La photographe Laurence von der Weid est suisse et vit à Paris. Sa série Passagers, réalisée à Istanbul, a été récemment exposée dans la capitale française. Dans Passagers, elle présente des passagers de bus à travers les vitres des véhicules. Pour lepetitjournal.com d'Istanbul, elle s'est confiée sur sa démarche, son travail et bien sûr Istanbul.
Lepetitjournal.com d'Istanbul : Quelle est votre "identité" de photographe ?
Laurence von der Weid (photo personnelle): Mon travail photographique s'inscrit dans une démarche documentaire. Je travaille d'une façon assez intuitive. Lorsqu'un univers m'interpelle, je cherche à y entrer afin de progressivement créer un lien avec les personnes qui y vivent. Je me rends dans ces lieux sans attente précise. J'observe, je m'imprègne et au fil du temps, se révèle le fil conducteur qui va me guider dans mon travail. J'ai ainsi passé plusieurs semaines dans un monastère isolé dans les montagnes suisses pour suivre le quotidien de religieuses. J'ai été bénévole dans une maison de retraite luxueuse, ce qui m'a permis d'être en contact régulier avec les résidents et d'avoir ensuite l'idée de les photographier alors qu'ils réécoutaient un morceau de musique qu'ils affectionnent particulièrement et qu'ils n'avaient longtemps plus entendu. À chaque fois, j'ai essayé de créer une série qui traduise les émotions que je pouvais ressentir dans ces lieux, au contact de ces personnes.
Quand êtes-vous venue à Istanbul pour la première fois, et qu'y avez-vous ressenti ? Pouvez-vous présenter le travail Passagers ?
C'était en 2010. Je venais de quitter mon travail pour débuter mon activité de photographe. Ce voyage me permettait de marquer une pause dans ma transition, de prendre un peu de recul et des forces.
C'est difficile pour moi de mettre des mots sur mon ressenti. Je m'en souviens bien parce qu'il était très fort. Evidemment j'ai été marquée par la beauté et la mélancolie de la ville mais j'ai aussi été frappée par l'intensité qui se dégageait de certains visages que je croisais. Elle se révélait d'autant mieux derrière les vitres de bus qui isolaient ces visages et leur offraient un cadre. C'est ce qui m'a donné envie de réaliser cette série.
Quels sentiments et émotions souhaitez-vous faire passer à travers cette série ?
Ce projet sort un peu de ma démarche habituelle puisque je n'ai pas créé un lien avec mes sujets. J'ai néanmoins essayé d'accéder à une certaine forme d'intimité.
Photo Laurence von der Weid
Derrière la vitre du bus, à l ?abris du tumulte, les masques semblent tomber. On est marqué par la mélancolie des visages, on se met à imaginer la vie de ces personnes, leur destination. J'ai essayé de proposer des images ouvertes qui nous laissent libre d'interpréter le hors-champs.
Où avez-vous exposé ce travail ? Pensez-vous que les réactions seront les mêmes pour un public turc et un public non turc ?
Je viens d'exposer cette série à Paris, à l'Espace Beaurepaire, dans le cadre d'une exposition collective. Et j'aimerais beaucoup présenter ces images à Istanbul. Il me semble que le sujet est universel et qu'il y a peu de signes de reconnaissance quant au lieu où ces images ont été prises. Mais il est vrai qu'à Paris, lorsque je précisais aux spectateurs que ces images avaient été prises à Istanbul, je voyais leurs regards s'illuminer comme si je venais d'ouvrir une porte supplémentaire à leur imaginaire. Je serais curieuse de voir les réactions du public turc.
Photo Laurence von der Weid
Aimeriez-vous réaliser un nouveau sujet à Istanbul, ou en Turquie ?
Oui, je pense revenir régulièrement dans cette ville que j'affectionne tout particulièrement. Et peut-être que durant mon prochain voyage, un nouveau sujet se révélera.
Propos recueillis par Amélie Boccon-Gibod (www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 2 juillet 2014
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