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"Déjeunons sur l´herbe!", un essai de Guillaume Durand

Déjeunons sur l´herbe, un livre de Guillaume DurandDéjeunons sur l´herbe, un livre de Guillaume Durand
Écrit par Fernando Couto e Santos
Publié le 24 février 2023

Un des meilleurs prix littéraires français de l´automne dernier est sans l´ombre d´un doute le prix Renaudot Essai. Dans Déjeunons sur l´herbe, titre inspiré par un célèbre tableau d´Edouard Manet, Guillaume Durand nous livre dans cet essai lumineux ses passions artistiques, mais nous offre aussi toute une réflexion sur l´art contemporain. Passionnant!

 

« Le déjeuner sur l´herbe »

Le tableau « Le déjeuner sur l´herbe » est un des plus célèbres de l´art français du dix-neuvième siècle. On peut dire que grâce à ce tableau et à tant d´autres créations d´Édouard Manet ce peintre a bouleversé, de par son génie, le monde entier. Néanmoins, comme c´est souvent le cas, il n´a pas pour autant fait l´unanimité à l´époque où il a vécu. La violence extrême qu´il a suscitée est inimaginable aujourd´hui.


Guillaume Durand, un passionné de Manet

Journaliste assez connu né en 1952, ancien professeur d´histoire-géographie, fils des galeristes Lucien et Nicole Durand, Guillaume Durand aime depuis l´enfance les œuvres de Manet, ses noirs, ses ivoires, ses énigmes amoureuses. Il nous propose donc avec son essai Déjeunons sur l´herbe, titre inspiré par le célèbre tableau d´Édouard Manet, conçu entre 1862 et 1863, une balade personnelle et intime dans sa vie. Ainsi allez-vous retrouver dans ce livre, prix Renaudot Essai 2022 -un des meilleurs prix littéraires de l´automne dernier-, publié aux éditions Bouquins, des conversations sur Manet avec Koons, Barceló, Longo, Condo, Tabouret, Lavier, Yan Pei-Ming, Traquandi, Mivekannin, mais aussi Jacques Monory, le peintre des meurtres bleus et Led Zeppelin entre autres.  

En amoureux de l´art et de la vie, Guillaume Durand n´omet jamais ce qui le passionne  chez Manet. Concernant ce peintre admirable, sommes-nous d´ordinaire dans la légende ou dans la réalité ? Édouard Manet était-il épris de celle qui finirait par devenir sa belle-sœur, Berthe Morisot, qui a épousé Eugène Manet ? Guillaume Durand nous rappelle que Sophie Chaveau, biographe d´Édouard Manet (Manet, le secret, Gallimard, 2016), a fait l´objet d´un procès, les héritiers de Manet ayant toujours contesté cette version. Guillaume Durand n´est pas certain que la vérité stricte soit nécessaire à la compréhension des grandes œuvres : « S´il fallait compiler les amants de Francis Bacon, de Léonard de Vinci et chasser comme Sherlock Holmes tous les moments où Paul Éluard a « offert » sa femme Nush à Pablo Picasso, nous entrerions dans un monde sans fin ».


Déjeunons sur l´herbe!

Le côté révolutionnaire de la peinture de Manet s´exprime par de multiples situations. D´abord par la couleur noire. Certes, le noir existe depuis des siècles dans l´histoire de la peinture, mais c´est brutalement avec Manet, écrit Guillaume Durand, que c´est devenu une couleur moderne. C´est Manet, l´archi-joyeux, le comparse de tous les cafés et du bal aux Tuileries, qui a imposé le noir comme couleur de référence pour une grande partie du XXème siècle. Guillaume Durand s´interroge sur la recette de cet outre-noir qui n´est là que pour refléter la lumière et il donne lui-même la réponse : « Aimer la peinture des peintres, c´est aimer l´onctuosité d´une glace à l´italienne ou, au contraire, l´extrême légèreté de certaines aquarelles de Turner, comme des glaces à l´eau ». Il nous donne également des caractéristiques sur la méthode Manet : « Manet, lui, n´esquisse pas toujours, mais avance sur la toile par taches rapides vers le haut du tableau. Négliger la perspective, oublier le dessin, peindre vite sans obsession des reliefs, l´art moderne naît dans ce sous-bois. On montre mais on ment. Les fruits aux pieds de Victorine sont une merveille de peinture pré-impressionniste. Si Manet ne fut pas un impressionniste, il n´y aurait jamais eu d´impressionnisme sans lui».

Manet fut souvent incompris dans son époque, mais la postérité lui a sans aucun doute réservé la gloire. Les soi-disant visionnaires, les « sombres crétins », chargés de la sélection du Salon de 1866, ont refusé le tableau de Manet « Le Fifre », mais Émile Zola écrivait dans le journal L´Événement : « Nos pères ont ri de Courbet et voilà que nous nous extasions devant lui, nous rions de Manet et ce seront nos fils qui s´extasieront en face de ses toiles ».   

Manet fut aussi un apôtre de la jeunesse, comme dans le tableau «Le Déjeuner dans l´atelier», qui est marqué encore une fois par le noir, la couleur noire de la veste. D´après Guillaume Durand, elle brille par son intensité, coincée entre un canotier et un pantalon clair. Le modèle en est Léon Leenhoff, fils de sa concubine de l´époque, Suzanne Leenhoff. Le tableau qui est à la Pinakothec de Munich, fut peint lors d´une villégiature à Boulogne et il est considéré un pur chef d´œuvre : « plus personne au monde ne peut espérer peindre comme ça; mélange de réalisme, de mystère et d´une extraordinaire élégance ».

Guillaume Durand n´oublie pas dans cet extraordinaire essai un petit mot à l´intention de sa mère et surtout de son père, mort à 100 ans, le 26 décembre 2020. Guillaume Durand était sous les palmiers de Funchal, à Madère. Il lui rend hommage en écrivant notamment : « Mon père était un personnage de Manet : le goût de la cravate, un courage français qu´il est impossible de définir ».


Déjeunons sur l´herbe est un essai qu´il faut absolument lire.

Guillaume Durand, Déjeunons sur l´herbe, éditions Bouquins, Paris, septembre 2022.    

 

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