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Les manifestations de Boğaziçi prennent de l’ampleur en Turquie

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Laure Sabatier
Écrit par Albane Akyüz
Publié le 3 février 2021, mis à jour le 11 janvier 2024

Alors que de nombreux étudiants et professeurs de l’université de Boğaziçi (Bosphore en français) manifestent depuis un mois contre la nomination de Melih Bulu, le nouveau président de leur université, les arrestations, ce week-end, de 4 étudiants "LGBT", et de 159 en début de semaine, ont entraîné une vague d’indignation qui a gagné la société civile.

Au-delà des manifestations contre la nomination du nouveau président de Boğaziçi, la cause LGBT s’est invitée au cœur du débat depuis les arrestations du week-end dernier. En effet, 4 étudiants LGBT (qualifiés de "déviants" par Süleyman Soylu, le ministre de l’Intérieur) ont été arrêtés pour avoir (dans le cadre d'une exposition) posé au sol une image représentant la Kaaba, le drapeau LGBT peint dessus. 

Lundi 1er février, lors d’une réunion avec les cadres de son parti l’AKP, le président Erdoğan a d’ailleurs déclaré : "Nous allons mener vers l’avenir non pas une jeunesse LGBT, mais une jeunesse digne de l’histoire glorieuse de cette nation".

159 étudiants arrêtés, naissance du hashtag "Nous n'allons pas baisser les yeux" 

Lundi 1er février, dans le cadre de manifestations aux abords de l’université, 159 étudiants ont été placés en garde à vue ; ils ont été qualifiés tantôt de "terroristes" tantôt de "vandales".

 

159 étudiants arrêtés Bogazici
Le 2 février à l'université de Boğaziçi - Compte Twitter @boundayanisma (Boğaziçi Dayanışması)

 

Ces arrestations ont provoqué un tollé dans les partis de l'opposition et au sein de la société civile, laquelle est également montée au créneau suite à la diffusion d’une vidéo montrant un policier hurlant "baisse les yeux" ("Aşağı bak") à un manifestant.

La police a publié par la suite un communiqué contestant les termes employés, et indiquant que le policier avait dit "Aşağıdan", ("par en bas"), et non "baisse les yeux"… Quoi qu’il en soit, les images filmées témoignent d’arrestations musclées.

 

 

Le hashtag "Nous n'allons pas baisser les yeux" (#Aşağı(ya)Bakmayacağız), a fleuri sur l’ensemble des réseaux sociaux mardi 2 février.

La majorité des 159 manifestants arrêtés a finalement été relâchée mardi 2 février dans la journée ; les autres étudiants ont été libérés le 4 février, et placés sous contrôle judiciaire. Une interdiction de voyager à l'étranger a été imposée à 30 d'entre eux.

Des manifestations à Ankara et à Izmir

Les manifestations nées sur le campus de l’université de Boğaziçi il y a un mois gagnent désormais Ankara et Izmir.

Une manifestation a eu lieu à Ankara mardi 2 février, à l’issue de laquelle 69 personnes ont été arrêtées, dans le sang pour certaines.

 

Mercredi 3 février, ce sont les étudiants de la prestigieuse université d'ÖDTÜ à Ankara qui manifestaient ; du côté d'Izmir, des manifestations étaient réprimées avec du gaz lacrymogène en fin d'après-midi. 

 

 

Le 2 février dans la soirée, la police anti-émeute turque a lourdement chargé des manifestants rassemblés à Kadıköy (rive asiatique d'Istanbul) pour soutenir le mouvement de Boğaziçi. Des balles de plastique et des gaz lacrymogènes ont été largement utilisés pour disperser les centaines de manifestants.

Un peu plus tôt, le gouverneur du district de Kadıköy avait décrété l’interdiction de manifester dans son district pour une durée de 7 jours, justifiant cette mesure par la "sécurité sanitaire".

 

 

Le département de police d'Istanbul a par la suite publié un communiqué indiquant que 104 personnes étaient détenues mardi soir dans les districts de Kadıköy (Asie), Beşiktaş et Sarıyer (Europe).

Mardi soir à 21h00, suite aux appels lancés sur les réseaux sociaux (#9dacama, "21h à la fenêtre"), c’est un concert de casseroles qui a gagné les rues d’Istanbul ; en effet, les citoyens étaient nombreux à leurs fenêtres pour taper sur des casseroles en guise de soutien aux étudiants de l’université, et de protestation contre les arrestations jugées "arbitraires".

 

 

Réactions politiques

Ekrem Imamoğlu, le maire d'Istanbul a déclaré mercredi : "L'oppression et la violence dirigées contre ces jeunes qui n'ont d'autre but que de protéger l'intégrité scientifique et la crédibilité académique sont inacceptables". 

Dans une lettre partagée sur son compte Twitter dans la nuit du 2 au 3 février, le maire d’Ankara, Mansur Yavaş, a pour sa part appelé le président de Boğaziçi à se retirer, afin que la paix revienne. 

 

 

Mercredi, Melih Bulu, jugeant que certains étudiants allaient "trop loin", a indiqué qu’il ne céderait pas à la pression.

Le président du Parlement turc, Mustafa Şentop, a déclaré mercredi que les manifestations étaient, selon lui, "organisées par des professionnels".

Réactions internationales

Mercredi dans la soirée, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, la Commission européenne, et le département d’État des États-Unis ont fait part de leurs inquiétudes sur la situation à l’université de Boğaziçi, et ont appelé la Turquie à libérer immédiatement les étudiants détenus, condamnant la rhétorique "anti-LGBT" utilisée par les responsables turcs.

 

 

Jeudi matin, le ministère des Affaires étrangères turc a publié un communiqué indiquant que "Personne ne doit s'ingérer dans les affaires intérieures de la Turquie".

 

 

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