Du 27 au 30 novembre a eu lieu pour la deuxième fois, au Portugal, plus précisément à Lisbonne, la conférence mondiale de l’AIVP (Association Internationale Villes et Ports). L’AIVP est une ONG qui depuis 30 ans rassemble les villes portuaires. La Ville de Québec, membre de l’association depuis 2023, a participé à la conférence avec une forte délégation. Catherine Vallières-Roland, mairesse suppléante de la ville de Québec, venue à Lisbonne pour cet événement, a accordé une interview au site lepetitjournal.com
"Nous souhaitons positionner la ville de Québec et son port comme étant un pôle d'innovation"
lepetitjournal.com : Quels sont vos rôles et fonctions au sein de la mairie de Québec ?
Catherine Vallières-Roland : Nous avons été élus pour un premier mandat en 2021. Je fais partie de l'équipe du maire Bruno Marchand, et à ce titre j'ai eu le privilège d'être nommée mairesse suppléante à la Ville de Québec. J'ai également d'autres responsabilités, comme les relations internationales, la culture et les grands évènements. Je suis également responsable des relations avec les peuples autochtones, de la jeunesse, du dossier du fleuve Saint-Laurent qui est un dossier de développement économique très important pour notre administration. Donc tous les enjeux maritimes, portuaires qui sont liés à notre fleuve.
Dans quel cadre venez-vous à Lisbonne ?
Je suis ici pour participer à la conférence annuelle de l'Association internationale Villes et Ports dont le Port de Québec est membre depuis plusieurs années, j'accompagne Mario Girard qui en est le président-directeur général. La Ville de Québec est devenue membre de cette association en 2023, c'est récent, et c'est la raison aussi de mon déplacement. Depuis notre adhésion nous en faisons une priorité, nous souhaitons positionner la ville de Québec et son port comme étant un pôle d'innovation. Je suis ici justement pour manifester notre souhait de développer nos relations avec les autres villes portuaires, et bien sûr m'inspirer. Nous avons le souhait de nous inspirer des autres villes portuaires pour améliorer encore davantage la cohabitation entre le port de Québec et les citoyens de la ville que je représente.
Qu'est-ce qui vous a amené à intégrer l'association ?
Notre souhait est vraiment d'apprendre des autres villes pour améliorer cette cohabitation, qui est déjà très bonne, parce que le fleuve Saint-Laurent est au cœur de notre identité. La ville de Québec s'est développée grâce au fleuve, donc c'est très important pour les citoyens. Mais bien sûr, avec tout projet de développement viennent aussi certaines craintes et préoccupations qui sont tout à fait légitimes de la part des citoyens, notamment sur la qualité de l'air, la qualité de vie, et le port de Québec est très engagé auprès de la population de la ville. Il a plus de 26% de ses terrains qui peuvent être utilisés à des fins touristiques. Mais même s'il est déjà très engagé il y a tout de même encore des améliorations qui doivent être faites et la ville de Québec y contribue grandement.
"Un des objectifs de la présence de la ville de Québec est de faire un pont entre l'AIVP, qui est basée ici en Europe, et l'Amérique du Nord."
Quel est votre agenda ici à Lisbonne ?
J'ai rencontré hier l'ambassadrice du Canada au Portugal, je vais également rencontrer la mairie de Lisbonne aujourd'hui, et bien sûr à partir de ce soir débute le congrès de l'Association Internationale Villes et Ports donc je vais y participer avec Mario Gérard. Un des objectifs de la présence de la ville de Québec est de faire un pont entre l'AIVP, qui est basée ici en Europe, et l'Amérique du Nord. Je fais partie d'une autre association, qui est l'Alliance des Villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent, qui est composée de plus de 250 villes du Canada et des Etats-Unis. Un désir de l'AIVP est de consolider sa présence en Amérique du Nord, et la ville de Québec constitue un pont entre l'Europe et l'Amérique du Nord. C'est aussi une des raisons de ma présence à ce congrès.
Dans le cadre de la Conférence annuelle de l'association Villes et Ports, une forte délégation canadienne et québécoise est présente. Quels sont les enjeux, vos attentes pour le port de la ville de Québec ? Notamment dans le cadre de ses relations avec la péninsule Ibérique et l'Europe ?
