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"L’information est un élément clé pour lutter contre les violences conjugales"

Belgin Ozdilmen Florence Ogutgen Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes / IstanbulBelgin Ozdilmen Florence Ogutgen Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes / Istanbul
Belgin Özdilmen et Florence Öğütgen devant l'Institut français de Turquie à Istanbul, le 25 novembre 2022
Écrit par Albane Akyüz
Publié le 27 novembre 2022, mis à jour le 13 janvier 2024

Le vendredi 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, Belgin Özdilmen Gürhan et Florence Öğütgen, les deux marraines en Turquie du collectif français "Mots et Maux de femmes", ont dévoilé les photographies exposées sur la façade de l’Institut français à Istanbul, pour "prévenir, informer et sensibiliser sur les violences faites aux femmes." Rencontre.

L’objectif est de MOBILISER en faveur des femmes victimes de violence, en mettant en lumière deux thématiques : l’emprise et le cycle de la violence

Lepetitjournal.com Istanbul : Quelles sont les activités du collectif français "Mots et Maux de femmes" ? Sous quelle forme se manifeste-t-il en Turquie ? 

Belgin Özdilmen Gürhan et Florence Öğütgen : "Mots et Maux de femmes" est un projet en faveur de l’élimination de la violence faite aux femmes, soutenu par plus de 750 célébrités et personnalités engagées, placé sous le haut patronage du président de la République Emmanuel Macron, de la Première ministre Elisabeth Borne et de 16 ministres et secrétaire d’État. Il s’agit en fait de "3 projets en 1", à savoir une expographie sur les thématiques de l’emprise et du cycle de la violence, une exposition itinérante et numérique partout en France métropolitaine et en Outre-Mer et auprès de nos représentations françaises à l’étranger, et enfin, une exposition pédagogique partout en France à destination des élèves du primaire au lycée, afin de les sensibiliser aux violences conjugales, notamment sur le phénomène d’emprise. Ce projet a débuté le 25 novembre 2021 et se poursuivra jusqu’au 10 décembre 2023.

En Turquie, c’est avec le soutien de Monsieur le Consul général Olivier Gauvin, et grâce à l’accueil chaleureux de l’Institut français d’Istanbul que les photographies sont visibles sur les grilles de celui-ci ; l’intégralité de l’exposition sera projetée sur un écran dans la salle d’exposition jusqu’au 24 décembre.

L’objectif est de MOBILISER en faveur des femmes victimes de violence, en mettant en lumière deux thématiques : l’emprise et le cycle de la violence, cela grâce à des expositions photographiques.

Malheureusement, les violences à l’encontre des femmes restent les violations des droits humains les plus répandues dans le monde. En France en 2021, 122 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, 251 tentatives d’homicides au sein du couple ont été recensées. Chaque année, en France, plus de 200 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles, 1 étudiante sur 20 a été victime de viol, 1 étudiante sur 10 a été victime d’agression sexuelle. En Turquie en 2021, 280 femmes ont été tuées, et 217 femmes sont mortes de manière "suspecte" !

L’arsenal juridique existant ne peut être efficace que si les juges, procureurs et policiers s’en emparent pleinement

Pensez-vous que l'arsenal législatif pour lutter contre les violences à l'égard des femmes soit suffisant en Turquie ?

Belgin Özdilmen Gürhan : Les violences faites aux femmes ne sont pas uniquement physiques ; elles peuvent être également verbales, psychologiques, sexuelles, économiques, administratives, il peut s’agir de cyber-violences et/ou harcèlement après séparation. Toutes ces formes de violences sont des violences conjugales interdites et punies par la loi. Certes, la Turquie a fait l’objet de nombreuses critiques en raison de son retrait en juillet 2021 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique connue sous le nom de "Convention d’Istanbul". Toutefois, il existe de nombreuses mesures législatives en faveur des femmes victimes de violence. Ici, c’est sous ma casquette d’avocate que je parlerai. Parmi les mesures de protection, l’éloignement du domicile conjugal -l’équivalent de l’ordonnance de protection en France, qui peut interdire au conjoint violent d’approcher un lieu ou une personne- peut, en cas d’urgence, être immédiatement décidé à l’encontre de l’auteur de violences conjugales. En cas de non-respect de cette décision, l'auteur peut être condamné de 3 à 10 jours d’emprisonnement, et en cas de récidive de 15 à 30 jours d’emprisonnement. Les délits et crimes commis à l’encontre des femmes sont également punis de peines plus lourdes. Nous disposons de lois dont la mise en œuvre est plus que nécessaire. Par conséquent, l’arsenal juridique existant ne peut être efficace que si les juges, procureurs et policiers s’en emparent pleinement. D’ailleurs la Convention d’Istanbul établit un mécanisme de suivi spécifique afin d’assurer, entre autres, la mise en œuvre de ce type de mesures.

