Kaftans, bindallı, yelek… Derrière ces étoffes finement brodées se cache l’élégance d’un héritage vestimentaire transmis de génération en génération. Une tradition textile sublimée par l’exposition “Au fil de l’or”, au musée du Quai Branly à Paris.


Au cœur des étoffes, l’empreinte d’un peuple
À la croisée de l’art, de la tradition et de l’identité, ces costumes portés comme des symboles et transmis comme des héritages racontent, à eux seuls, toute la richesse culturelle de la Turquie. Chaque pièce dévoile une histoire : celle d’une région, d’une époque ou d’un rituel familial.
Parmi les plus emblématiques, le kaftan impérial, les robes bindallı, les boléros yelek ou encore les vestes cepken révèlent une diversité de coupes, de tissus et d’ornementations d’une rare finesse. Longtemps portés au quotidien, ces habits d’apparat sont aujourd’hui préservés comme un patrimoine culturel à part entière.

Au fil de l’or : quand le patrimoine textile turc s’expose à Paris
C’est cette richesse vestimentaire que met en lumière l’exposition Au fil de l’or, présentée au musée du Quai Branly – Jacques Chirac à Paris. À travers une sélection de pièces rares, l’exposition dévoile toute l’élégance des vêtements traditionnels féminins de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

On y découvre notamment des bindallı, des robes de mariage en velours brodées de fils métalliques dorés, portées par les jeunes filles juives et musulmanes, ainsi que des üçetek entari, “robes à triple jupe” associées à un pantalon ample (şalvar) et à une chemise fine.

Plus courts, les yelek, boléros sans manches aux broderies talismaniques, côtoient les cepken, vestes brodées de type zerdüz ici (“broderie d’or”), typiques de l’Anatolie et des populations déplacées depuis les Balkans.

Le satin de soie, le velours et les fils d’or témoignent du raffinement des matières utilisées. Ces étoffes luxueuses reflètent le savoir-faire des ateliers ottomans, réputés pour leur maîtrise artisanale. À Bursa, première capitale de l’Empire, comme à Istanbul, les simkeşhane, ateliers de filage d’or, produisaient les ornements les plus précieux.
Broderies, symboles et traditions : quand le vêtement devient langage
Au-delà de l’esthétique, les costumes traditionnels turcs sont porteurs de symboles puissants, souvent transmis de génération en génération. Chaque fil, chaque motif, chaque couleur raconte une intention, une croyance, un espoir. Les motifs de main protectrice (khamsa) étaient censés repousser le mauvais œil, tandis que les broderies en forme de grenade, de paon ou d’œil bleu symbolisent respectivement la fertilité, la beauté ou la protection.
Les arbres de vie, présents sur de nombreuses tenues, évoquent la transmission et la continuité des générations. Les roses rendaient hommage à la féminité, tandis que les grappes de raisin ou les épis de blé étaient des souhaits d’abondance et de prospérité. Chaque costume devenait ainsi un véritable talisman textile, à la fois ornement et message silencieux.
Les codes chromatiques varient eux aussi selon les significations : le rouge, très présent dans les robes de mariage, symbolise la vitalité et la chance ; le bleu évoque la sagesse et le vert, la foi et la nature.

Chaque région de Turquie a développé ses propres expressions textiles. Dans le Dersim, les robes se parent de couleurs éclatantes et de motifs distinctifs, tandis qu’à Gaziantep, les ceintures larges et brodées jouent un rôle central dans la silhouette traditionnelle. Du Karadeniz à l’Anatolie centrale, en passant par les terres orientales et la côte égéenne, les habits reflètent une identité locale forte, à la fois enracinée et singulière.
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Une redécouverte contemporaine, entre transmission et création
Si ces habits ne font plus partie du quotidien, ils continuent à vivre dans les mariages traditionnels, les festivals culturels et les spectacles folkloriques, où les danses régionales turques sont interprétées en costume, perpétuant les gestes, les rythmes et les étoffes du passé.
Certains créateurs turcs s’inspirent aujourd’hui de ces vêtements pour réinventer des silhouettes mêlant héritage textile et modernité. Des maisons comme Dice Kayek, Tuvanam ou Gönül Paksoy revisitent les coupes ottomanes, les broderies anciennes ou les matières traditionnelles avec audace et sensibilité.
Les séries historiques à succès (Muhteşem Yüzyıl, Diriliş: Ertuğrul, Alparslan) ont également ravivé l’intérêt du grand public pour les tenues d’époque, nourrissant un renouveau du costume traditionnel dans l’imaginaire collectif.
Aujourd’hui, ces vêtements refont surface dans les musées, les défilés et les ateliers d’artisans, mais aussi dans un marché artisanal en plein essor, porté par la demande de reproductions traditionnelles pour les mariages ou les cérémonies. À travers ces habits, c’est un pan de mémoire, de fierté et d’identité qui continue de se transmettre, fil après fil.
Le fil d’une mémoire précieuse
Derrière chaque étoffe, chaque broderie, se tisse une mémoire que le temps ne saurait effacer. Les costumes traditionnels turcs, aujourd’hui exposés, étudiés ou réinterprétés, témoignent d’un héritage vestimentaire qui dépasse la simple parure. Leur richesse textile, façonnée par des siècles de savoir-faire, trouve aujourd’hui sa place entre transmission familiale, valorisation muséale et création contemporaine.
Ils révèlent une identité, une mémoire, un art de vivre que la Turquie tisse encore aujourd’hui, fil après fil, avec une profonde fidélité.
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