

Tigre anatolien, c'est ainsi qu'on appelle les hommes d'affaires et les entrepreneurs du centre de la Turquie, par opposition aux dirigeants de conglomérats stambouliotes. Nous avons rencontré l'un d'eux, Mehmet Erbak, patron de ULUDAG Beverage, société familiale reposant sur ses capitaux propres qui devrait compter parmi les 100 premières du classement 2010 des sociétés anatoliennes.
Interview réalisée dans le cadre d'une collaboration www.lepetitjournal.com Istanbul / Chambre de Commerce Française en Turquie née en octobre 2009. Tous les mois, un résumé de l'actualité et un portrait d'entreprise sont publiés dans les deux supports que sont www.lepetitjournal.com et la Lettre mensuelle de la CCFT, "Les Nouvelles de la Chambre".
Lepetitjournal.com Istanbul : Pouvez-vous nous raconter l'historique de la société ULUDAG ?
Mehmet Erbak : Uludag, ceux sont deux grandes histoires qui se croisent en 1930, celle de la société des eaux minérales Kesis Dagi, existant depuis l'époque du sultan Abdulamit II, et dont le nom devient Uldudag en 1926 ; et celle de ma famille, bursalienne depuis plus de trois siècles, dont le patronyme, "Yagcizade*" prouve l'attachement séculaire à l'agro-alimentaire. En 1930, mon grand-père Mehmet Hakki décide de se lancer dans la fabrication de boissons gazeuses qu'il va intituler Nilüfer, du nom de la rivière qui alimente la ville de Bursa. En 1931, mon père Nuri trouve la formule légendaire de Uludag Gazöz, sorte de limonade dont le terme vient du français "gazeuse" , d'ailleurs désormais considérée comme une appellation contrôlée.
La même année, mon grand-père rencontre Sitki Bey, le patron de la société des eaux minérales Uludag qui lui confie l'exploitation totale de la source. Nous sommes alors dans les débuts de la République Turque, Atatürk autorise Sitki Bey à utiliser le mot "Türk" dans le nom de notre entreprise, qui devient ainsi l'une des plus anciennes sociétés enregistrées à Bursa. En 1946, mon père rachète la part du partenaire italien au nom de ma mère. En 1957, le propriétaire Sitki Bey décède sans héritier et laisse ses 50 % à notre famille, qui devient ainsi propriétaire à 100%.
C'est une histoire de famille?, et vous, quand avez-vous commencé à travailler dans la société ?
Dès l'âge de 14 ans, je passais mes étés à travailler dans les cuves de la fabrique et j'y ai appris à mélanger l'eau et le sucre, on peut dire que je suis "tombé dans la potion dès mon plus jeune âge, comme Obélix !" . Ancien élève du Lycée Saint-Joseph d'Istanbul grâce à ma mère, je pars en France étudier dans un IUT d'agro-alimentaire à Nancy sur les conseils de mon père, et je fais mon stage à Vittel en 1971. En 1975, je convaincs mon père de créer un laboratoire de microbiologie, qui était le premier en Turquie dans l'industrie des boissons.
Dans les années 70, nous n'avions pas les conditions en Turquie pour produire en quantité : manque de sucre, nombreuses coupures d'électricité? Avide de développer l'affaire, mon père, qui avait donné l'impulsion en 1966 en créant la première machine à embouteiller les boissons, me laisse partir en Hollande en 1976 pour produire sur place et approvisionner le marché allemand, où vit déjà une grande communauté turque. En 1978, nous avons lancé la première bouteille de 1 litre avec la capsule à vis qui connaît vite un grand succès. En 1980, je rencontre également un entrepreneur légendaire, Ozlemir Sabanci grâce à qui nous accélérons le développement de la société : premier usage mondial de la bouteille en PET en 1981 pour les eaux minérales plates et gazeuses, lancement des premiers produits light en 1984 !
Votre société est très innovante, pouvez-vous nous parler également de votre politique de qualité ?
Nous avons la chance en Turquie, "Château d'eau du Moyen-Orient" de bénéficier de montagnes très préservées. C'est d'une de ces plus hautes montagnes, à 2.543 m d'altitude ( Uludag signifiant la grande montagne ), que provient l'une des meilleures eaux minérales naturellement gazeuses d'Europe. L'eau, c'est la vie ! C'est un produit noble qu'il faut respecter et nous ne proposons jamais un produit que l'on n'offrirait pas à nos enfants? Ainsi, nous utilisons exclusivement du saccharose, sucre naturel issu de la betterave, deux fois plus cher que le sirop de maïs, dont les méfaits sont largement connus? C'est ce qu'on appelle être socialement responsable !
Nous sommes donc très exigeants en termes de qualité. Après avoir goûté nous-mêmes nos nouveaux produits, nous réalisons de grands tests aveugles : pour la Limonata, un de nos produits phares , qui a le même goût que la limonata** faite maison, nous avons ainsi réalisé près de 3.000 essais ! Nous nous positionnons donc sur un créneau de qualité optimale et c'est nous qui définissons la politique de prix du marché. Même si nous sommes les plus chers, nous sommes d'ailleurs leaders du marché pour la Limonata !
Quel est votre rayonnement à l'international ?
Avec le développement de la communauté turque à l'étranger ( près de 10 millions de Turcs vivent à l'étranger ) et celui de la cuisine turque, le kebab détrône même le hamburger en Allemagne?, l'eau et les boissons Uludag deviennent la boisson turque de référence dans plus de 40 pays. Imaginiez-vous que l'Australie est un de nos plus gros marchés ?
Nous avons aussi acheté cette année deux nouvelles sources à Uludag pour augmenter encore notre capacité de production mais surtout le débit d'eau et ainsi notre productivité. Ceux ne sont pas les projets qui manquent !
* yagcizade : spécialiste des produits à base de beurre et huile.
** limonata : boisson typiquement turque,sorte de citronnade.
Si vous voulez lire notre précédent RDV DE L'ECO avec Air Liquide, cliquez ici.
Propos recueillis par Marie-Eve Richet ( www.lepetitjournal.com ). Jeudi 24 février 2011.











































