Au détour des ruelles d’Istanbul, un parfum sucré d’hiver s’invite. La boza, boisson d’antan aux reflets d’Empire, raconte une ville et son goût du temps.


La saison de la « Boza » est ouverte !
Dès que l’automne arrive, un personnage emblématique des soirées de Turquie n’est autre que le vendeur ambulant de « Boza », qui arpente les rues en clamant un mot inintelligible dans lequel seuls les Stambouliotes chevronnés parviennent à reconnaître le nom de la célèbre boisson turque de céréales. Mais ces derniers ne s’y trompent jamais : « Voilà le marchand de boza qui passe » ! Car la « Boza », dont le nom est parfois aussi utilisé au genre masculin en français, fait partie du riche patrimoine culinaire venu des Ottomans mais aussi de la vie traditionnelle de la cité.

Une boisson de céréales au goût d’enfance et d’hiver
De quoi cette originale boisson est-elle faite ? De céréales, généralement du millet ou du blé, trempées dans l’eau deux ou trois jours puis bouillies et réduites en purée, sucrées et mises à fermenter avec du levain.
Il s’ensuit une boisson acidulée, à la texture crémeuse qui oblige à la consommer à la cuillère et que l’on agrémente de cannelle ou de pois chiches grillés. Elle est considérée comme « non alcoolisée », car elle ne dépasse généralement pas un degré d’alcool. Riche en protéines, elle constitue aussi un probiotique naturel et sa réputation de renforcer l’immunité fait qu’elle compte toujours autant d’adeptes en Turquie mais aussi dans tous les anciens pays de l’Empire ottoman, en particulier les Balkans.

La boza se déguste souvent saupoudrée de cannelle et de pois chiches grillés.
Des tavernes ottomanes aux rues d’Istanbul
Au XVIIe siècle, déjà, le célèbre voyageur Evliya Çelebi mentionnait dans son Livre des Voyages que la ville d’Istanbul comptait 300 établissements vendant de la « Boza » et précisait que les autorités faisaient souvent la chasse aux petits futés qui laissaient fermenter la mixture plus que d’habitude afin d’élever son degré d’alcool. À cette époque, la « Boza », très nourrissante et bon marché, était surtout considérée comme la boisson du peuple mais aussi des Janissaires et des portefaix, qui en consommaient de grandes quantités pour augmenter leurs forces.

Vefa Bozacısı, l’adresse mythique d’Istanbul
Aujourd’hui, le plus célèbre fabricant de « Boza » à Istanbul est le légendaire « Vefa Bozacisi », créé par Haci Sadik au XIXe siècle. Venu d’Albanie, ce dernier transforma la cave de sa maison du quartier de Vefa, alors habité par des classes aisées, en atelier pour améliorer la « Boza » locale, qu’il jugeait un peu trop foncée et amère et se mit à la vendre le soir dans une carafe de cuivre.
Son commerce marchait si bien qu’il parvint à ouvrir, en 1876, le magasin actuel, toujours tenu par ses descendants et dont la décoration un peu surannée de bois et de faïences accentue le charme.

L’établissement gagna encore en popularité un jour de 1937, lorsqu’Atatürk vint y boire une « Boza » dont le verre est toujours exposé sur une étagère. Notons aussi que de nombreux autres fabricants proposent aujourd’hui de la « Boza », chacun se targuant d’offrir un goût unique, légèrement différent de tous les autres.

La Boza, des ruelles d’hier aux pages d’aujourd’hui
Et si vous souhaitez découvrir de plus près le rôle de cette boisson dans les rues de l’Istanbul d’autrefois, pourquoi ne pas lire le roman d’Orhan Pamuk, Cette chose étrange en moi, qui raconte la vie d’un marchand ambulant de « Boza » ?















































