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Prix Goncourt 2025 : "La maison vide", un roman de Laurent Mauvignier

Le roman s´intitule La maison vide, mais il s´agit plutôt d´une maison peuplée de récits où se croisent deux guerres mondiales, la vie rurale de la première moitié du vingtième siècle, mais aussi Marguerite, la grand-mère du narrateur, sa mère Marie-Ernestine, la mère de celle-ci, et tous les hommes qui ont gravité autour d’elles. Bref, une saga familiale, servie par un beau style aux contours proustiens, qui est aussi un petit bout d´histoire de France. C´est avant tout un superbe roman signé Laurent Mauvignier, publié par les éditions de Minuit, et couronné du Prix Goncourt 2025.

Laurent MauvignierLaurent Mauvignier
© Zazzo - Les éditions de minuit
Écrit par Fernando Couto e Santos
Publié le 2 décembre 2025, mis à jour le 3 décembre 2025

Laurent Mauvignier, un écrivain récompensé par de prestigieux prix littéraires

Né le 6 juillet 1967 à Tours, Laurent Mauvignier s´était déjà fait remarquer par d´autres romans qui avaient suscité l´admiration de nombre de critiques et récompensés par de prestigieux prix littéraires. En 2006, par exemple, il a publié Dans la foule (Prix du roman FNAC) qui raconte la tragédie du stade Heysel à Bruxelles en 1985, en finale de la Coupe d´Europe des Champions de football, entre la Juventus-où évoluait Michel Platini-et les Reds de Liverpool. Il met en exergue avec une énorme précision le drame d´une jeunesse confrontée de plein fouet avec la mort, la désolation et la douleur. En 2009, est paru un autre livre très fort, Des hommes (Prix Virilo et Prix des Bibliothèques), où, au fil des pages, Laurent Mauvignier délivre les pensées de ces hommes abimés par les ravages de la guerre d'Algérie. 

Avant de décrocher le Prix Goncourt, La maison vide avait déjà reçu le prix Littéraire du Monde et le Prix des Libraires de Nancy. Il était aussi en lice pour la plupart des autres grands prix littéraires de l´automne, preuve irréfutable de son indiscutable qualité.


La maison vide : une saga familiale 

Contrairement à d´autres livres qu´il a écrits, l´auteur se sert ici d´un narrateur à la première personne, partant du présent pour se projeter dans le passé. Au début, il y a une enquête personnelle à partir d´une maison, on l´a vu, laissée vide par le père où le narrateur découvre des objets symboliques –un piano, des photos, une commode au marbre ébréché, l´intégrale des Rougon-Macquart d´Emile Zola dans le grenier- qui le poussent à reconstituer la vie de ses ancêtres, en particulier celles de son arrière grand-mère musicienne (Marie- Ernestine) ou de sa grand-mère (Marguerite) dont le visage a été effacé des photos.    

Si le roman s´intitule La maison vide, la maison que le narrateur dépeint -je l´ai écrit plus haut- est plutôt peuplée de récits et, en remontant la généalogie d´une famille sur quatre générations, Laurent Mauvignier nous raconte en quelque sorte une histoire construite sur les trous et les silences de sa propre histoire familiale. La page 45 en est un exemple assez frappant. En évoquant Firmin, le père de Marie-Ernestine, il écrit : «De toutes ces angoisses nocturnes qui lui avaient souvent pourri une vie déjà bien encombrée par le travail, ou même de ces grandes idées qui étaient des programmes, des projets de vie pour les siens et pour lui-même, je ne pourrai jamais dire avec certitude que Firmin les a eues ; ici je ne fais que des suppositions, des spéculations -du roman - c´est ça, je ne fais que du roman- , mais je crois que si ce que j´écris est un monde que je découvre en partie en le rêvant, je ne l´invente pas tout à fait : je le reconstruis pièce à pièce comme une machine d´un autre temps dont on découvre que le mécanisme a pourtant fonctionné un jour et qu´il suffit de le remonter pour qu´il puisse redémarrer. Ce monde, je pars de sa disparition pour le reconstituer, peut-être à l´aveugle, en prenant trop de libertés, mais avec la conviction que je le fais dans le bon sens, comme à partir d´un fémur fossilisé le squelette d´un animal préhistorique que personne n´a jamais vu ».    


La maison vide : un roman aux personnages inoubliables 

Laurent Mauvignier excelle dans l´art du portrait, en créant des personnages inoubliables : Marie-Jeanne dite « la préposée aux confitures et aux chaussettes à repriser » qui devient patronne à la faveur de la Grande Guerre, Marie-Ernestine au destin de pianiste contrariée, son mari Jules, l´amoureux, tué dans la boucherie de 1914-1918, et leur fille Marguerite, placée adolescente dans un magasin de vêtements par sa mère incapable de l´aimer. 

Le roman décrit aussi la condition des femmes au début du vingtième siècle, des femmes qui voient leurs rêves brisés (comme celui de l´arrière grand-mère Marie- Ernestine de devenir pianiste) par des mariages arrangés et des conventions sociales. Il dépeint également des événements tragiques et des secrets de famille, comme le suicide du père du narrateur et les violences vécues par les femmes de la famille, notamment lors de la Libération pour celles qui avaient collaboré avec l´occupant.  

En plongeant dans ce roman, il nous vient à la mémoire le souvenir d´un autre temps, que nous l´eussions vécu réellement ou à travers les histoires que nous avons entendues dans notre enfance, des histoires où se mêlent de petites notes de musique, des odeurs de lavande, des rumeurs d´un monde disparu. 
Quelqu´un l´a déjà écrit ces jours-ci et à mon avis il n´a pas tort : La maison vide de Laurent Mauvignier est sans doute, jusqu´à présent, un des plus grands romans du vingt-et-unième siècle.  

Laurent Mauvignier, La maison vide, éditions de Minuit, Paris, août 2025.

 

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