Savez-vous que le peuple Cia-Cia, de l'ile de Buton, dans le sud-est de la Sulawesi, utilise le Hangeul (écriture coréenne) pour écrire sa langue ? Explications.


Une langue sans écriture propre
Le cia-cia est une langue austronésienne parlée par plusieurs milliers de personnes. Jusqu’à récemment, elle ne disposait d’aucun système d’écriture codifié. La seule trace écrite traditionnelle : le Kutika, une sorte de code symbolique gravé sur du bois, détenu par les anciens et utilisé pour des prédictions ou des transmissions orales rituelles. Ce système, cependant, restait hermétique à la transmission écrite moderne, et donc inadapté à un enseignement généralisé.
Une rencontre improbable avec le Hangeul
Il faut remonter à 2005 pour trouver une première utilisation de l'écriture coréenne. Chun Taihyun, linguiste malaisien et président du département Hunminjeongeum de la Société coréenne, visite la région et déclare à la presse que les sonorités de la langue cia-cia lui rappellent le coréen. Il ajoute en plaisantant que le Hangeul pourrait parfaitement convenir à cette langue menacée. L’idée séduit aussitôt le maire de Baubau.
Quatre ans plus tard, en 2009, l’adoption devient officielle : le Hangeul est choisi comme système d’écriture du cia-cia. Le script Cia-Cia est né, avec le soutien de la Société linguistique Hunminjeongeum.
Du Hangeul dans les écoles et dans les rues
Depuis cette adoption, les résultats sont visibles :
- Certains panneaux de signalisation dans la région de Baubau sont désormais écrits en caractères coréens.
- Le Hangeul est enseigné dans plusieurs écoles locales.
- Un dictionnaire cia-cia/hangeul a même vu le jour grâce à la coopération coréenne.
Ce script facilite l’alphabétisation des jeunes, donne un support écrit à la culture orale du peuple Cia-Cia, et ouvre la voie à la préservation de leur patrimoine immatériel : œuvres littéraires, contes, traditions, histoire.
Une pédagogie au service de la préservation
L’introduction du Hangeul dans l’éducation n’est pas vue comme un remplacement culturel, mais comme une solution pratique et neutre pour sauver une langue en danger. En effet, créer un alphabet de toutes pièces aurait été long, coûteux et difficile à diffuser. Utiliser un système déjà éprouvé et facile à apprendre comme le Hangeul permet de gagner en efficacité.
Les initiateurs du projet insistent : la langue ne change pas, seul son support écrit évolue. Le vocabulaire, la grammaire et la culture restent intacts.
Le gouvernement local espère ainsi que la langue, les œuvres littéraires, le folklore, l’histoire et la culture du peuple Cia-Cia pourront être transmis aux générations futures.
Le script Cia-Cia permet d'éradiquer l'analphabétisme, l'apprentissage de l'écriture Hangeul est inclus dans le programme scolaire locale de certaines écoles de la région.
Malgré les bienfaits apparents, l’initiative n’a pas fait l’unanimité. Certains s’inquiètent de voir des mots coréens infiltrer le lexique cia-cia, craignant une influence culturelle progressive. D'autres pointent du doigt une dépendance extérieure ou le risque d’abandon du projet faute de soutien étatique.
Mais même les critiques reconnaissent l’essentiel : la préservation de la langue cia-cia est une priorité commune.
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