À l’occasion de la Festa do Cinema Francês au Portugal, qui a lieu du 2 octobre au 30 novembre, Thierry Frémaux, personnalité française du cinéma et directeur de l'Institut Lumière à Lyon, s'est déplacé à Lisbonne, début octobre, où il a présenté "Lumière, l’aventure continue".


Ce film est la suite de son documentaire sur les frères Lumière. Au cours d´une interview qu´il a accordée au Lepetitjournal de Lisbonne, Il nous parle du sens de ce projet, du travail de restauration et du lien entre ces images anciennes et le cinéma d’aujourd’hui.
Lepetitjournal : Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire cette suite documentaire ?
Thierry Frémaux : Quand on est cinéphile et lyonnais, s’occuper des films Lumières, c’est à la fois un privilège, une passion, mais aussi un devoir. J’ai la chance de veiller sur ce patrimoine, mais ce patrimoine n’est pas à moi. Il est même très universel. Restaurer ces films et les redonner à voir au public, c’est une façon de se dévouer à quelque chose qui fait partie de l’histoire de l’humanité.
Voir les films Lumière aujourd’hui, ça nous apprend des choses qu’on avait oubliées. Et ça marche pour le spectateur, qui découvre un savoir, des films, des sujets, des visages, des paysages qu’il ignorait. Mais ça marche aussi pour les artistes, pour les cinéastes. Beaucoup de cinéastes m’ont dit que la simplicité de ces films, la sincérité, nous permet de nous dire qu’il ne faut pas l’oublier.
Les Lumières étaient des débutants. Ils inventaient en même temps qu’ils le faisaient, ou ils le faisaient en même temps qu’ils inventaient. Ils se sont posé des questions de cinéastes. Et cette façon de faire du cinéma, très spontanée, très naturelle, c’est aussi quelque chose qui parfois manque dans le cinéma d’aujourd’hui. Retrouver la simplicité, la vérité des images, et la sincérité des images, c’est important.
Comment avez-vous choisi les films restaurés ?
Quand on interroge les gens, on leur dit : vous connaissez les films de l'œuvre des Lumières ? Ils vont citer un, deux, trois, quatre, peut-être cinq titres. Mais en réalité il y a 2 000 films. Et sur ces 2 000 films, on en a déjà restauré 500 ! J’en ai choisi pour ce film 125. Et il y en a encore 1 500 à restaurer. Ça demande beaucoup d’argent et un grand dévouement.
On fait un double travail. Cela touche au patrimoine et domaine artistique. Le film sort au Portugal, il est sorti en Italie, en Espagne, au Japon, il a été montré en Hongrie, en Grande-Bretagne. Il sort bientôt aux États-Unis, au Brésil, en Argentine. C’est aussi une action culturelle, mais aussi une action de cinéma. Mettre les films Lumière, qui sont les films les plus anciens, au présent. Et voir comment, aujourd’hui, ils viennent questionner le cinéma contemporain.

Avez-vous le projet de poursuivre cette série ?
Oui, on a des projets. Un ami me disait “deux, ce n’est pas possible, c’est soit un, soit trois”. Donc on va en faire un troisième. Mais après, je voudrais faire aussi une série documentaire. Parce que parfois, certains sujets prennent dix minutes, et d’autres prendront trente minutes.
Quel est l’état du matériel ? En quoi consiste la restauration ?
Les films Lumière, on les possède. Louis Lumière, à la fin de sa vie, avait tout gardé. Le matériel est là. Il y a des films en très bon état, d’autres en moins bon état. Cette restauration est une restauration numérique, digitale. Mais une fois que c’est fait, on retourne faire du 35 mm, pour garder la pellicule 35 mm.
Il y a beaucoup d’enjeux, la qualité du noir et blanc, la qualité du point, du cadre, de la vitesse. Il y a beaucoup de décisions à prendre. Et ce n’est pas une décision à prendre pour une heure et demie. Chaque film est une restauration.
Combien de temps dure ce travail de restauration ?
Pour 500 films, ça prend deux ans. On fait ça avec le laboratoire Imagine Ritrovata, qui est à Bologne, en Italie. C’est un grand travail. Évidemment, je cherche de l’argent pour la suite, parce que ça demande un financement spécial.
Quel public voulez-vous toucher avec ce film ?
Je ne sais pas quel public je pense toucher. Je sais que déjà, ça touche le public. On a fait un premier film en 2017, qui a fait beaucoup d’entrées partout dans le monde, qui a été montré à la télévision, en vidéo. Ce film-là, c’est pareil. Il sort un peu partout. Il a été vendu dans 30 pays. Le cinéma de Lumière touche profondément le grand public. Justement, les gens se disent “des films muets, en noir et blanc, on va s’ennuyer” Pas du tout. On ne s’ennuie pas. On peut regarder ça aujourd’hui. C’est formidable.
Comment avez-vous pensé la narration et le montage pour donner du rythme ?
Comme un film dur 50 secondes, et que le format d’un film de cinéma est d’une heure et demie. J’ai donc eu l’idée de faire un montage d’une heure et demie. Comme il fallait expliquer, je fais un commentaire. Et comme il fallait de la musique, j’ai pris la musique de Gabriel Fauré, parce que c’était un contemporain de Lumière.
Bande annonce
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