Ce couloir vert, situé à l'extrémité Nord de la capitale est un projet conçu et idéalisé, en 1976, par l'architecte-paysagiste Gonçalo Ribeiro Telles (1922-) l'un des fondateurs du jardin de la Fondation Calouste Gulbenkian (1969), qui sera finalement concrétisé en 2012. Son parcours s'étend sur 2,5 km et occupe une surface de 51 hectares.
(Photos : M.J. Sobral)
Un "Plan vert" qui date des années 1970
Dans le "Plan vert" élaboré pour Lisbonne dans les années 1970, l'objectif sera d'inclure dans la capitale des espaces destinés à l'agriculture urbaine (jardins potagers de quartier), récupérer les vielles fermes abandonnées et les terrains vagues (comme ceux de Chelas, Linda-a-Velha, Marvila, etc.) et implanter un réseau de "couloirs verts", qui perce l'espace édifié et permettre: "une présence plus efficace de la nature dans la trame urbaine". Il faut rappeler que la ville de Lisbonne vivait, au début du XXº siècle, en liaison étroite avec le monde rural jusqu'à croître démesurément et étouffer les terrains agricoles alentour, avoir occupé les voies d'eau naturelles par des constructions et, plus préoccupant à long terme, provoquer la destruction des sols agricoles.
Ces nouveaux espaces verts auront trois fonctions principales à remplir:
- protéger le milieu, aidant la circulation de l'eau et absorbant le dioxyde de carbone
- produire des aliments frais aux riverains
- fournir à la population de la ville des espaces de loisir
La concrétisation du premier couloir vert commence par la jonction établie entre le Parc Eduardo VII, associé au jardin dédié à Amalia Rodrigues, crée en 2006, avec le terrain longeant le palais de Justice à l'architecture imposante, grâce à l'édification d'un pont en bois, qui passe au-dessus d'une des voies principales de circulation automobile à la périphérie de la capitale, proche de la Praça de Espanha.
Création d´espaces verts autonomes
Pour le choix des plantes à mettre en place, on donnera la priorité aux espèces endémiques de la région de Lisbonne, utilisant ainsi la végétation la plus adaptée au type de terrain et de climat. L'objectif est de créer des espaces verts autonomes où l'entretien sera minimal, sinon nul, en tirant parti du "génie du milieu" et en laissant la nature diriger l'affaire. Ainsi, nous reconnaîtrons l'implantation d'oliviers, amandiers, caroubiers ou pins parasols, mais aussi quelques ginkgos pour leur côté symbolique. Ce terrain était jusque là sans grande occupation, appartenant au campus de l'université Nova, d'où l'intérêt de ces nouvelles plantations comme couverture végétale.
Un nouveau concept de "paysage global"
Le couloir vert a pour but principal de sensibiliser le citadin à un environnement rattaché à la nature et d'y incorporer des activités ludiques, comme par exemple cette piste de skate, qui puisse attirer les jeunes vivant aux alentours. Il faut sortir du concept séparant campagne et ville, mais plutôt penser en terme de "ville-région". Les distances doivent être abolies et on veut créer un ensemble organique, qui interagit en de multiples endroits et qui contribuera à un équilibre d'ensemble dans ce nouveau concept de "paysage global". Bref, une vision qui harmonise la relation de l'homme avec la nature et qui va à l'encontre du modèle brut de progrès établi jusque là, faisant volontairement abstraction d'éléments naturels.
Nous arrivons ensuite à l'espace vert de Campolide, dédié à Amnistie International, avec sa plantation d'orangers, entourée de jolis massifs d'arbousiers, de haies de pyracanthes et de plumagos. Un kiosque, avec sa terrasse hospitalière, peut servir une collation au passant. Des potagers urbains d'une surface de 50 mètre carré en moyenne sont travaillés sans utilisation de produits chimiques, utilisant le compostage d'ordures ménagères ou de restes organiques comme engrais. L'eau est fournie par la mairie et l'utilisateur de ces jardins se doit de les entretenir à défaut de les laisser à d'autres. Nous somme là dans les anciens terrains ayant appartenu à une ferme importante, propriété d' un certain José Pinto et dont subsistent encore quelques édifices en ruine. Cet espace très ample attend une exploitation future, qui pourrait aller jusqu'aux lignes de voies ferrées partant de la gare de Campolide. A l'avenir, pour que Lisbonne s'oriente définitivement vers un développement durable, il faudra définir en plus du maquis propre à la région, de prairies naturelles et de jardins d'agrément, des terrains comme ceux-ci, qui puissent être destinés à la culture de produits frais à la charge des riverains ou des institutions locales.
Un troisième pont, cette fois très moderne, avec une circulation dense dessus, nous permettra de franchir l'obstacle de l'axe Nord-Sud avant d'atteindre Monsanto. La piste cyclable, qui nous accompagnait depuis le départ du couloir vert, prend à partir d'ici la direction du quartier de São Domingo de Benfica. Pour ceux qui veulent pénétrer à l'intérieur du parc forestier de Monsanto, il faudra emprunter des escaliers en bois, qui conduiront à des chemins balisés d'une forêt composée essentiellement de chênes, de pins sylvestres, mais aussi d'indésirables comme les mimosas et autres acacias, espèces envahissantes.Dans les tiroirs de l'architecte-paysagiste Gonçalo Ribeiro Telles d'autres projets de couloirs verts attendent de voir le jour (vallée de Chelas, rivières d'Algés, terrains abandonnés de Marvila), ayant tous pour point commun des lignes d'eau qu'il faudra exploiter autrement que par la construction, s'orientant davantage vers un espace de biodiversité totale, en accord avec un futur gérable.
Il existe également tout au long de ce couloir vert des parcs d'entretien physique, des petits airs de jeux pour les enfants et de nombreux bancs pour y flâner à loisir.
André Laurins (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) Reprise vendredi 30 septembre mai 2016
technicien agronome - laurins.andre@gmail.com