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PRINTEMPS NUMÉRIQUE - "La tablette va devenir essentielle en classe"

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"C'est un dispositif innovant, qui sera très démocratisé d’ici une dizaine d’années."
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 20 février 2018, mis à jour le 20 février 2018

Le lycée Saint-Benoit d’Istanbul organise la 4ème édition de son Printemps numérique international ce week-end. Au programme : aider les enseignants à utiliser les outils numériques dans les classes d’école et développer des méthodes d’apprentissage innovantes. Parmi les invités, François Granier, directeur du réseau Canopé dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, animera  diverses formations et ateliers. 

Lepetitjournal.com d’Istanbul : Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qu'est le réseau Canopé ? 

François Granier : Canopé (Réseau de création et d'accompagnement pédagogiques), anciennement CNDP-CRDP, est un éditeur de ressources pédagogiques, dépendant du ministère de l'Éducation nationale français. On insiste notamment sur le développement du numérique éducatif et l’on s’adresse à l’ensemble du spectre du monde éducatif tels que les collectivités, les musées, les médiathèques, instituts français et notre coeur de cible, les enseignants. Notre but est de les accompagner à developper une pédagogie innovante, tout en s’intéressant au numérique. 

Durant le Printemps numérique, vous animerez un atelier sur la conception d’une application mobile lors d’un hackathon pédagogique. Qu’est-ce qu’un "hackathon" pédagogique ?

C’est une contraction du verbe "to hack" (pirater en anglais) et de marathon. Dans un temps imparti, les participants doivent développer en groupe un projet informatique, en général un logiciel ou une application. Nous organisons des sessions avec les élèves, durant une journée, durant laquelle ils peuvent par exemple créer une application pour les portes ouvertes de leur lycée. Ce week-end, durant le Printemps numérique, nous allons donner les clés en main aux enseignants pour organiser un hackathon avec leurs élèves.

Le numérique a l’ambition de mettre en place une "pédagogie inversée", qu’est-ce que cela signifie ?  

C’est tout l’inverse d’un cours magistral et c’est exactement ce à quoi on assiste durant un hackathon. On accompagne les élèves, sans les surveiller. Ils deviennent les acteurs principaux de la classe. Ces derniers repensent complètement l’espace classe et temps. C’est très pertinent. Cela aboutit souvent à des créations interessantes et les élèves font preuve d’une grande motivation. En fait, ce sont parfois les enseignants qui ont du mal à accepter que le cadre s’ouvre ainsi et que leur autorité s’exprime moins… 

En quoi le numérique peut-il être un facteur de motivation pour les élèves ?

J’ai été professeur de lettres, parfois dans des classes de 40 élèves. Au mieux, j’en entendais la moitié participer, sans compter les bavardages… (rires) C’est compliqué d’évaluer la production orale dans ces conditions. L’avantage de la tablette, c’est que chacun peut s’enregistrer dans son coin, y compris les plus timides. C’est ensuite très facile de récupérer les fichiers. Ce sont des dispositifs innovants, qui seront des outils très démocratisés d’ici une dizaine d’années. 

On a parfois l’impression que le numérique est présenté comme un outil révolutionnaire capable de réduire tous les maux de l’école, de réconcilier les élèves avec l’apprentissage… Est-ce vraiment le cas ? Quels sont les résultats ?

Le numérique est un outil très pertinent s’il est bien exploité. Ça ne remplacera jamais un enseignant. Je suis formateur numérique depuis longtemps mais je ne peux pas arriver en formation et annoncer que j’ai un outil numérique magique en main. Par contre, il peut apporter une plus-value pédagogique intéressante. Ça ne peut pas résoudre tous les maux de l’école mais ça peut contribuer à résoudre des problèmes importants, dans les milieux ruraux ou défavorisés notamment. Le numérique est un vecteur, non la solution. Je crois beaucoup plus en des dispositifs qui vont associer le numérique à des démarches pédagogiques innovantes, comme le hackathon. C’est aux acteurs de l’éducation de réfléchir à de nouvelles méthodes d’apprentissage, et nous évoquerons cela durant le Printemps numérique. 

Si on laisse une tablette dans une classe où le professeur n’est pas formé à son utilisation, il y a 95% de chances que l’enseignant l’utilise pour caler un meuble… Il ne va pas l’exploiter réellement. Or une tablette est mobile, elle permet de casser l’espace de la classe traditionnelle, elle donne accès à des médias comme la photo, la vidéo, le son… Un élève peut lui-même créer ses propres médias et produire des textes grâce à une tablette. Elle peut être intéressante notamment lors d’une sortie scolaire. Imaginez une balade à travers Istanbul, durant laquelle les élèves doivent prendre des notes, repérer et décrire certains éléments… Il n’y a pas de risques que les élèves oublient leur stylo ou perdent leur calepin! Et tout est stocké dans la tablette. Le numérique aide à la scénarisation pédagogique. 

Quels outils et clés en main devrait posséder, selon vous, le "professeur idéal du 21ème siècle" ? 

J’étais professeur de lettres. Dans cette matière, le numérique est très peu exploité car la discipline ne s’y prête pas nécessairement. Donc je pourrais répondre que la pédagogie peut très bien se passer de numérique. Mais en même temps, je ne vois pas comment on pourrait échapper à l’usage du traitement de texte ou du codage, qui est d’ailleurs entré dans les programmes éducatifs français du cycle 3, pour les élèves de cm1, cm2 et 6ème. Je pense que les enseignants de la nouvelle génération ne pourront pas échapper à maîtriser les réseaux sociaux et à posséder des connaissances numériques minimales. L’utilisation de la tablette en classe va aussi devenir essentielle. 

Vous avez travaillé au lycée Tevfik Fikret, à Ankara. Les Turcs sont très connectés dans la vie de tous les jours, est-ce que cela se ressent dans la volonté des enseignants de se tourner davantage vers le numérique ?

Les professeurs que je rencontre en Turquie exercent surtout dans les grandes villes et sont de fait, plus connectés que dans les zones rurales. En France, je rencontre à l’inverse davantage de professeurs ruraux qui n’ont pas les mêmes moyens et appétences pour le numérique que les urbains. C’est donc difficile de comparer. Mais ce qui est sûr, c’est que les enseignants de Turquie sont très engagés et cherchent à se tourner vers de nouvelles méthodes, avec la volonté d’utiliser les outils numériques. La Turquie est très dynamique dans ce domaine. 

Le lycée Tevfik Fikret d’Ankara a instauré un quart d’heure obligatoire de lecture par jour, après le repas. Pensez-vous que c’est un exemple à suivre ? 

Oui, ça prouve que le numérique et le papier ne sont pas incompatibles et même nécessaires. Personnellement, j’espère que mes enfant apprendront à coder et à developper des applications comme ils apprendront une langue vivante à part entière. Mais de la même façon, j’espère qu’ils seront de grands lecteurs comme l’est leur papa et qu’ils apprécieront lire Alexandre Dumas ou Orhan Pamuk. Dans une dizaine d’années, les postes de développeurs créatifs seront très recherchés, donc l’aspect littéraire, imaginaire et artistique seront absolument liés à l’aspect très technique du numérique. C’est ce qui composera les métiers de demain… 

Propos recueillis par Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 21 février 2018

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