Alors que les Limeños fêtaient le 490e anniversaire de la fondation de la capitale péruvienne, la municipalité a pris la décision de (ré)inaugurer la statue du célèbre conquistador espagnol Francisco Pizarro.


Or, cette décision a suscité un certain nombre de critiques et rouvre des débats sur la mémoire et le colonialisme.
La statue équestre de Francisco Pizarro est une splendide statue mesurant plusieurs mètres, que l’on doit au sculpteur américain Charles Cary Rumsey. Elle fut inaugurée pour la première fois le 18 janvier 1935, à l’occasion du quadricentenaire de la fondation de la ville. Lors de son discours d’inauguration, le maire de Lima de l’époque, Luis Gallo Porras, mit en avant la « figure éminente du héros et du civilisateur ».
Qui est réellement Pizarro ?
Francisco Pizarro (vers 1478 – 1541) était un conquistador espagnol originaire de Trujillo, en Espagne, principalement connu pour avoir conquis l’Empire inca et fondé la ville de Lima en 1535.
Pizarro et son corps expéditionnaire sont alors considérés comme les premiers Européens à découvrir le territoire de l’actuel Pérou, et l’homme à l’origine de la domination espagnole sur les Incas. Pizarro intervint en plein milieu d’un empire inca divisé dans une guerre civile de succession entre Huáscar et Atahualpa.
Ainsi, par un habile jeu d’alliances, Pizarro et son corps expéditionnaire gagnèrent une influence militaire impressionnante au sein de l’empire inca.
Pizarro est aujourd’hui considéré par les historiens comme le pivot du territoire péruvien, responsable de la chute des Incas et fondateur du Pérou. C’est notamment lui qui proposa une entrevue pacifique au leader inca Atahualpa, alors considéré comme le plus légitime de l’Empire. Il lui tendit un piège et le captura pour rançonner aux Incas leur mythique or, et finit par exécuter Atahualpa.
Cette “stratégie” utilisée par Pizarro fut un choc monumental pour la population inca, aggravant irréversiblement l’instabilité politique et les guerres civiles, menant inévitablement à sa chute.
Il fut assassiné en 1541 à Lima, laissant derrière lui un héritage marqué par la conquête et la transformation du Pérou colonial. Aujourd’hui, son rôle historique est commémoré par plusieurs statues, notamment celle de Lima, dont l’emplacement a été modifié à plusieurs reprises au fil du temps.

La statue équestre controversée
C’est donc en janvier 2025 que la municipalité de Lima décide d’inaugurer à nouveau cette statue, se trouvant alors à quelques pas du Palais Municipal, au centre historique de Lima. En effet, suite à des critiques croissantes, la statue fut retirée vingt ans auparavant du centre-ville.
La statue est accusée par de nombreuses personnes de perpétuer un héritage colonial et impérialiste du Pérou, un pays pourtant parmi les plus divers et riches du monde dans sa culture et sa population. Ce symbole de la colonisation évoque ainsi la conquête sanglante de l’empire inca et la soumission des peuples autochtones. C’est donc, pour de nombreuses personnes, une statue qui symbolise la violence et l’oppression infligées aux peuples indigènes, suscitant une vive demande pour son retrait.
« Chaque jour en passant devant cette statue, je ressens une profonde injustice. Pizarro représente la destruction de notre culture ancestrale. Ce n’est pas un héros, mais un envahisseur », affirme R.Q, historienne et militante pour la mémoire indigène.
De l’autre côté, ses défenseurs prônent le maintien d’une statue qui symbolise la modernité du Pérou, les racines du pays contemporain qu’il est, et l’unité nationale péruvienne, fondateur de Lima et pionnier du Pérou tel qu’on le connaît depuis 490 ans.
« On ne peut pas effacer l’histoire. Pizarro a fondé Lima, et qu’on le veuille ou non, il a façonné ce que nous sommes aujourd’hui. La statue n’est pas une célébration de la violence, mais un rappel de notre origine », soutient Miguel Herrera, professeur d’histoire.
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