Le roman Veiller sur elle (éditions L´Iconoclaste) de Jean-Baptiste Andréa –la rencontre de deux destins qui vont s´entrelacer dans l´Italie du vingtième siècle- enchante des lecteurs un peu partout. Après avoir remporté le prix Goncourt en France en 2023, l´écrivain français s´est vu attribuer le Choix Goncourt du Portugal (deuxième édition). Jean-Baptiste Andréa s´est rendu au Portugal en mai pour recevoir le prix et les lecteurs ont pu le rencontrer à la médiathèque de l´Institut Français du Portugal et à la Foire du Livre de Lisbonne.
Jean-Baptiste Andréa : à 9 ans, il voulait déjà devenir écrivain
Né en 1971 à Saint-Germain-en- Laye, Jean-Baptiste Andréa, d´ascendance italienne, fut scénariste et réalisateur avant de devenir romancier. Ayant grandi à Cannes, il a étudié à l´Institut Stanislas où il a fait ses premières expériences de scène et d´écriture. Diplômé de l´Institut d´Études Politiques de Paris et de l´école Supérieure de Commerce de Paris, Il est pourtant resté fidèle à ses premières amours : le cinéma et surtout la littérature (gamin, à 9 ans, il voulait déjà devenir écrivain).
Au cinéma, il a reçu plusieurs prix pour son premier film Dead End, sorti en 2003 et réalisé avec Fabrice Canepa. Il a été à l´origine de quatre autres films dont King en 2022.
Ses débuts en littérature se sont produits en 2017 avec le roman Ma reine qui a reçu la même année le Prix Femina des Lycéens et le Prix du premier roman. Ensuite, il a publié Cent millions d´années et un jour en 2019 et Des diables et des saints en 2021, toujours aux éditions L´Iconoclaste.
En automne 2023, le roman Veiller sur elle a valu à Jean-Baptiste Andréa d´abord le Prix Fnac, puis le Prix Goncourt. Le même roman fut récompensé en mai dernier par le Choix Goncourt du Portugal. À ce moment là -et alors que le roman vient d´être traduit en portugais chez Porto Editora sous le titre Velar por ela- Jean-Baptiste Andréa s´est déplacé à Lisbonne pour recevoir le prix. Les lecteurs ont pu le rencontrer d´abord à la médiathèque de l´Institut Français du Portugal, puis à la Foire du Livre de Lisbonne.
"Veiller sur elle"
Quelle est la qualité de ce roman qui a le plus séduit les lecteurs ?
Sans doute le fait qu´il s´agit d´une histoire follement romanesque, d´une rare beauté, aux personnages forts et denses, qui tient le lecteur en haleine pendant les presque six cents pages du livre.
Veiller sur elle est l´l'histoire de Mimo et Viola, nés en 1904, deux êtres qui n'auraient jamais du se rencontrer lorsqu'ils avaient treize ans : lui né dans l'indigence, élevé dans l'atelier d'un oncle sculpteur alcoolique ; elle dans la famille la plus puissance de Ligurie. Deux opposés polaires enfermés dans leur corps, elle dans son corps de femme alors qu'elle rêve grand et anticonformiste ; lui souffrant de nanisme alors qu'il entend maitriser les blocs de marbre pour devenir sculpteur. Au premier regard, ils se reconnaissent et se jurent de ne jamais se quitter. Viola et Mimo ne peuvent ni vivre ensemble, ni rester longtemps loin de l'autre.
Tout les oppose et néanmoins un lien aussi précaire qu´indéfectible va les lier. Ils vont traverser des années de fureur quand l´Italie bascule dans le fascisme.
L´aventure commence à l´orée du vingtième siècle dans une Italie rurale pour se prolonger jusqu´aux années quatre-vingt dans les arcanes du Vatican. Le roman s´ouvre pourtant en 1986. Michelangelo Vitaliani, surnommé Mimo, au seuil de sa vie dans une abbaye piémontaise où il vit reclus depuis une quarantaine d´années sans avoir prononcé ses vœux, se remémore le fil de sa vie, sa relation singulière avec Viola et l´histoire de son chef d´œuvre : une mystérieuse statue -La Pietà Vitaliani-, troublant quiconque la voyait à telle enseigne que le Vatican a décidé de la soustraire à la vue de tous : «Ils sont trente-deux. Trente-deux à habiter encore l´abbaye en ce jour d´automne 1986, au bout d´une route à faire pâlir ceux qui l´empruntent. En mille ans, rien n´a changé. Ni la raideur de la voie ni son vertige. Trente-deux cœurs solides -il faut l´être quand on vit perché au bord du vide-, trente-deux corps qui le furent aussi, dans leur jeunesse. Dans quelques heures, ils seront un de moins (…) Ce mourant- là n´est pas comme les autres. Il est le seul en ces lieux à n´avoir pas prononcé de vœux. Pourtant, on lui a permis de rester pendant quarante ans. Chaque fois qu´il y a eu un débat, des questions, un homme pourpre est arrivé, jamais le même, pour trancher. Il reste. Il fait partie du lieu, aussi sûrement que le cloître, ses colonnes, ses chapiteaux romans, dont l´état de conservation doit beaucoup à son talent. Alors ne nous plaignons pas, il paie son séjour en nature (…) Le mourant se débat, ouvre les yeux, les referme. L´un des frères jure y avoir lu de la joie- il se trompe. On pose un linge frais sur son front, sur ses lèvres, avec douceur. Le malade s´agite encore et pour une fois, tous sont d´accord. Il essaie de dire quelque chose». Ce mourant est, bien entendu, Mimo qui s´apprête à raconter son histoire.
Si le couronnement du roman Veiller sur elle récompense le talent de Jean-Baptiste Andréa, il rend aussi un hommage posthume à Sophie de Sivry, la fondatrice des éditions L´Iconoclaste qui est décédée d´un cancer en mai 2023 et qui a joué un rôle déterminant dans la carrière de Jean-Baptiste Andréa. Elle a accepté il y a quelques années son premier manuscrit alors que d´autres éditeurs l´avaient refusé. Jean-Baptiste Andréa n´a jamais cessé de le rappeler…
Jean-Baptiste Andréa, Veiller sur elle, éditions L´Iconoclaste, Paris, août 2023. Prix Fnac et Goncourt 2023, en France, et Choix Goncourt du Portugal 2024.