Comment fonctionne le dépistage gratuit du cancer en Turquie ? Présents dans tout le pays, les centres KETEM assurent prévention, suivi et sensibilisation. Un dispositif efficace, mais perfectible.


Une politique de santé publique tournée vers la prévention
En Turquie, la lutte contre le cancer s’appuie sur un réseau public structuré : les centres KETEM (Kanser Erken Teşhis, Tarama ve Eğitim Merkezi), littéralement “Centres de diagnostic, dépistage et éducation précoces du cancer”. Créés par le ministère turc de la Santé, ces établissements ont pour mission de détecter les cancers à un stade précoce, d’informer la population et de renforcer la culture de prévention.
Présents dans les 81 provinces du pays, ils offrent gratuitement des dépistages ciblés du cancer du sein, du col de l’utérus et colorectal. En 2023, selon les données du ministère turc de la Santé, relayées par l’agence nationale Anadolu Ajansı, 7,7 millions d’examens ont été réalisés à travers le réseau, une politique ambitieuse qui fait de la prévention un pilier de la santé publique
Voici la liste officielle des centres KETEM en Turquie.
Un dispositif national au service de la prévention
Chaque centre KETEM agit comme une antenne de proximité intégrée au système de santé turc. L’accès est entièrement gratuit et peut se faire de plusieurs façons : via la plateforme de rendez-vous en ligne MHRS, le portail administratif e-Devlet, ou directement sur place dans les hôpitaux publics.
Les examens de dépistage dépendent de l’âge et du profil du patient :
- Mammographie tous les deux ans pour les femmes de 40 à 69 ans,
- Frottis et test HPV pour les femmes de 30 à 65 ans,
- Test de dépistage colorectal pour les adultes de 50 à 70 ans.
Les prélèvements sont analysés dans les laboratoires publics agréés, et les résultats sont consultables sur e-Nabız, le dossier médical numérique national. En cas d’anomalie, le patient est orienté vers un service hospitalier partenaire pour un suivi complémentaire.
Cette organisation centralisée, supervisée par le ministère turc de la Santé, vise à assurer une égalité d’accès aux soins préventifs et une traçabilité complète du parcours médical. Deux priorités qui fondent la stratégie nationale de lutte contre le cancer.
Des chiffres encourageants, mais des données incomplètes
En 2023, les centres KETEM ont réalisé 7,7 millions d’examens de dépistage, selon les chiffres communiqués par le ministère turc de la Santé et relayés par Anadolu Ajansı. Au premier semestre 2024, ce chiffre atteignait déjà 4,5 millions. Des volumes importants, qui traduisent l’ancrage du réseau dans la politique nationale de santé publique.
Le ministère poursuit d’ailleurs régulièrement ses campagnes de sensibilisation, rappelant l’importance du dépistage précoce à travers des visuels diffusés sur ses réseaux officiels.
Ci-dessous, une publication partagée sur Instagram en septembre 2025, dans le cadre de la Semaine de la santé publique (Halk Sağlığı Haftası), incitant à la prévention.
Mais un angle mort persiste : la proportion de la population concernée par ces dépistages reste inconnue. Aucune donnée officielle ne précise, par exemple, combien de femmes ou d’hommes éligibles se rendent effectivement dans les centres. Les études menées entre 2023 et 2025 montrent des taux de participation très variables selon les régions et les catégories socio-économiques.
Des travaux récents, comme ceux publiés dans BMC Public Health (2025), soulignent aussi le rôle de la littératie en santé : plus l’information est accessible, plus les citoyens recourent au dépistage. Une observation partagée par le Programme national de contrôle du cancer, qui appelle à renforcer la sensibilisation, en particulier dans les zones périphériques et rurales.
Les KETEM : connus de nom, mais encore mal compris
Institutionnellement, les centres KETEM sont bien identifiés. Le ministère turc de la Santé mène chaque année des campagnes de grande ampleur : affiches dans les hôpitaux, spots télévisés, bus de dépistage itinérants ou messages diffusés sur les réseaux sociaux. Le nom “KETEM” figure sur les façades de nombreux établissements publics, et les périodes de prévention, comme Octobre Rose ou le mois de sensibilisation au cancer colorectal en mars, offrent une visibilité renforcée à ces initiatives.
Octobre Rose 2025 à Istanbul : marches, dépistages et monuments en rose
Mais si l’existence du dispositif est largement connue, son fonctionnement l’est beaucoup moins. Plusieurs études montrent que le niveau de connaissance influence directement le recours au dépistage, avec des taux de participation variables selon les territoires et l’accès à l’information. D’autres travaux, publiés dans BMC Public Health (2025), établissent un lien clair entre le niveau de connaissance du dispositif et le recours au dépistage.
Le ministère lui-même reconnaît ce déséquilibre et appelle à “accroître la participation et l’information du public dans les zones périphériques”, un objectif mentionné dans le Programme national de contrôle du cancer.
Dans certaines régions rurales ou à faible niveau socio-économique, les freins culturels, la pudeur, ou simplement la distance géographique limitent encore l’accès aux services.
À l’inverse, dans les grandes métropoles comme Istanbul, Ankara, Izmir ou Antalya, les structures sont plus accessibles et les campagnes mieux relayées.
Entre ambition et défis du quotidien
Sur le papier, le modèle KETEM est exemplaire. Sur le terrain, la réalité se révèle plus contrastée. Dans les grandes villes, les centres font face à des rendez-vous rapidement saturés, conséquence d’une demande croissante et d’un manque de créneaux. Les délais de résultats, transmis via la plateforme e-Nabız, peuvent parfois atteindre plusieurs semaines selon la charge des laboratoires. Certaines structures signalent aussi des ruptures ponctuelles de matériel, notamment pour les tests HPV, ou des restrictions d’âge qui limitent l’accès aux examens.
Ces contraintes ne remettent pas en cause la pertinence du dispositif, mais elles rappellent les défis logistiques et humains auxquels la prévention doit faire face au quotidien.
À cela s’ajoutent des freins socioculturels, pudeur, peur du diagnostic ou fatalisme face à la maladie, qui continuent d’influencer le comportement de certains publics.
Pour les spécialistes de santé publique, l’enjeu des prochaines années est clair : mieux informer et simplifier l’accès pour transformer la prévention en réflexe durable.
Informer, comprendre, agir
Les centres KETEM illustrent la volonté de la Turquie d’inscrire la prévention au cœur de sa politique de santé.
Le pays fait partie des rares États non européens à avoir institutionnalisé le dépistage gratuit du cancer dans le service public.
Derrière les chiffres et les protocoles, une conviction s’impose : la prévention reste la première victoire contre la maladie.
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