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Solal Hohn : "J’ai, dès la frontière, retrouvé le caractère hospitalier des Turcs"

Solal Hohn à son entrée en TurquieSolal Hohn à son entrée en Turquie
Solal Hohn lors de son entrée en Turquie
Écrit par Albane Akyüz
Publié le 25 avril 2022, mis à jour le 13 janvier 2024

27 ans, Solal Hohn, diplômé d’une école de commerce, a entamé un tour du monde à pied, qui devrait durer de 8 à 10 ans. Parti de Paris en juin 2021, il est actuellement en Turquie pour plusieurs semaines. Rencontre à Istanbul, une première "grande" étape de son parcours. 

 

Lepetitjournal.com Istanbul : Ce projet du tour du monde à pied est né en 48 heures… Pourriez-vous revenir sur le contexte de ce long périple ?

Solal Hohn : Je marche depuis que je suis bébé. Mes parents m’ont porté sur le GR20. Ensuite chaque été nous randonnions pendant les vacances une à trois semaines en famille. Je fis de même ensuite avec mes amis (Compostelle et Stevenson). Puis ma première longue marche seul fut la voie Lycéenne entre Fethiye et Antalya en novembre 2018 pendant mon Erasmus à Sabanci. 20 jours qui m’ont convaincu de mon amour pour la marche et le temps long, seul dans la nature.

J’avais des projets de grand voyage à la fin de mes études. Je désirais faire un arrêt au Maroc où j’allais gérer un bar dans une éco-lodge au bord de l’océan. Mais une phase haute de bipolarité, trouble psychique qui m’a été diagnostiqué en 2017, m’a entraîné dans des prises de risques à la fréquence rapprochée jusqu’à cette chute d’un balcon de 5 mètres de haut lors d’un surf trip aux Canaries en janvier 2019. Après une longue période de reconstruction (trois mois d’hôpital et autant de rééducation des nombreux membres fracturés), et diverses expériences professionnelles non fructueuses, survient l’épiphanie du besoin de ce voyage en février 2021. Je suis en Suisse, je viens de démissionner d’un VIE où je devais vendre des logiciels de productivité agricole à des fermiers suisses-allemands. En 48 heures j’ai ma trace GPS jusqu’à la sortie de l’Iran. Je reviens travailler en France dans les magasins biologiques de ma famille ("La menthe poivrée" en vallée de Chevreuse) et deux mois plus tard c’est le grand départ depuis Notre dame de Paris, le 3 juin 2021.

 

Solal Hohn tour du monde à pied

 

 

Vous marchez depuis maintenant 10 mois, pendant lesquels vous avez traversé 11 pays (France, Suisse, Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie, Monténégro, Albanie, Macédoine du nord, Grèce, Bulgarie) avant d’arriver en Turquie. Quels sont les grands "moments" qui ont marqué le "début" de ce parcours ?

. En France, la rencontre avec Jacques, ce vieux sage ascète en pleine forme qui crapahutait entre les 35 vélos et les 10 kayak qu’il amassait car il ne jetait rien. Il a dépensé moins de 150 euros dans sa vie en vêtements. Accueillant des volontaires, il me dit avant mon départ qu’il y avait un frein à mon voyage. Après quelques questions dans sa yourte de cérémonie, il trouva que ma grand-mère paternelle ne voulait pas me laisser partir. Il me demanda de dire au revoir à son âme. Circonspect, je fus bouche bée quand elle m’appela maintes fois le lendemain.

. En Suisse sur la via Alpina après 8h de montée et quelques glissades sur la neige, j’arrive à un refuge confortable à 2800 mètres. Là une famille entendant mon histoire décida de me payer le dîner, la nuit en dortoir avec eux et le petit déjeuner. Un soulagement énorme et un merveilleux moment !

. En Italie, après 15 jours de marche dans les Dolomites en plein été où je ne fus considéré comme un touriste, dans la région de Friula, juste avant la Slovénie, dans un refuge métallique rouge, deux jeunes arrivent et on passe la soirée à partager le souper et de grands éclats de rire. Je me souviendrai longtemps de leur jeu de mains où chaque joueur doit afficher un nombre avec ses doigts et en même temps deviner la somme des mains des deux joueurs. Un jeu de célérité prompt au spectacle !

. En Slovénie je rencontre un ours brun d’un mètre 70 qui sort à l’orée de la forêt, attiré par ma soupe qui chauffait. Moment suspendu d’une demi-seconde où je n’ai pas le temps d’avoir peur. Au contraire il était magnifique et j’étais curieux de le voir plus longtemps.

. En Croatie je marche 12 jours dans le magique parc naturel des Velebit, accompagné d’un Allemand, Bjorn. Dans chaque refuge très confortable, des "trail angels" placent de la nourriture et de l’eau pour les randonneurs. Vraie surprise de découvrir un réseau organisé autour de la marche dans ce pays des Balkans, auprès d’un comparse idéal pour le périple.

 

Solal Hohn tour du monde à pied

 

. En Bosnie, sortant des montagnes, je dois attendre dans une ville mon sac de couchage d’hiver. Je me rends à la prière du soir et l’imam accepte de me loger dans le cagibi au sous-sol du minaret. J’y reste une semaine et chaque jour je discute au café une heure avec ce religieux cultivé et curieux qui a étudié la théologie au Caire.