On a des enjeux qui se ressemblent de part et d’autre de l'Atlantique. Il y a des enjeux liés aux impacts du changement climatique sur nos administrations, sur toute l'industrie du transport, et bien sûr sur les citoyens. En tant qu'élue je représente aussi les intérêts de mes citoyens. On sait à quel point le transport maritime est important, cela nous apporte des marchandises qui sont consommées par nos citoyens, nous devons donc assurer la pérennité de nos infrastructures pour qu'elles demeurent en bon état malgré le changement climatique. Toute la question du climat, de l'environnement, il est important d'en discuter entre nous pour trouver des solutions sur le long terme.
Il y a aussi la question des infrastructures récréo-touristiques qui viennent renforcer l'acceptabilité sociale. La ville de Lisbonne, je pense, est très intéressante de ce point de vue à travers ces aménagements d'accès à l'eau pour les citoyens, à travers des évènements, c'est l'opportunité pour moi d'échanger de bonnes pratiques avec la ville de Lisbonne et avec les autres villes qui sont présentes. Sur le plan du développement économique, on peut voir que les villes du Portugal sont tournées vers le monde, mais comment en tirent-elles profit, comment continuent-elle de se développer d'un point de vue économique, mais aussi durable ?
"La qualité de la relation que nous avons bâti entre le port et la ville nous permet de trouver des solutions au bénéfice des citoyens."
Vous intervenez au sein de la conférence "Deep Dive – Travailler ensemble pour l'Agenda 2030" : qu'allez-vous présenter lors de cette conférence et en particulier quels sont les principaux points de votre intervention ?
Le port de Québec est vraiment en milieu urbain, il est au cœur de ce que l'on appelle l'arrondissement historique du Vieux Québec, qui est un site reconnu par l'UNESCO comme site du patrimoine mondiale. Le port s'est donné une mission, jusqu'en 2035, qui met le citoyen au cœur de celle-ci. Donc on travaille sur de très nombreux projets, justement pour renforcer ces relations et l'acceptabilité sociale en lien avec les activités portuaires qui ont parfois un impact sur les citoyens. Parmi ces projets il y en a plusieurs qui sont très appréciés, comme celui du bassin portuaire où les citoyens ont la possibilité de nager. C'est tout près d'une marina, les gens se baignent dans l'eau du fleuve. C'était demandé par les citoyens depuis très longtemps alors la ville de Québec collabore avec le port pour s'assurer qu'il y ait des installations qui soient agréables et sécuritaires. Pour cela, la ville fait des tests d'eau dont les résultats sont rendus publics, pour s'assurer que les gens puissent profiter de ce bel environnement. Il y a aussi plusieurs activités, évènements et festivals qui se déroulent sur les terrains du port. Ils sont organisés en collaboration avec les commerçants, avec les citoyens, et la ville de Québec s'assure que ce soit fait de façon harmonieuse, c'est-à-dire que les résidents ne soient pas impactés négativement par ces activités. On a par exemple l'Agora, qui est un magnifique site tout près du fleuve.
Au-delà de l'agenda 2030, quels sont les enjeux pour l'avenir des villes portuaires ?
On va bien sûr présenter nos projets, présenter aussi certains des enjeux qui parfois surviennent et comment est-ce qu'on vient collaborer pour les résoudre, car bien sûr cela fait partie de notre réalité. Mais je pense que ce qu'il faut retenir est que la qualité de la relation que nous avons bâti entre le port et la ville nous permet de trouver des solutions au bénéfice des citoyens. Il y a un défi en particulier auquel on fait face qui est la transition énergétique. Chez nous, on parle de coût d'électrification des quais, donc de mise à niveau de nos infrastructures pour s'assurer qu'elles soient adaptées, attractives, à la fois pour les navires de marchandises et les navires de croisières, car il y a 150.000 croisiéristes chaque année à Québec. C'est important pour nous de travailler avec les autres gouvernements, du Québec, du Canada, pour qu'il y ait des investissements chez nous. Ensuite, bien sûr tous, les enjeux environnementaux, s'assurer que les impacts de la navigation ne soient pas trop importants par exemple sur l'érosion des berges. Également travailler avec nos citoyens pour qu'ils aient une contrepartie, qu'ils puissent avoir accès à l'eau, se sentir fiers de faire partie d'une ville comme la nôtre.
"Le gouvernement du Québec soutient la ville de Québec dans le développement de ses relations avec les autres villes."
Existe-t-il des synergies culturelles entre la ville de Québec, le Portugal et l'Espagne ? Lesquelles ?
