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JUSTE POUR RIRE? - Nasreddin Hoca, un philosophe sachant blaguer

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 6 avril 2016, mis à jour le 5 janvier 2024

lepetitjournal.com d'Istanbul a décidé de laisser de côté les poissons d'avril pour fêter la blague alaturka, en s'intéressant à un humoriste bien connu en Turquie : Nasreddin Hoca. Les aventures de ce personnage central du folklore anatolien du 13ème siècle n'ont pas pris une ride et continuent de faire rire (et réfléchir) bien au-delà de l'Anatolie. Petite sélection de ses aventures les plus comiques.

Les origines de Nasreddin Hoca sont controversées. Selon Nebi Özdem??r, auteur d'un livre sur le célèbre personnage, toutes s'accordent cependant sur sa naissance en 1208 à Sivrihisar, en Anatolie. Pourtant, la renommée de Nasreddin Hoca n'est pas restée cantonnée à la Turquie : elle s'étend dans tous les environs, des Balkans à la Chine. Il s'apelle Molla Nesreddin en Azerbaïdjan, Molla Nasreddîn en Iran, Nasreddin en Russie, Afanti en Chine... D'abord transmises oralement, ses histoires ont par la suite été transcrites ; selon Nebi Özdem??r, on en trouve les premières traces dans un livre écrit en 1571, qui compile 43 de ses aventures. 

Tantôt et imam, juge, médecin ou encore fermier, les aventures de Nasreddin Hoca sont toujours débordantes d'humour. Mais loin de n'être que de bonnes blagues, ses histoires ont toujours une morale et un sens. Elles dénoncent sous couvert d'humour l'arrogance, l'ignorance, l'avarice, ou invitent par l'absurde à voir le monde d'un autre point de vue. Ce site compile des dizaines d'histoires de Nasreddin Hoca, dont nous avons sélectionné nos préférées, que nous reproduisons ici.

 

Le manteau de Nasreddin

Un soir que Nasreddin revenait de son travail dans les champs avec des vêtements sales et crottés, il entendit chanter et rire et il comprit qu'il y avait une fête dans les environs. Or, chez nous, quand il y a une fête, tout le monde peut y participer. Nasreddin poussa donc la porte de la maison et sourit de bonheur, une bonne odeur de couscous se dégageait de la cuisine. Mais il ne put aller plus loin: il était tellement mal habillé qu'on le chassa sans ménagement. En colère, il courut jusqu'à sa maison, mit son plus beau manteau et revint à la fête. Cette fois, on l'accueillit, on l'installa confortablement et on posa devant lui à manger et à boire. Nasreddin prit alors du couscous, de la sauce et du vin, et commença à les verser sur son manteau. Et il disait :

? Mange, mon manteau! Bois, mon manteau !

L'homme assis à son côté lui dit :

? Que fais-tu, malheureux ? Es-tu devenu fou ?

? Non, l'ami, lui répondit Nasreddin. En vérité, moi je ne suis pas invité ; c'est mon manteau qui est invité.

 

La barbe du savant

Un savant qui voulais mettre à l'epreuve Nasreddin lui demanda en caressant fièrement sa longue barbe :

? Djeha-Hodja Nasreddin Effendi, j'ai une question très simple à te poser, combien de poils y a t-il dans ma barbe ?

? Oh ! C'est une question simple, répondit Djeha-Hodja Nasreddin. Il y a autant de poils dans ta barbe qu'il y a de poils dans la queue de mon âne.

? Comment en être aussi sûr ?

? Bien sûr, vous avez le droit de douter de mon propos, dit Djeha-Hodja Nasreddin. Dans ce cas, vous enlèverez un poil de la queue de mon âne pendant j'en enlèverai un de votre menton. S'il reste un seul poil sur la queue de l'âne après que votre barbe ne soit épilée ou si, dans sur votre menton, il reste un seul poil alors qu'il n'y en a plus sur la queue de mon âne, vous pourrez dire que vous plus sage que Djeha-Hodja Nasreddin.

 

L'omelette

Nasreddin, du temps qu'il était aubergiste à la campagne, voit arriver un jour une troupe brillante de chasseurs à cheval. C'était un grand seigneur et sa suite.

? Hola, aubergiste une collation ! Nous avons l'estomac vide.

Nasreddin leur prépare une omelette qu'ils mangent avec appétit.

? Combien te dois-je ? demande le seigneur au moment de repartir.

? Trente dinars, Excellence.

? Par Allah ! Trente dinars pour une omelette ! Les ?ufs sont donc bien rares par ici.

? Non, Excellence, ce ne sont pas les ?ufs qui sont rares par ici, ce sont les gens riches.

 

Le voyageur rusé et le mur

Un voyageur, de passage au village, demanda à un homme, adossé à un mur, s'il connaissait bien Djeha-Hodja Nasreddin ?