. Je suis resté un mois dans un refuge pour chiens à côté de Thessalonique en Grèce. 120 chiens, 5 volontaires, 100 kg de caca récoltés par jour et des tonnes d’amour pur accumulées par ces animaux (adultes et chiots). Des naissances, des décès et la compréhension d’une véritable société animale. Des relations de protection, des couples, des chiens mauvais qui veulent tuer et manger des chiots. Chaque jour je me fais mordre par la même chienne. Depuis je n'ai plus peur des chiens, même des féroces Kangal.

. À Sofia, à cause de la perte de mon passeport, je dégote une position de volontaire dans une école alternative nommée "pateki" (chemin). J’ y emmène les enfants au parc, leur fais faire du sport, et suis étonné de la maturité sociale dont ils font preuve, et de la pédagogie que l’école leur inculque.

J’ y passe un mois, développe des amitiés sincères et suis touché lors des adieux. Chaque soir, je m’entraîne au kickboxing et apprécie tous les aspects de ma parenthèse sofioïte.

 

Solal Hohn tour du monde à pied
En Albanie

 

 

Vous êtes à Istanbul en terrain connu. En effet, vous y aviez déjà passé un semestre en Erasmus à l’université Sabanci en 2018. Comment avez-vous (re)trouvé la ville ? Quels changements observez-vous ?

La langue turque m’est revenue très rapidement, j’ avais pris des cours à Sabanci et à l’Institut français.

J’ai redécouvert avec délectation mes lieux habituels, dans les quartiers de Moda, Kadiköy, et Cihangir (le hammam azizie, les trajets en vapur, les plats de pilav et les mercimek çorbasi, et les mouvements de hanches à Gizli Bahçe).

 

Solal-Hohn Istanbul tour du monde

 

Je me rends compte que certains animaux sont plus respectés que certains humains et que la communauté d’expatriés est un tout petit microcosme.

La typologie du touriste a aussi évolué, avec plus d’Ukrainiens et de Russes.

Le bord du Bosphore à Kabatas a été positivement transformé, même si la vue de méga ferries dans la ville me déplaît.

J’ai retrouvé mes amis qui ont autant avancé que moi, je pense notamment à mes très chers (frères) Hassan et Umut Serin.

 

Pourriez-vous nous raconter quelques anecdotes vécues depuis votre entrée en Turquie fin mars ?

J’ai, dès la frontière, retrouvé le caractère hospitalier, souriant et joueur des Turcs. Énorme différence avec les Bulgares pour qui quelqu’un qui sourit sans raison est un idiot.

 

Solal-Hohn tour du monde à pied

 

Très vite sur la côte de la mer Noire (Igneada, Yalikoy), j’ai été très très bien accueilli. Un cafetier m’a tout offert (thé illimité, une chambre, et un petit déjeuner copieux). À Sile, un homme a décidé de m’amener à un restaurant sur le port et de me payer le repas (balik ekmek) avant de filer rentrer le week-end dans la capitale.

À Anadolu Feneri, Ali le gérant du café au bord du phare, m’a ouvert les portes de son établissement pour la nuit et m’a narré de belles histoires.

 

Solal-Hohn tour du monde à pied
À Anadolu Feneri

 

 

Comment financez-vous votre tour du monde à pied ?

J’ai économisé une dizaine de milliers d’euros, je gère mon budget comme un père de famille protestant (quand je marche, je dépense très peu car je ne paye jamais mes nuitées).

Et puis j’ai une page de crowd funding : sur Instagram les gens qui me suivent peuvent m’aider par des contributions uniques ou régulières.

 

Où étiez-vous lorsque la guerre en Ukraine a éclaté ? Cet événement a-t-il eu des conséquences sur la suite de votre tour du monde ?

J’étais à Varna sur la côte bulgare. Le sujet était très présent car la côte ukrainienne n’est pas loin et les Bulgares se rappellent l’époque soviétique. De plus, un ami journaliste était à Odessa quand l’invasion a commencé et il a dû rentrer en catastrophe. Il m’a montré des images fortes et raconté des histoires impressionnantes.

 

soutien à l'Ukraine en Bulgarie
En Bulgarie

 

Sur la côte j’ai rencontré de nombreux réfugiés au passé récent touchant (un père et sa fille dont la mère était morte sous les bombardements : je leur parle et leur trouve une voiture qui les déposera là où ils devaient se rendre).

Ému par tout cela, j’ai organisé un festival de charité à Burgas dans trois lieux différents. J’ai récolté quelques centaines d’euros et acheté des biens de première nécessité pour les femmes et les enfants, que j’ai livrés au centre de la croix rouge locale.

 

Quels projets avez-vous initiés autour de ce tour du monde ?

Plusieurs projets sont dans les tuyaux (livres sur mon histoire autour du voyage et de la bipolarité, journal de bord du périple).

Des projets de partage vidéo du tour du monde sont aussi en cours de préparation.

 

Comment vous suivre ?

> Instagram : juste.un.ptit.tour.du.monde

> Facebook : Solal Hohn

> Le bonbon : hors norme Solal tour du monde à pied

> Radios : Funradio et Nova, tous les deux trois mois, je l'annonce sur mes réseaux

> À lire : Tribune dans Le Monde (30 mars 2022) : "Bipolarité : 'La pair-aidance n’a pas connu la reconnaissance et la légitimité nécessaires à son éclosion'" 

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