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L'EXPAT DE LA SEMAINE - Victor Philip, le bourlingueur

Victor Philip expatrié IstanbulVictor Philip expatrié Istanbul
Victor avec sa famille. Manque la petite dernière née à la mi-mars.
Écrit par Edouard Roux
Publié le 3 avril 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

Rencontre avec le fondateur de l'Atelier du français, qui a commencé sa vie d'expatrié en vendant des pâtisseries dans la rue. 

 

Le rendez-vous avait été fixé pour 16h à l'Atelier du français, dans le quartier de Galata. Au deuxième étage d’un immeuble ancien et décousu, la porte d’entrée arbore fièrement sur la poitrine "Frappez pour apprendre le français". Je frappe trois fois. Une jeune femme, Selin, m’ouvre et me dirige vers le bureau de Victor Philip, le directeur. Il est occupé avec un homme, cheveux grisonnants. « Attendez-moi dans la salle de classe, je m’occupe d’un nouveau client, j’arrive tout de suite ! » crie-t-il. Les deux hommes parlent en turc, rient et se serrent chaleureusement la main à la fin de leur échange.

La salle de classe comporte une petite dizaine de chaises bien rangées derrière une grande table formant un « U » autour du professeur potentiel. Il arrive dans ma direction. « Désolé, je viens d’inscrire ce Monsieur dans un cours. Il a 65 ans. Je m’assieds en face, ça vous va ? Je ne vous cache pas que je suis un peu stressé… Appelez-moi Victor ». Il me serre un verre de çay et se roule une cigarette. Il est fin prêt.

La galère

Victor explique qu’il a fait des études de sociologie à Bordeaux. C’est dans cette ville qu’il rencontrera sa femme. Après maintes discussions et un enfant en route, il décide de quitter la France pour la Turquie.
L’arrivée à l’aéroport se fait en fanfare. « On arrive en Turquie et on s’engueule sur le tarmac. Elle allume une cigarette à côté du stock de Kérosène en bas de l’avion et je me mets à paniquer. Premier réflexe européen. » Ils ont alors rendez-vous chez sa belle-mère à Gebze, à 40 km d’Istanbul. Victor raconte qu’il panique à la vue des quartiers, infiniment plus pauvres et rustiques que ceux de France.  Et puis, l’entraide, les acomptes à la fin du mois, la chaleur humaine, les chats, les chiens errants, les enfants qui jouent et crient. C’est le choc culturel. « J’ai complètement accepté la culture Turque. Ce sont de grands sensibles. Très touchants. »

Il enchaîne les petits boulots. Menuiserie, vendeur de Tulumba – des pâtisseries locales ressemblant aux churros - dans la rue, ouvrier sur les chantiers à 30 TL la journée… C’est la galère ! Victor raconte. « On a commencé à vendre des chemises sur les marchés. Ça nous a rapporté quelques sous et on est partis pour Istanbul. Là-bas j’ai trouvé un poste de professeur de français. Le premier cours était catastrophique. Les trois quarts des élèves sont partis à la pause. » 
Il continue de chercher. « Un jour, je frappe à la porte de l’Institut français et je tombe sur un type à qui je dois tout, Frederic. Il me dit de commencer le lendemain. Comme ça… C’était fou. », explique-t-il d’une voix nostalgique.  
Un matin, sa vie bascule. « Je m’embêtais en salle des profs et je me suis dit : 'Pourquoi ne pas créer mon école ?' »

Un second atelier l'an prochain

C'est ainsi qu'en avril 2014, il inaugure l'Atelier du français. « J’y ai mis toutes mes économies et bossé comme un malade. L’argent que je gagnais je le réinvestissais sans cesse. J’ai créé 1 500 cours, pour tous les âges. »  
Depuis l’ouverture, Victor continue de travailler d’arrache-pied pour faire vivre son entreprise. « On vient de lancer les cours en ligne et on prévoit d'ouvrir un second Atelier sur la rive asiatique. L’an prochain sûrement. » 

Malgré sa réussite, le directeur de l’atelier souffle en fin d’interview. « J’aimerais être plus soutenu par la francophonie par contre, c’est mon seul regret...» 
À peine a-t-il le temps de finir sa phrase que ses élèves débarquent tout sourire, se précipitant pour lui serrer la main avant de s’agglutiner derrière la machine de çay. Voyant son visage s’illuminer, il semble que le retour en France ne soit pas pour sitôt…

 

L'Atelier du français, camekan sokak no 10, Galata, Istanbul.

Contact : +90 553 227 65 18, franceistanbul@gmail.com

 

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Publié le 2 avril 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

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