rogge, a annoncé sa volonté de "tout faire" pour que les athlètes syriens soient présents, suivi de près par David Cameron. "Je ne crois pas que nous devrions punir les sportifs pour les méfaits du régime", déclarait le Premier ministre il y a peu. Pourtant, selon le témoignage d'un ancien international de football syrien, les sportifs syriens eux-mêmes ne souhaitent pas participer aux Jeux. Les athlètes "ne veulent pas jouer pour un drapeau dont ils ne sont pas fiers", explique Abdelbasset Saroot dans une interview à la chaîne ITV. "Je sais personnellement que la majorité des athlètes ne veulent pas participer et qu'ils le feront par peur pour leurs familles, par peur de représailles de la part du régime s'ils ne se soumettent pas". C'est donc sous la contrainte du dictateur que l'on risque de voir les Syriens disputer des Jeux Olympiques.
Les Jeux olympiques de Londres n'échapperont donc pas à la règle. La plus belle des compétitions sportives est aujourd'hui victime de son succès et ne peut plus échapper à la récupération politique. C'est ce qu'on appelle en termes olympiques le revers de la médaille.
Simon Gleize (www.lepetitjournal.com/londres) mercredi 11 avril 2012
En savoir plus :
- JO 2012- Le comité olympique indien ne veut pas de Dow Chemical
- MALOUINES - Des mots, du pétrole et des manchots
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