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Le chef de la banque centrale turque démis de ses fonctions

Murat Çetinkaya banque centrale turque turquie europeenne Murat Çetinkaya banque centrale turque turquie europeenne
Écrit par Charlotte Meyer
Publié le 8 juillet 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

Le président de la banque centrale turque, Murat Çetinkaya, a été démis de ses fonctions et remplacé par son adjoint par un décret présidentiel du 6 juillet. Les désaccords économiques entre le gouvernement et la banque centrale seraient la cause de ce limogeage.

Depuis plusieurs semaines, les rumeurs couraient sur les dissensions entre Murat Çetinkaya et le président Erdogan. Au cœur du débat : la politique des taux d’intérêts. Contre l’avis du gouvernement, la banque centrale avait augmenté le taux d’intérêt de référence de 11.25 points de pourcentage l’an dernier. Face à l’inflation de plus en plus alarmante, elle l’avait portée à 24%, un taux toujours d’actualité. Erdogan avait reproché à plusieurs reprises cette volonté de maintenir les taux élevés. Alors que la Banque cherchait à juguler l’inflation et redorer l’image de la livre turque, qui a perdu près d’un tiers de sa valeur face au dollar en 2018, le gouvernement tenait à relancer la machine économique grâce à la consommation des ménages turcs. Récemment, Erdogan aurait même déclaré que les taux élevés étaient « la mère et le père de tous les maux ».  Selon un haut responsable gouvernemental qui s’est entretenu avec Reuters sous couvert de l’anonymat : « Le président Erdoğan était mécontent du taux d'intérêt et a exprimé son mécontentement à chaque occasion. La décision prise en juin par la banque de maintenir les taux constants s'ajoute au problème de Çetinkaya. Erdoğan reste déterminé à améliorer l'économie, et pour cela, il a pris la décision de supprimer Çetinkaya. »

L’indépendance de la banque centrale en question

Si aucune raison officielle n’a été annoncée dans le décret, il semblerait que les dissensions économiques soient la cause de ce limogeage. Cette décision présidentielle pourrait remettre en cause l’indépendance de la banque. Faik Öztrak le porte-parole du principal parti d'opposition, a critiqué cette décision. Il a précisé : « Ceux qui ont retiré le gouverneur de la banque centrale du jour au lendemain ont perdu le droit d'exiger la confiance dans l'économie du pays. La banque centrale est un prisonnier gardé dans le palais. »

Un banquier de haut rang basé à Istanbul, toujours sous couvert d’anonymat, a déclaré : « La destitution du gouverneur crée des doutes quant à la sécurité d’emploi du banquier en chef et à l’indépendance de la banque. Nous surveillerons de près la banque dans les mois à venir. »  Alors que le gouverneur de la banque centrale était auparavant désigné par le conseil des ministres, l’entrée en vigueur d’un régime présidentiel fort en 2018 a déplacé ce pouvoir entre les mains du chef de l’Etat. De son côté, le nouveau gouverneur de la banque centrale, Murat Uysal, s’est engagé « à continuer d’appliquer de façon indépendante les instruments de politique monétaire ». Dans un communiqué, la banque a annoncé qu’elle poursuivra ses activités de manière indépendante et que le nouveau gouverneur ferait du maintien de la stabilité des prix son objectif principal. Uysal tiendra une conférence de presse dans les prochains jours.

Endettées en dollars

La source de ces désaccords reste évidemment la situation économique du pays. L’économie turque est dans une passe difficile depuis plusieurs années. L’inflation annuelle a atteint son plus haut niveau en 15 ans en octobre dernier, dépassant les 25%. Les entreprises turques se sont endettées en dollars ces dernières années. La plupart ne peuvent plus rembourser leurs créanciers et demandent la restructuration de leurs dettes. La flambée de l’inflation et les taux d’intérêt ont lourdement pesé sur la production. Les dernières données, annoncées la semaine dernière, ont montré que l’inflation de la consommation en Turquie a ralenti à son plus bas niveau de l’année en juin, principalement en raison d’un fort effet de base par rapport à l’année précédente et d’une chute des prix des denrées alimentaires. Ces chiffrent ouvrent potentiellement la voie à la première réduction des taux d’intérêt depuis la crise monétaire de l’année dernière.

Publié le 8 juillet 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

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