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Bernhard Bart, faire perdurer la tradition du tissage du songket à Sumatra

À Batu Taba, sur les hauts plateaux du pays Minangkabau, à l’ouest de Sumatra, il existe un studio-atelier hors des sentiers battus dont la mission est de faire perdurer l’art traditionnel du tissage de songket. 

Fabrication du songketFabrication du songket
Tissage d'une pièce de songket dans l'atelier de Batu Taba
Écrit par Odyl Devaux-Zeller
Publié le 17 juin 2024, mis à jour le 19 juin 2024

Le combat de Bernhard Bart

Bernhard Bart, d’origine Suisse, est le fondateur de ce petit studio à Batu Taba. Son leitmotiv : préserver l’art ancestral du tissage du songket, en respectant les motifs typiques Minangkabau, ainsi que ceux des autres régions de Sumatra. Il a réussi à réhabiliter le songket traditionnel en le modernisant notamment en actualisant des motifs ancestraux, en les rendant plus tendance. Il s’est notamment inspiré de motifs traditionnels provenant d’autres formes d’art, comme la sculpture sur bois ou pierre. En conséquence, cela rend le tissu plus attrayant, et lui permet de toucher un public plus large. 

 

Bernhard Bart
Bernhard Bart et son épouse dans leur atelier.

L’atelier, bien que moderne, utilise néanmoins les techniques ancestrales de tissage. Il emploie exclusivement des matériaux précieux telle la soie pure, du fil d’or imitation métallique ou du véritable or. 

 

Songket fils
Les fils utilisés lors du tissage du songket

 

Le studio emploie 11 jeunes natifs des alentours. Tous ont reçu une formation qui leur permet de tisser le songket dans la tradition de leurs ancêtres. De la conception et la menuiserie des métiers à tisser, à l’élaboration des motifs, en passant par la teinture de la soie, au dévidage de la soie, à la préparation des métiers, à l’ajout des finitions telle que la dentelle, les franges… Tous maitrisent l’ensemble du processus de production, ils sont à même de réaliser un songket du fil brut au produit final. 

 

Comment tout a commencé ?

En 1996, Bernhard Bart arrive à Sumatra Ouest dans le but d’apprendre la langue. Très sensible à l’artisanat local, il s’aperçoit vite de son déclin, plus particulièrement de celui du songket, autrefois florissant. Devant l’urgence de la situation, il décide d’agir afin de maintenir vivante la connaissance de cet artisanat traditionnel et lui redonner son glamour d’antan.

Il commence alors à s’intéresser au songket de Minangkabau et étendra ses recherches à tout Sumatra. Depuis, il ne s’est jamais arrêté, documentant les différents modèles. Il possède une collection de plus de 2000 photographies d’anciens songket, tous différents. Il commence alors à travailler avec trois tisserands de la région, mettant en pratique ses découvertes. Il expérimente des métiers à tisser, des fils, des motifs...

2006 voit la première exposition de ses songket à la Galerie Cemara de Jakarta. 46 songket y sont exposés. Devant le succès de cette exposition, Bernhard Bart décide alors de créer son atelier de tissage en 2008 dans le petit village de Batu Taba, non loin de la ville de Bukittinggi, autrefois important centre de production. 

En 2011, une deuxième exposition a lieu au Centre Culturel Bentara Budaya à Jakarta, et en 2012, Bernhard Bart participe à une exposition de songket au Museum Tekstil de Jakarta. C’est cette même année que deux de ses songket remportent le « Prix d’excellence pour l’artisanat » de l’UNESCO, programme Asie du Sud Est.

En mai 2016, le créateur de mode indonésien, Adrian Gan, utilise alors les songket de Bernhard Bart pour créer sa nouvelle collection « Éloquence des années 80 » lors d’un défilé de mode à Jakarta.

En octobre 2016, le studio expose pour la première fois ses songket en dehors de l’Indonésie, au Musée National de Malaisie à Kuala Lumpur, exposition organisée par l’ASEAN « Songket, reine du textile : une racine, un héritage ».

Au printemps 2018, les songket s’exportent hors d’Asie à l’occasion d’une exposition en Suisse.

Selon Bernhard Bart, architecte de formation, le songket présente de nombreuses similitudes avec l’architecture. C’est quelque chose de mathématique et d’artistique à la fois. Construire une maison, c’est créer un foyer pour les gens, tisser un tissu, c’est créer un foyer pour le corps !

 

Qu’est-ce que le songket ?

 

Songket
Les songkets en vente à l'atelier de Bernhard Bart

Le songket est un brocart de coton ou de soie tissé, tressé avec des fils dorés ou argentés, autrefois d'or et d'argent, qui se détachent du fond du tissus afin de créer un effet de brillance. 

C’est un tissage manuel qui comporte des motifs complexes. Symbole de luxe et de statut social, le songket voit le jour avec l’arrivée des commerçants chinois qui ont apporté des fils de soie tandis que les commerçants indiens et du moyen orient ont apporté les fils d’or.

Le songket est issu d'une méthode de tissage très réputée qui lui vaut le surnom de "roi des tissus locaux". C’est un produit de luxe qui est porté lors d’évènements particuliers (festivals religieux, naissance, mariages, décès…).

Véritable identité culturelle chez les Minangkabau, c’était un moyen d’expression car le peuple n’écrivait pas. Le songket était donc le reflet des sentiments, donnant à chaque songket sa propre signification. Il se transmet de génération en génération.

Le songket de Minangkabau a connu ses heures de gloire entre 1850 et 1920. Mais la première guerre mondiale, les crises économiques, les désastres naturels ont conduit à son déclin. C’est un artisanat qui requiert habileté, patience, méticulosité.

Grâce à Bernhard Bart et ses 25 années de recherche et de production de songket, fruit d’un travail acharné avec passion, le songket retrouve enfin ses heures de gloire. 

Longue vie au songket !!

 

 

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