? Je voudrais le rencontrer, dit-il, car on prétend qu'il est rusé. Étant donné que je prétends être plus rusé, je voudrais me mesurer à lui.

L'homme lui répond :

? Peux-tu maintenir ce mur avec ton dos ? Ici, les hommes du village se relaient pour éviter qu'il ne tombe. Pendant ce temps, je vais aller chercher Djeha-Hodja Nasreddin et je reviens prendre ma place.

L'homme s'exécuta aussitôt. Au bout de quelques heures, des hommes du village qui se demandaient ce qu'il faisait, l'abordent. Il leur expliqua ce qui s'est passé. Ils lui répondirent :

? Pauvre idiot, tu as eu affaire à Djeha-Hodja Nasreddin lui-même!!!

 

Les notables

Tout l'après-midi, Nasrudin s'est promené en compagnie de deux notables de la ville, l'imam et le kadi, mais l'heure est venue de se séparer.

? Tu es vraiment un homme surprenant, remarque le religieux. Parfois on dirait que tu es un filou capable de voler et de duper n'importe qui, et puis, quelques instants après, on croirait avoir affaire à un imbécile.

? Allons, Nasrudin, sois franc pour une fois, continue le magistrat, dis-nous donc qui tu es en réalité : un escroc, un idiot ?

? Cela dépend, répond Nasrudin, mais ce que je peux vous dire tout de même, chers amis, c'est qu'en ce moment je suis juste entre les deux !

 

Naserddin et la rivière

(source : http://www.schaerbeek.be/news/nasreddin-hoca-celebre-par-lunesco-schaerbeek)

Nasreddin est assis sur la rive d'une rivière lorsque quelqu'un lui demande:

? Hey, comment je fais pour aller de l'autre côté de la rivière ?

Hoca lui crie alors :

? Tu es déjà de l'autre côté !

 

Une question de lumière

Un jour, un homme trouve Djeha-Hodja Nasreddin en pleine nuit, à quatre pattes, cherchant quelque chose dans le halo de lumière d'un lampadaire.

? As-tu égaré quelque chose ? lui demande-t-il.

? Oui, j'ai perdu mes clés, répond Djeha-Hodja Nasreddin.

? Et où les as-tu laissées tomber ?

? Là-bas, dit Djeha-Hodja Nasreddin, en désignant un porche obscur.

? Mais alors pourquoi les cherches-tu ici, alors que tu les as perdues ailleurs ? C'est stupide !

? Pas tant que ça !, répond Djeha-Hodja Nasreddin, je préfère les chercher là où il y a de la lumière !

 

La chute

Un jour, le voisin de Nasreddin Hodja se précipita chez lui en demandant quel était ce terrible bruit qu'il venait d'entendre.

- Ce n'est pas grave, dit Nasreddin, c'est juste ma femme qui a jeté ma tunique dans l'escalier.

- Et ça a fait un bruit pareil ?

- Oui... J'étais dedans.

 

La mort solitaire

Nasrudin se promène sur la route. Effrayé par un bruit, il se jette dans le fossé.

"Je suis mort de peur", pense-t-il au bout d'un moment.

Le froid, la faim commencent à le tenailler. Il rentre chez lui, annonce à sa femme la triste nouvelle et retourne dans son fossé.

Secouée de sanglots, l'épouse du Mulla va chercher du réconfort chez les voisins :

? Mon mari est mort ! Il gît dans un fossé...

? Comment le sais-tu ?

? Personne n'a découvert son corps, alors, le pauvre, il a dû venir me le dire lui-même.

 

Les figues

Nasreddin Hodja décide d'offrir à Tamerlan (chef des Huns) quelques figues de son jardin pour s'assurer ses bonnes grâces. Hodja ignore à quel point le Tartare a ces fruits en horreur.

A peine Nasreddin les lui a-t-il donné que Tamerlan en prend une bien mûre et la lui lance au visage.

? Allah est grand ! s'exclame Nasreddin sans broncher, quoiqu'il soit tout couvert du jus et de la chaire éclatée.

Agacé, Tamerlan en prend une autre et recommence.

? Grâces te soient rendues, Allah !

Et Nasreddin a l'air aussi content que si on lui annonçait une livraison de halva.

? Arrête, fils de chacal ! cria Tamerlan exaspéré. As-tu fini de rendre aussi stupidement grâce au ciel ? Tu ne vois pas dans quel état j'ai mis ta tête et ton turban ?

? Je comprends ta surprise, ô mon maître, mais quand je pense que j'ai failli t'apporter des melons !

 

Le lac et le seau

Nasreddin et un de ses amis sont assis un soir au bord du lac d'Aksehir. L'homme a déjà entendu le Hodja soutenir bon nombre de paradoxes et même d'inepties et il commence à en avoir assez :

? Enfin, Nasreddin, tu exagères! La réalité existe, tout de même.