Sur le plan culturel, oui bien sûr. Hier je parlais justement de la ville d'Evora, avec l'ambassadrice du Canada au Portugal. Evora est membre de l'Organisation des Villes du Patrimoine Mondial et c’est une ville qui dispose d'une richesse culturelle extraordinaire, elle sera capitale culturelle de l'Europe en 2027. Il y a donc de très belles collaborations à venir avec cette ville au travers de l'OVPM (Organisation des villes du patrimoine mondial). On collabore aussi avec d'autres villes portugaises dans le réseau des villes créatives de l'UNESCO. La ville de Québec est membre du sous-réseau des villes de littérature, et on a cette opportunité d'échanger avec d'autres villes, notamment celle de Braga où je me trouvais en juillet dernier. Ce sont des projets qui peuvent prendre différentes formes, ça peut être des résidences d'artistes, on peut développer aussi des projets de co-création. En Espagne, le maire Bruno Marchand s’est rendu à Cordoue récemment. Le gouvernement du Québec possède un bureau qui est basé à Barcelone et qui lui permet de couvrir l'ensemble du territoire ibérique. Le gouvernement du Québec soutient la ville de Québec dans le développement de ses relations avec les autres villes.
"C'est important de préserver la langue française, mais également de la promouvoir à travers des collaborations."
Vous avez occupé des fonctions au ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec de 2004 à 2021. Selon vous comment la francophonie peut-elle défendre sa place face à l'usage massif de l'anglais et de l'espagnol dans le monde ?
Pour moi c'est important d'être proactif, que ce soit la ville de Québec ou le gouvernement, nous avons des réseaux distincts mais dans lesquels nous sommes très actifs. Par exemple, la ville est vice-présidente du bureau de l'Association Internationale des Villes Francophones. Le gouvernement du Québec est membre à part entière de l'Organisation Internationale de la Francophonie. C'est important à travers ces réseaux de préserver la langue française, mais également de la promouvoir à travers des collaborations. Nous avons développé des liens très étroits avec entre autres la ville de Bordeaux dans les dernières années, avec la ville de Nantes, de Rennes, d'Angoulême également sur la question de la littérature. La promotion du français, on la fait dans l'ensemble de nos réseaux, que ce soit celui des villes créatives ou celui des villes francophones, on utilise ces relations dans nos réseaux internationaux pour faire la promotion du français, et de l'importance de l'usage de la langue française. Il y a des défis importants du point de vue des financements au sein des Nations Unies et d'autres organisations internationales. L'anglais prend de plus en plus de place dans les communications, dans la production des documents, alors c'est important pour nous de défendre et de réaffirmer l'importance du français dans ces organisations internationales.
Lors de cette conférence le français sera présent ?
Oui, on nous a affirmé qu'on aura la possibilité de s'exprimer en français, il y aura des traducteurs. C'est très important. Je fais d'ailleurs ce même plaidoyer au sein de l'Alliance des Villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent où des villes québécoises côtoient des villes ontariennes et américaines dont la langue est l'anglais. Donc l'usage de l'anglais est prépondérant mais je lutte pour que l'on ait aussi ces services d'interprétation qui nous permettent de nous exprimer dans notre langue. Chez nos voisins américains l'écoute est excellente, ils sont enthousiastes à l'idée de nous entendre parler français car ils trouvent cela magnifique.
Vous avez étudié et travaillé en France (mais aussi à Barcelone) : quels liens gardez-vous avec ces pays ?
J'ai surtout étudié en France, je n'ai jamais vraiment travaillé sur place mais je faisais souvent le déplacement à Paris depuis le Québec dans le cadre de mon travail. J'ai étudié aussi à Barcelone, et par la suite je m'y suis déplacée aussi beaucoup pour le travail. Je garde des liens très affectifs avec ces deux villes. J'adore la ville de Paris, j'y retourne de temps à autres, même si j'ai moins l'occasion d'y aller pour des raisons professionnelles. Le maire de Québec est très proche de la maire Anne Hidalgo, ils ont développé un nouveau protocole de coopération pour travailler sur des sujets concrets. La maire de Paris a été très active sur le point de vue, entres autres, de la mobilité, la lutte à la congestion, donc nous nous inspirons beaucoup des projets que mène la capitale française. En ce qui concerne la biodiversité aussi : comment transforme-t-on une ville de la taille de Paris pour avoir des îlots de biodiversité ? On a moins de lien avec la ville de Barcelone. Cependant, c'est une ville qui possède un patrimoine culturel et architectural magnifique, donc nous allons assurément explorer des collaborations avec l'Espagne dans les prochaines années. Le Congrès de cette semaine va nous permettre d'explorer aussi de belles pistes avec Lisbonne.