Les femmes françaises peuvent se tourner vers la plateforme SAVE YOU

Quelles sont les plateformes vers lesquelles les femmes françaises en Turquie victimes de violence peuvent se tourner ? 

Belgin Özdilmen Gürhan : Tout d’abord, les femmes disposent de diverses plateformes au niveau local. Ainsi, il existe de nombreuses associations en Turquie ayant pour objet de protéger les femmes victimes de violences. Par exemple, celles-ci peuvent se rapprocher de Mor Çatı, où j’ai moi-même été bénévole pendant un moment. Cette association est présente dans toute la Turquie et s’appuie sur un large réseau de bénévoles, de psychologues, médecins et avocats. Les mairies ainsi que les barreaux de chaque ville ont également des centres de conseil pour femmes ("Kadın Danışma Merkezleri"). Il y a aussi les lignes d’aide téléphonique, comme le numéro d’urgence pour les victimes de violence qui est le 155, ou à Istanbul, celle de la mairie dédiée aux violences ("kadın destek hattı"), à savoir le 444 80 86.

Enfin et surtout, en Turquie nous disposons de l’application KADES, application officielle mise en place par la direction générale de la sécurité ("Emniyet Genel Müdürlüğü") ; les femmes en danger peuvent, en cas d’urgence, lancer un appel au secours grâce à une seule touche. Un signal est directement émis à la police et, grâce à la géo localisation, l’équipe de police à proximité est dépêchée. En 4 ans, plus de 3,5 millions de femmes auraient téléchargé cette application.

En plus de ces plateformes qui existent au niveau local, les femmes françaises peuvent se tourner vers la plateforme SAVE YOU, qui a vu le jour le 12 octobre 2022. Celle-ci a été fondée par The Sorority Foundation, Cœurs de Guerrière, France Victimes, Mots et Maux de Femmes, et l’Alliance Solidaire des Français de l’étranger (ASFE), dont je suis la représentante en Turquie. Il s’agit d’"une plateforme dédiée aux femmes françaises établies hors de France victimes de violences conjugales et intra-familiales". La personne victime de violences peut appeler le numéro gratuit à l’international qui est le +33 1 88 61 51 51, lancer une discussion WhatsApp avec le +33 7 61 01 70 01, ou écrire à saveyou@jointhesorority.com. Un article sur cette plateforme est d’ailleurs paru récemment dans l’édition internationale du petitjournal.com, que je vous invite à lire.

C’est surtout un travail sur l’évolution des mentalités qui est fondamental

Pensez-vous que ces plateformes soient suffisantes ?

Belgin Özdilmen Gürhan et Florence Öğütgen : Ces plateformes ne seront jamais suffisantes tant qu’il n’y aura pas une réelle prise de conscience collective. C’est surtout un travail sur l’évolution des mentalités imposant l’autorité masculine à la famille qui est fondamental. Cela ne peut se faire que grâce à des campagnes massives de lutte contre les violences conjugales mettant également l’accent sur l’égalité homme-femme.

Un autre dispositif essentiel est la prise en charge de l’auteur de violences conjugales. En effet, un suivi psychologique du conjoint violent lui permet d’avoir une réflexion sur ce qu’il commet ainsi que de prendre conscience de ses actes. C’est grâce à cette prise en charge aussi qu’il sera possible de mettre un terme à la transmission de la violence. N’oublions pas que la violence se transmet des parents aux enfants !

Nous restons à l’entière disposition des femmes françaises. Toutes les deux, nous sommes toujours joignables

Vous êtes également, toutes les deux, conseillères des Français de l’étranger. Quel message souhaiteriez-vous porter aux ressortissantes françaises en Turquie ?

Belgin Özdilmen Gürhan et Florence Öğütgen : Tout d'abord, l’information est un élément clé pour lutter contre les violences conjugales. C’est grâce à vous, aux médias, à nous, aux représentations françaises à l’étranger, que les femmes françaises expatriées peuvent être mises au courant de l’existence de ces dispositifs. Nous devons communiquer davantage sur l’existence de ces moyens et, de façon plus générale, sur les violences conjugales et intra-familiales, afin de pouvoir éradiquer ce fléau.

De notre côté, en tant que conseillères des Français de l’étranger, nous restons à l’entière disposition des femmes françaises. Toutes les deux, nous sommes toujours joignables. Par ailleurs, nous tenons à rappeler que le service des affaires sociales du consulat général de France à Istanbul, ainsi que celui de l'ambassade à Ankara, sont aussi là pour aider et soutenir les femmes victimes de violence.

> Contacts : 

belginozdilmen@hotmail.com

florence.ogutgen@gmail.com 

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