Confiné dans une école militaire depuis une semaine, un expatrié français témoigne de conditions de quarantaine difficiles et impute au Consulat général de France un manque total de soutien.
Mehdi* a contacté notre édition, du fond de la salle de classe dans laquelle il a été mis en quarantaine il y a une semaine. Dans cette école militaire réquisitionnée pour faire office de camp de quarantaine, cet expatrié français au Vietnam depuis bientôt six ans attend des nouvelles de sa sortie, en vain. « Il y a onze étages, pour environ une dizaine de classes par étage. C’est rempli. On est 4 à 6 par pièce, sans climatisation, il fait 40 degrés. Nous dormons sur des lits de camp que l’on nous a fournis, dont plusieurs sont cassés. Certains dorment par terre. » Mehdi a accès à des douches et toilettes communes, tout comme le reste de ses compagnons d’infortune ; ils sont environ 50 à son étage. Population : aussi bien étrangère que vietnamienne. Dans cette attente insupportable, les journées sont rythmées par les plateaux repas, à raison de deux par jour, à 12h et 16h30, apportés par des personnes en combinaison intégrale, leur seul lien vers l’extérieur. Le matin à 8h, une brioche vietnamienne.
Mehdi ne décolère pas : il a tenté de joindre le Consulat à plusieurs reprises sur trois adresses, sans réponse. Il ne croit pas à l’hypothèse d’une boîte mail saturée par les demandes. « Quelqu’un que je connais a réussi à avoir des nouvelles du conseiller consulaire, alors que j’ai envoyé quatre mails, tous les deux jours. Ici, on est plusieurs Français à être très choqués par cette non-assistance et non-communication. Je sais que le Consulat ne peut pas nous sortir d’ici, mais j’aurais aimé qu’on prenne de nos nouvelles. »
Flambée des cas au Buddha Bar
Mehdi était au Buddha Bar le soir du 14 mars dernier. Rien qu’une heure, pour fêter le départ d’un ami. Mais il n’en fallait pas plus pour qu’il soit considéré « à risque », après qu’un Britannique (« patient 91 ») ayant contracté le virus a passé sa soirée là-bas. À ce jour, seize cas ont essaimé de ce deuxième foyer épidémique au Vietnam, derrière l’hôpital de Bach Mai à Hanoi. Les jours suivants, Mehdi s’est déclaré auprès des autorités conformément à leur demande et s’est auto-confiné à son domicile. Le treizième jour, soit vendredi dernier, un bus est venu le chercher. À peine le temps de faire son sac. « C’était un véritable fiasco, nous étions 25 pour un bus de 20 places. Il n’y avait aucune protection possible alors que des gens avaient peut-être le virus. » Pendant trois heures, le bus récupèrera des passagers à Thao Dien, avant de mettre le cap vers cette école militaire. Ici, ils sont plusieurs à avoir été au Buddha Bar.
Test négatif au COVID-19
En tout, la triste équipe de confinés a été testée deux fois - un premier le samedi 28 mars, lendemain de leur arrivée, et un deuxième lors de leur cinquième jour de quarantaine. « On a eu les résultats du premier test hier, seulement parce que quelqu’un a réussi à descendre prendre des photos et nous les a montrées, sinon on serait toujours dans l’attente. On était tous négatifs, sauf un Brésilien qui a été transféré ailleurs. » L’annonce d’une prolongation de leur temps d’isolement plane comme une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, si une autre personne vient à être diagnostiquée positive. « Nous sommes dans le flou total. Tout le monde est en stress par rapport à ça. On est en état d’exposition maximale, même si on porte tous un masque, on partage les mêmes douches, les mêmes toilettes. »
« C’est les montagnes russes depuis qu’on est là, avec plein de hauts et de bas »
Ici où personne ne parle anglais, difficile de communiquer. D’autant que ni Mehdi, ni ses camarades n’ont pu parler à un responsable puisque personne, hormis ceux qui les ravitaillent, n’est venu les tenir au courant de l’évolution de la situation. Face à la détresse, la possibilité de se faire livrer entre 4h et 6h leur a remis un peu de baume au coeur au quatrième jour de leur quarantaine. Il y a peu, ils ont même cru que leur libération était imminente, après avoir rempli un papier de sortie. Mais douche froide : c’était sans compter le cas du Brésilien (« patient 224 ») testé positif le 28 mars. Alors que Mehdi était « parti pour deux, trois jours » tout au plus, lui et les autres, présents au Buddha Bar le 14 mars dernier devront bel et bien s’acquitter d’une période de quatorze jours à l’isolement, conformément à une décision du gouvernement prise le 2 avril. « Nous sommes surexposés. Si un second cas est détecté, allons-nous devoir rester plus longtemps ? »
Hier, ils ont réussi à entrer en contact avec un médecin vietnamien anglophone, ce qui les a rassurés, et même si ce dernier ne peut rien faire de plus pour eux, il n’en reste pas moins une oreille attentive. Il en fallait au moins une pour tous ces gens confinés au moral proche de 0. « Ce qui nous choque le plus, c’est qu’on n’a jamais reçu d’aide du Consulat. On est enregistrés, on a notre carte d’identité consulaire ! Je suis très, très énervé, ça me met hors de moi. Cette situation n’est pas évidente à gérer. »
Mehdi et ses comparses attendent encore le résultat de leur second test, réalisé le mercredi 1er avril, et il n’est pas exclu qu’ils en fassent un troisième avant la fin de leur mise en quarantaine. Dans une semaine, si tout se passe bien.
* Le prénom a été changé
Conformément à la loi du 29 juillet 1881, article 13, le Consulat général de France a été informé de son droit de réponse sur notre édition.