Disparaitre ne veut pas dire être oublié. Jacques Le Goff, chercheur, conseiller historique, écrivain et enseignant, nous a quittés le 1er avril 2014, à l'âge de 90 ans. Un colloque à sa mémoire s'est tenu à l'École française de Rome et à l'Istituto storico italiano per il medioeveo (Institut historique italien pour le Moyen Âge), les 4 et 5 juin derniers.

Ses apports à l'histoire des mentalités et des mœurs, ainsi qu'à l'anthropologie humaine et urbaine du Moyen Âge, sont exemplaires et de renommée internationale: Les Intellectuels au Moyen Age (Seuil, 1957), Pour un autre Moyen Age: temps, travail et culture en Occident (Gallimard, 1977) L'imaginaire médiéval (Gallimard, 1985), Histoire et Mémoire (Gallimard, 1988), Saint Louis (Gallimard, 1996), A la recherche du Moyen Âge, (Seuil, 2003), À La recherche du temps sacré :Jacques de Voragine et la Légende dorée (Perrin, coll. Pour l'histoire, 2011), Saint François d'Assise (Gallimard, 2013). Des grands succès traduits dans différentes langues de la Communauté européenne.
Au Palazzo Farnese, Catherine Virlouvet, directrice de l'École française de Rome et Massimo Miglio, président de l'Istituto storico italiano per il medioevo, ont ouvert la rencontre. A côté des exposés scientifiques, ces journées ont aussi été l'occasion d'entendre les témoignages de nombreux proches de Jacques Le Goff sur sa personnalité hors du commun. Des fragments d'interviews, ainsi que deux extraits inédits, réalisées par Tiziana Di Blasio, ont tracé un petit portrait de l'historien, permettant à l'auditoire de saisir une petite partie de l'héritage qu'il nous laisse.
Dans la vidéo Jacques Le Goff historien (coproduction CSI ;CNRS), l'explorateur du Moyen Âge, ancien attaché de recherche au CNRS, explique la relation entre la valeur du passé et la perception de notre identité culturelle. En analysant des événements historiques récents comme la guerre du Golfe, il a souligné le poids du passé sur l'époque actuelle, à titre d'exemple le problème ancien, mais récurrent de "la guerre juste".
Tout en traversant sa production, plus d'une quinzaine d'experts ont fait le point sur les apports de Jacques Le Goff, illustrant comment, tout au long de sa carrière, il a analysé l'histoire urbaine, notamment les rapports entre la ville et la société ainsi que leur évolution dans le temps, les lieux communs de l'imaginaire collectif et des croyances d'hier et d'aujourd'hui. Par ailleurs, notamment dans le livre Marchands et banquiers du Moyen Âge (PUF, coll. «Que sais-je ?»,1956), il s'est consacré aux questions économiques et à la dimension financière dans le Haut Moyen Age, étudiant particulièrement les relations entre l'argent, la religion, la société et la culture, c'est-à-dire les aspects sociaux et culturels de l'argent; établissant un rapport ambivalent entre l'Église et les marchands au Moyen Âge. De ce fait, suite au développement des monastères et des ordres mendiants, le rapport de l'homme au travail a été progressivement réhabilité, ainsi que la conception du péché.
Le but du colloque n'était pas celui de permettre aux orateurs de présenter leurs derniers résultats de
Pour cette célébration, l'École française de Rome s'imposait pour de multiples raisons : d'abord le médiéviste en fut membre pendant deux ans; ensuite, c'est à l'occasion de ses séjours et de ses échanges dans la Cité éternelle et en Italie, que la célèbre La Naissance du Purgatoire (Gallimard 1981), fut nourrie. Lors de la conférence, Chiara Frugoni et Jérôme Baschet ont expliqué la présence, l'évolution et l'interprétation du Purgatoire dans l'ouvrage de Le Goff ainsi que son imaginaire et son iconographie, en insistant sur l'étroit lien entre ce lieu de purification dominé par les flammes et, la notion de macabre, évoquant le sujet des revenants, qui sera autant cher à la littérature qu'à l'industrie de l'audiovisuel.
Un grand nombre d'historiens se réclament aujourd'hui de ses théories, de son approche et de ses réflexions, aussi fécondes. Jacques Le Goff, co-directeur de la revue Annales, Histoire, Sciences Sociales et de la revue italienne de vulgarisation Storia e Dossier, a reçu les plus hautes distinctions internationales, dont les prix scientifiques : le Grand Prix national d'Histoire (1987), le Prix Tevere (Rome), le Grand Prix de la Fondation de France et la Médaille d'Or CNRS (1991).
Plusieurs des principaux interlocuteurs italiens et français de Le Goff ont participé et contribué au colloque : Umberto Eco, Patrick Boucheron, Girolamo Arnaldi, Andrée Vauchez, Jean-Claude Shmitt, Giuseppe Sergi, Jean-Claude Vigueur, Franco Cardini, Sylvain Piron, Jacques Revel, Giuseppe Laterza, Walter Barberis, Etienne Anheim, Chiara Frugoni, Jérôme Baschet et Daniela Romagnoli.
Le livre Jacques Le Goff e l'Italia réalisé sous la direction de Daniela Romagnoli, Salvatore Sansone et Amedeo Feniello, contient des interviews, des leçons magistrales et des articles de Le Goff parus dans la presse italienne depuis le début des années 90. En vente à 17 euros. Achat en ligne possible.
Gianluca Venturini (Lepetitjournal.com de Rome) - vendredi 12 juin 2015
Crédits photos : Ecole française de Rome
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