

Ce 23 septembre sort dans les salles de cinéma au Portugal « Silêncio: Voizes de Lisboa » et à la suite sont prévus deux concerts les 25 et 29 septembre avec les musiciens et chanteurs du film. Le premier dans le cadre du festival "Felizmente Há Lugar" à Marvila et le second au Musée du Fado. « Silêncio: Voizes de Lisboa » est un film documentaire de Judit Kalmar et Céline Coste Carlisle qui dépeint un tableau très réaliste de Lisbonne, tiraillée entre l'ouverture de la ville au tourisme de masse et la protection d'un patrimoine culturel magnifique, le fado.
En suivant les pas de Céline, au Portugal depuis maintenant plus de 20 ans, dans les rues pavées et escarpées de la ville, le documentaire met en scène deux fadistes à la vie très différente mais que la musique rassemble pourtant. Ivone Dias est une célèbre fadiste et enfant du quartier de Alfama à la voix vibrante et au visage rieur. Marta Miranda est bien plus jeune mais son amour pour le fado est tout aussi poignant et l'on y voit son combat acharné pour la survie de celui-ci.
Silêncio: Voizes de Lisboa, une réalisation qui célèbre le fado
Au bras de Céline, Ivone Dias nous emmène dans un des quartiers historiques de Lisbonne, Alfama. Les deux femmes se connaissent depuis plus de 17 ans et leur complicité saute aux yeux à l'image. Ivone se rappelle son quartier qu'elle a arpenté jour et nuit pendant des dizaines d'années et se souvient de l'histoire de chaque maison, devenues aujourd'hui, pour une grande partie, des immeubles aux volets fermés et ornés de boîtiers à clés. Elle n'habite plus le quartier, obligée de le quitter en raison de la gentrification et l'ubérisation de la ville. Cela ne l'empêche pas de continuer à chanter et à transmettre des émotions à tous ceux qui ont l'honneur de l'entendre et de la voir.
Le fado : un patrimoine portugais
En effet, le fado ne se résume pas à être écouté. Il faut vivre son atmosphère, admirer les expressions des chanteurs mais également celles des spectateurs. C'est un travail que l'équipe de tournage a réalisé merveilleusement. Dans les rues sombres d'Alfama et les salles étroites où l'on se rend pour écouter du fado, la caméra nous embarque à travers des plans minutieux et chacune des émotions, que les fadistes laissent volontiers transparaître. Marta Miranda, avec deux générations d'écart, est-elle aussi animée par la même flamme, celle d'un patrimoine commun qui se doit d'être protégé. Elle est à l'origine de « Tasca Beat », un espace culturel qui met en scène différents artistes, pas seulement des fadistes, dans une ambiance chaleureuse réunissant des personnes de tout horizon. Aujourd'hui, Tasca Beat, qui était implanté dans l'Alfama, a fermé ses portes pour les raisons similaires qui ont poussé Ivone à quitter le quartier. La pression des investisseurs immobiliers a eu raison de cette initiative, pourtant, Marta et son mari Jean continuent à se battre pour faire vivre, voire survivre, le fado et plus largement le patrimoine culturel portugais.

La gentrification de Lisbonne
Les caméras ne s'arrêtent pas uniquement sur les visages des fadistes chantant leurs joies et leurs peines. Tout au long du documentaire, elles mettent en évidence les symboles d'une ville en proie à une gentrification parfois démesurée. Gigantesques bateaux de croisière, immeubles aux volets fermés ou encore embouteillages de vélos électriques, les images parlent d'elles-mêmes. Pourtant, le documentaire n'apparaît pas comme un procès fait au tourisme de masse, il tire simplement une sonnette d'alarme, un appel aux autorités pour la protection de celui-ci. C'est d'ailleurs pour cela que le documentaire met également en scène certains militants qui agissent pour la protection des quartiers, et du patrimoine porté par ces quartiers, perturbés par la gentrification.
Une parfaite mise en scène du paradoxe qui existe à Lisbonne
Les réalisatrices réussissent parfaitement à mettre en scène le paradoxe immense qui existe aujourd'hui à Lisbonne. En effet, le tourisme a permis de développer massivement le pays et la capitale en particulier et permet également à de nombreuses « casas » de fado de continuer à fonctionner. Pourtant, il est, également, souvent la cause de fermeture de certaines de ces maisons de fado et du départ du quartier des chanteurs de ces mêmes lieux. Dans le documentaire, « Tasca Beat » nous montre que le fado peut être apprécié par tous, touristes et locaux, tant qu'il est respecté à sa juste valeur. Pourtant, certaines associations de fadistes se montrent plus méfiantes. C'est notamment le cas d'une personne interrogée dans le documentaire qui souligne qu'il faut apprécier ce patrimoine comme il se doit et que certains touristes en détournent le sens et l'histoire. Le fado il faut le vivre pour sa propre expérience, non pas pour la simple fierté personnelle de dire qu'on l'a vécu, en ayant capté l'évènement à travers l'objectif d'un smartphone.

Lepetitjournal Pouvez-vous synthétiquement vous présenter à nos lecteurs ?
Comment Lisbonne est-elle arrivée dans votre parcours de vie ? En 1999, j'ai déménagé avec ma famille, pour des raisons professionnelles. Le Portugal était un peu un « hasard » mais j'étais ravie d'avoir la chance de pouvoir découvrir un nouveau pays... loin de penser que ce pays deviendrait « mon » pays !
Avez-vous rencontré des difficultés particulières lors du tournage ?
Pour moi, il y évidemment Esquina de Alfama (où chante Ivone Dias) qui est toujours l'un de mes endroits préférés, pour le fado et aussi pour les liens que j'y ai crés. TascaBeat do Rosário a malheureusement dû fermer ses portes ; c'était un endroit exceptionnel, autant grâce aux artistes qu'au public. À chacun de faire sa découverte ! |