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Des podiums indonésiens du fashion festival JF3 aux tendances de la mode demain

Le JF3 Fashion Festival, qui s'est tenu du 24 juillet au 2 août à Summarecon Mall Kelapa Gading et Summarecon Mall Serpong, a réuni des talents venus de divers horizons à travers le monde. Le 27 juillet, trois jeunes créatrices françaises — Louise Marcaud, Solène Lescouët et Jude Ferrari — y ont présenté leurs collections 2026 lors d’un défilé intitulé La Nouvelle Écriture qui annonce les tendances de la mode de demain.

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Une somptueuse robe de bal en tartan rouge signée Solène Lescouet a été présentée au Summarecon Mal Kelapa Gading, à Jakarta, le 27 juillet. Photo: Sylviana Hamdani.
Écrit par Sylviana Hamdani
Publié le 12 août 2025, mis à jour le 24 septembre 2025

Louise Marcaud: armures contemporaines


Originaire de Bourgogne et fille d’un menuisier, Louise Marcaud a grandi dans un univers où liberté créative et savoir-faire manuel allaient de pair. Installée à Paris depuis 2020, elle conçoit des vêtements structurés, expressifs et responsables. Sa nouvelle collection, Rétrograde, puise à la fois dans le Bauhaus, chez l’architecte, designer et urbaniste franco-suisse Le Corbusier (1887–1965), dans les textures du peintre et sculpteur français Jean Dubuffet (1901–1985) et dans l’esthétique du sport automobile et du football américain. Épaules affirmées, lignes franches et volumes étudiés traduisent sa vision: des vêtements qui protègent autant qu’ils révèlent. 

“Quand vous portez mes vêtements, vous êtes chic sans effort,” a-t-elle déclaré en anglais lors de la conférence de presse.  

Réalisées exclusivement à partir de tissus de stock dormant, ses pièces sont coupées et cousues à Paris avec un soin d’atelier.

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Un chic pull déstructuré et un pantalon beige signés Louise Marcaud ont été présentés au Summarecon Mal Kelapa Gading, à Jakarta, le 27 juillet. Photo: Sylviana Hamdani.

Solène Lescouët: poésie textile


À mi-chemin entre couture et prêt-à-porter, Solène Lescouët se distingue par ses silhouettes théâtrales, ses imprimés audacieux et son travail signature du plissé. 

“Ma collection s’inspire de la Renaissance, du rock’n’roll, du punk et, en même temps, elle est poétique,” a déclaré Lescouët en anglais lors de la conférence de presse. 

Pour JF3, elle a proposé un condensé de ses quatre dernières collections — Punkettes Attack!, The Tales of Solène, Circus et Crimson Lovers — dans une vingtaine de looks non genrés, conçus à partir de matières naturelles et locales, souvent issues de stocks dormants. 

Lors du défilé, la créatrice a également présenté une somptueuse robe de bal en tartan rouge, portée par un mannequin arborant un col à fraise rouge. 

“J’aime jouer avec le tartan et différentes formes, volumes et plissés,” a-t-elle ajouté.

Produites à la commande dans son atelier parisien, ses créations revendiquent une mode émotionnelle, pensée pour durer et créer un lien intime avec celui ou celle qui les porte.

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Une robe bleu électrique, ornée de franges, a été présentée par Maison J. Simone, la marque de la créatrice française Jude Ferrari. Photo: Sylviana Hamdani.

Jude Ferrari: entre rodéo texan et asphalte urbain


Diplômée de Central Saint Martins et passée par Jacquemus, Zara et Writtenafterwards, Jude Ferrari fonde Maison J. Simone pour réinventer la féminité moderne par une couture ludique et affirmée. Sa collection RODEO fusionne l’imaginaire western — franges, cuir patiné, bottes pointues — avec l’énergie brute des “riders” urbains. Les volumes audacieux se déclinent en denim brut, daim, maille filet et jersey technique, tous issus de tissus de récupération. Ode au courage et à la résilience, chaque pièce célèbre l’équilibre entre liberté et maîtrise.

“Je ne pense pas que la féminité doive refléter une forme de faiblesse,” a déclaré Jude Ferrari en anglais lors de la conférence de presse. “La féminité ne devrait pas se limiter à être mignonne.”

“La féminité est source de pouvoir et de courage,” a-t-elle ajouté. 

