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Être de gauche ou de droite au Pérou ?

Gauche ou droite, faut-il vraiment choisir ? Ces termes, nés pendant la Révolution française, symbolisent une opposition classique en politique.

DIZDIZ
@Rob Wicks
Écrit par Rodrigo Castillejo
Publié le 19 septembre 2024, mis à jour le 30 septembre 2024

 

Mais au Pérou, où la démocratie est menacée par des politiciens des deux côtés, cette distinction a-t-elle encore un sens ?

 

Qui n’a jamais entendu parler de la gauche ou de la droite ?

Ces deux termes, omniprésents dans le langage politique moderne, symbolisent une dichotomie fondamentale qui structure la vie politique. Pourtant, cette division n’a pas toujours existé.

Elle possède une origine historique précise, et les significations associées à ces termes ont évolué au fil du temps, s’adaptant aux contextes et aux sociétés dans lesquelles elles se déploient. 

Pour remonter à la Genèse de cette bipartition, il faut remonter à la Révolution française, et plus précisément à l'Assemblée nationale constituante de 1789. Deux groupes distincts y apparaissaient : assis à droite de l'hémicycle, les députés favorables à une monarchie parlementaire avec un roi disposant d'un droit de veto absolu ; et assis à gauche, les parlementaires plus progressistes, qui prônaient un changement radical de la structure politique du pays et un droit de veto uniquement suspensif du roi. C'est ainsi que naissent les termes de droite et gauche ; par une simple répartition de sièges.

Pourtant, dans l'actualité, l'appréhension de ces concepts s'avère beaucoup difficile. En effet, ces derniers ont connu une évolution conceptuelle, ainsi qu’ils se sont dotés d'une spécificité nationale ou régionale de leur définition. Pour prendre un exemple, en France on a tendance à associer le progressisme avec la gauche, alors que dans d’autres pays tels que le Pérou ou le Venezuela, cette dernière a une portée beaucoup plus conservatrice. 

 

De même, aujourd'hui, plus que jamais, réduire le paysage politique à deux forces opposées relève d'une simplification qui peut s'avérer erronée...

 

Tout au long de l’histoire moderne, de multiples idéologies, concepts et visions économiques et sociales ont contribué à façonner un échiquier politique d'une complexité croissante. Celui-ci est désormais perçu davantage comme un continuum gradué que comme un simple classement en catégories rigides.

C’est ainsi que sont apparues des nuances telles que le centre-gauche, l'extrême-droite, le centre-droit, ou encore la gauche radicale. On retrouve même des visions politiques associées à des personnalités précises telles que le gaullisme, le maoïsme ou même le chavisme.

 

Deux principes essentiels au fonctionnement démocratique

Cependant, peu importe l'ampleur que prennent ces deux forces politiques, ni l'endroit exact où l'on se situe dans ce maillage complexe d'idées, un principe universel s'impose (ou doit normalement s’imposer) dans tous les systèmes politiques démocratiques (les régimes autoritaires étant une autre histoire) : le pluralisme politique.

 

En effet, selon le Lexique de Science Politique (2017), rédigé sous la direction d’Olivier Nay, le pluralisme est défini comme « un principe d'organisation des structures politiques et sociales qui autorise et encourage l'expression d'une diversité d'idées et de croyances au sein de la société ».

 

Ainsi, pour qu'une démocratie libérale fonctionne, elle a besoin aussi bien de la gauche que de la Droite, ainsi que de toutes leurs sous-variantes.

 Ce principe s'accompagne de celui de l'alternance politique, un des critères essentiels en démocratie.

Selon le Lexique de Science Politique, l'alternance se réfère à «  la succession au pouvoir des principales forces ou coalitions politiques d'un pays, où la majorité devient l'opposition, et l'opposition prend la place de la majorité ». 

 

L'existence d'un débat qui oppose et fait alterner au pouvoir des partis ou des personnalités représentant des idées des deux camps est donc essentiel dans un système démocratique. Ce mécanisme empêche la monopolisation du pouvoir, enrichit le débat public et améliore la représentativité.

 

On peut être de gauche ou de droite au Pérou ?  

 

DROITE
@Jon Tyson

 

On arrive donc à la question de savoir s’il vaut mieux être de gauche ou de droite au Pérou. En fait, la réponse risque de décevoir certains, mais dans cet article, on va défendre l’idée qu’il ne faut être d’aucun. En fait, tout simplement il ne faut pas comprendre la politique péruvienne à travers le prisme dichotomique de la droite et de la gauche. 

En affirmant que l’existence de ces deux forces politiques est légitime et nécessaire dans un système de démocratie libérale, nous avons omis, pour des raisons méthodologiques dans la démonstration, d'exposer un principe central. Si la démocratie permet la confrontation d'idées et de partis, ces derniers doivent adhérer à un contrat d’appartenance au système, qui implique son respect.