? Certes, concède le Hodja, mais elle est très relative...

? Du tout, elle est absolue !

? Donne-moi un exemple d'une telle réalité, insiste Nasreddin.

? Eh bien, je ne sais pas... Tiens, tu ne vas quand même pas prétendre qu'on pourrait mettre toute l'eau de ce lac immense dans un seau !

? Eh bien, si, justement ! Cela dépend de la taille du seau.

 

Le joueur de luth

Quelqu'un demanda, un jour, à Djeha-Hodja Nasreddin s'il savait jouer du luth.

? Oui, répondit Djeha-Hodja Nasreddin.

On lui donna un luth et il commença à jouer : "Diiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiing..." Toujours la même note, avec la même corde, à plusieurs reprises. Après quelques minutes, les gens demandèrent à Djeha-Hodja Nasreddin de cesser de jouer.

? Djeha-Hodja Nasreddin, ce n'est pas une façon correcte de jouer du luth, vous jouez toujours la même note. Les joueurs de luth déplacent leurs doigts de haut en bas et vice-versa.

? Eh bien, répondit-il, je sais pourquoi ils vont en haut et en bas et essayent les différentes cordes".

? Pourquoi donc cela ?

? Parce qu'ils cherchent cette note que, moi, j'ai déjà trouvée.

 

Nasreddin le médecin

Nasreddin Hodja avait envie d'apprendre la médecine. Il alla voir le médecin le plus célèbre de sa ville et lui fit part de son désir :

? Tu tombes bien, lui dit le médecin, je vais visiter quelques malades; viens avec moi, tu pourras ainsi apprendre le métier sur le terrain.

Nasreddin accompagna le médecin chez le premier malade. Le médecin regarda à peine le patient et lui dit:

? Ton cas est très simple : ne mange plus autant de cerises, bois une tisane avant de dormir et demain tu seras guéri.

Nasreddin Hodja était plein d'admiration. Dans la rue, il ne tarit pas d'éloges :

? Ô ! maître, vous êtes vraiment un grand médecin! Comment, sans toucher le malade, avez-vous pu deviner de quoi il souffrait ?

? C'est très simple, lui répondit-il, j'ai regardé sous le lit et j'ai vu qu'il y avait un gros tas de noyaux de cerises. J'en ai déduit qu'il en avait trop mange.

Le Hodja se dit que la médecine était plutôt simple et qu'il pouvait l'exercer à son tour. Il se déclara médecin et, dès le lendemain, alla visiter son premier patient. Il entra, regarda sous le lit et ne vit que les vieilles babouches du malade :

? Ton cas est simple, lui dit,il, ne mange plus autant de babouches, bois une tisane avant de dormir et demain tu seras tout à fait guéri.

 

Se mordre l'oreille

Deux hommes sont venus consulter Djeha-Hodja Nasreddin quand il était magistrat. Le premier homme dit :

? Cet homme a mordu mon oreille - J'exige un dédommagement.

? Il s'est mordu lui-même, dit le second.

Nasreddin s'est retiré et a passé une heure à essayer de se mordre l'oreille. En vain, il n'a réussi qu'à se faire une bosse au front en tombant. ! De retour dans la salle du tribunal, Nasreddin prononça la sentence :

? Examinez l'homme dont l'oreille a été mordue. S'il a une bosse au front, il l'a fait lui-même et la plainte est écartée. Si son front n'est pas contusionné, c'est l'autre homme qui l'a fait et il doit payer une amende.

 

Le clou et la maison de Nasreddin

Ayant des besoins d'argent, Djeha-Hodja Nasreddin se décida à vendre sa maison. Mais il passa un accord avec l'acheteur, à qui il dit :

? Je te vends tout, sauf ce clou.

L'acheteur accepta. Le lendemain de la vente, Djeha-Hodja Nasreddin revient dans son ancienne maison et dit à l'acheteur :

? Je dois accrocher quelque chose à mon clou, et il y accroche un sarouel sale. L'acheteur n'est pas content mais il ne dit rien. Le jour d'après, Djeha-Hodja Nasreddin vint déposer une carcasse de mouton. Face aux protestations de l'acheteur, Djeha-Hodja Nasreddin répond :

? C'est mon clou. Je peux y mettre ce que je veux.

Et il en fut ainsi tous les jours. La maison était devenue une vraie puanteur. Excédé, l'acheteur dit à Djeha-Hodja Nasreddin :

? Il nous faut trouver une solution, je n'en peux plus.

Ce à quoi Djeha-Hodja Nasreddin répond :

? Si tu veux, je te rachète la maison à moitié prix.

Et c'est ainsi que Djeha-Hodja Nasreddin récupéra sa maison.

 

Julie Desbiolles (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 7 avril 2016

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Publié le 6 avril 2016, mis à jour le 5 janvier 2024

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