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(De gauche à droite) Les créatrices françaises Jude Ferrari, Solène Lescouët et Louise Marcaud posent pour la presse après la conférence de presse à Mal Kelapa Gading, Jakarta, le 27 juillet. Photo : Sylviana Hamdani.

Tendances 2026: structure, engagement et hybridation


De ces trois univers se dégage un même élan: affirmer la silhouette par la structure, repenser les matières dans une logique circulaire et brouiller les frontières — entre genres, entre influences, entre passé et futur. La mode de 2026 s’annonce à la fois architecturale, responsable et ouverte aux croisements inattendus.

Comment naissent les tendances ?

Les tendances de mode ne naissent pas du jour au lendemain. Selon Alain Soreil, proviseur de l’École Supérieure des Arts Appliqués Duperré à Paris, une tendance commence son parcours deux ans avant d’arriver en boutique. Elle se manifeste d’abord dans la société comme un changement subtil d’attitude ou de comportement — ce qu’il appelle une tendance lourde, ou mouvement de fond — avant d’être traduite en création.

Le processus commence par la réalisation de cahiers de tendances: d’abord les couleurs, puis les matières, suivies du prêt-à-porter, avec environ six mois d’intervalle entre chaque étape. Vient ensuite le choix du fil et de sa matière, l’application des couleurs, puis la sélection des textiles dans les salons professionnels. Ces matières sont ensuite confiées à l’industrie pour la confection, présentées lors des fashion weeks, puis produites et distribuées en boutique.

Parallèlement aux tendances lourdes, il existe des tendances légères, plus courtes et saisonnières, qui réagissent aux changements rapides des habitudes culturelles. Par exemple, les séries télévisées ont récemment supplanté le cinéma, illustrant une évolution ponctuelle des goûts du public. Ces tendances apportent ainsi une dynamique complémentaire aux mouvements profonds de la société.

Si ces tendances, lourdes ou légères, rythment l’industrie, la mode reste avant tout une expression profonde de l’identité culturelle qui nourrit la créativité.

Pour Soreil, préserver le patrimoine est essentiel dans une industrie mondialisée. 

“Les populations, les jeunes ont besoin de savoir où ils sont,” il a expliqué. “Même s’ils sont sur le futur, ils ont besoin d’être ancrés dans un sol avec leurs racines.” 

Pour lui, cette force “fait le lien, c’est un pont” qui permet “de tendre la main et de rejoindre le futur”.

En lien avec cela, Alain Soreil a souligné la richesse et la diversité des motifs du batik indonésien, rappelant que l’Indonésie compte des centaines de dessins incarnant son identité culturelle. Pourtant, pour transmettre efficacement ce que signifie “être indonésien” à l’échelle internationale, il faut réduire cette multitude à une sélection d’environ cinq motifs qui représentent le mieux le pays.

Il a insisté sur l’importance de choisir ces motifs clés, puis de les réinterpréter de façon contemporaine dans la mode, mais aussi dans l’art de vivre: design d’intérieur, mobilier, voire aménagement automobile. Ainsi, la culture indonésienne peut s’exprimer de manière subtile et reconnaissable.

Ces réflexions, il les a partagées le 29 juillet lors d’une conférence organisée par le JF3 à l’Institut Français d’Indonésie (IFI) à Jakarta, devant un public mêlant créateurs, étudiants et passionnés de mode. L’échange a également porté sur les grandes tendances qui façonnent le monde actuel.

Parmi elles, l’intelligence artificielle occupe une place majeure. Si l’IA transforme les industries et influence les processus créatifs, Soreil estime que l’imagination humaine reste irremplaçable. Les créateurs, dit-il, doivent agir comme des “agents de renseignement”, recueillant des indices variés pour anticiper ce qui fera écho demain.

La durabilité est un autre mouvement de fond incontournable. L’industrie textile étant l’une des plus polluantes au monde, l’upcycling, le vintage et d’autres stratégies de réutilisation gagnent en importance. 

“(Les gens) ont le souci de la pollution et de l’environnement, évidemment,” il a précisé. 

Qu’il s’agisse d’innovation technologique, de conscience écologique ou de patrimoine culturel, les tendances qui perdurent sont celles qui entrent en résonance avec les gens — reflétant ce qu’ils sont aujourd’hui, tout en portant l’essence de leurs origines.

 

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