Ce contrat inclut l'adhésion à certains principes, tels que l'organisation régulière d'élections libres, le respect du pluralisme politique, la défense de l’État de droit, entre autres.

On doit aussi prendre en compte deux principes qui ont été proposés par Steven Levitsky et Daniel Ziblatt dans l’ouvrage How Democracies Die (2018), qui, d'après eux, expliquent le succès de la démocratie américaine : la tolérance mutuelle et la retenue institutionnelle.

Pour la première, les auteurs font référence à l'acceptation par les partis de la légitimité de leurs opposants, même en désaccord ; et pour la seconde, ils visent la modération dans l'utilisation des pouvoirs institutionnels pour éviter de saboter les fondements démocratiques. 

Ainsi, toute force politique est légitime (puisque juridiquement c’est autre histoire) à participer à la vie politique d’un pays si, et seulement si, elle respecte ces conditions. Ce sont les seuls points sur lesquels toutes les forces politiques doivent s’accorder, leur point commun. 

Et c’est justement cette nécessité de respecter la démocratie qui nous incite ici à défendre notre réponse initiale à la question centrale de cet article.

 

Pourquoi ne pas se positionner ni à gauche ni à droite, et pourquoi ne pas analyser le monde politique péruvien à travers cette dichotomie ?

 

Tout simplement parce qu' aucune des forces politiques qui occupent aujourd'hui une place centrale dans les institutions de pouvoir péruviennes ne respecte ces principes fondamentaux. 

Au Pérou, la majorité des députés du Parlement ainsi que les membres du gouvernement s’accordent pour voter et soutenir des lois réduisant le pouvoir des organismes de contrôle de la qualité des systèmes d’enseignement supérieur, soutiennent des lois inconstitutionnelles et inhumaines, maltraitent les journalistes, légitiment des coups d’État, ont des liens avec l'exploitation minière illégale et des groupes de narcotrafiquants (et je pourrais continuer toute la journée). On s'aperçoit donc qu’il n’y a pas un débat sur des  questions de liberté économique, de conservatisme, de progressisme, ni de droite ou de gauche. Il s’agit d’une affaire de non-respect du droit, de la liberté de la presse, de l’institutionnalisation, de la séparation des pouvoirs, et plus généralement, de la démocratie.

Les Péruviens vivent dans un contexte où la majorité des politiciens, qu'ils soient de droite ou de gauche, ne respectent pas notre système démocratique ni nos principes libéraux, tant au sens économique que politique du terme.

 

Que faire donc ?

 

DROITE
@Pixabay 

 

Cette situation politique nous empêche en tant que citoyens de nous permettre de prendre parti pour la droite ou la gauche ; nous n’avons pas ce luxe. Pour réellement comprendre et transformer notre système, il faut œuvrer à la construction d'une gauche et d'une droite qui respectent les termes du contrat démocratique qu'ils auraient dû signer en participant à la vie politique.  

Cependant, ne vous méprenez pas : dans cet article, on ne vous recommande pas de voter pour un outsider ni pour des populistes qui prétendent être la solution à tous nos maux, ni non plus on postule de vous faire apolitiques.

 

Ce qu’on propose, c’est de voir le monde politique sous une nouvelle dichotomie : celle des démocrates et des non-démocrates. Car oui, il y a des démocrates au pouvoir, ou qui souhaitent y entrer, mais ils n’ont pas encore assez de force pour s'imposer. Peu importe s’ils sont plus à droite ou à gauche, cela viendra après, une fois que nous aurons assuré que tout le monde respecte les règles démocratiques. 

 

Il est essentiel, en tant que société, de promouvoir la démocratie, de croire en elle, en sa capacité à réguler les injustices et en son potentiel à faire prospérer les systèmes économiques.

C'est pourquoi nous devons voter, au moins pour l'instant, en pensant avant tout à la démocratie, et non à la gauche ou à la droite. Nous devons exiger que les démocrates, quelle que soit leur couleur politique, s'unissent et nous montrent qu'ils ont plus en commun les uns avec les autres qu'avec ceux qui, tout en étant plus proches sur les questions sociales ou économiques, appellent à la fraude lorsqu'ils perdent les élections ou ne respectent pas les lois et les droits des citoyens. 

 

C’est ainsi que j'appréhende les choses, et c'est sur cette vision que je fonde mon espoir de voir un jour le Pérou et son peuple se transformer en un grand et beau pays dont nous serons tous fiers. RC

 

RODRIGO
Publié le 19 septembre 2024, mis à jour le 30 septembre 2024

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