Emotion et colère en Turquie après la diffusion, vendredi, d’une vidéo d'une femme agonisante devant sa fille après avoir été poignardée par son ex-époux. Les associations féministes dénoncent le laxisme des autorités.
La scène, filmée par un passant dans un café de Kırıkkale, une ville située à 70 kilomètres à l’est d’Ankara, fait froid dans le dos. Poignardée au cou par son ex-mari après une dispute au sujet de la garde de leur fille, Emine Bulut, la chemise ensanglantée, implore : « Je ne veux pas mourir ». « Maman, je t’en prie, ne meurs pas », hurle sa fille de 10 ans, qui a assisté au drame. Bien que rapidement prise en charge par les secours, la mère de famille de 38 ans a succombé à ses blessures peu de temps après.
Partagée sur les réseaux sociaux, la vidéo des derniers instants d’Emine Bulut est devenue virale. Au point que le mot-dièze #EmineBulut a été, pendant plusieurs heures, le hashtag le plus partagé au monde sur Tweeter vendredi après-midi. Au même moment, des dizaines de personnes se rassemblaient à Ankara en guise de protestation. « Nous ne resterons pas silencieuses, nous n'avons pas peur [...] nous continuerons notre lutte jusqu'à ce que plus aucune femme ne soit assassinée », a déclaré une des manifestantes », a déclaré l’une des manifestantes à l’AFP.
Loi 6284
Les autorités ont également rapidement réagi. Le porte-parole de la présidence, Ibrahim Kalın a réclamé « la peine la plus lourde » pour le suspect. Interrogé par l’agence Anadolu, le responsable de la communication du palais présidentiel, Fahrettin Altun, a de son côté assuré que Recep Tayyip Erdoğan « profondément attristée par ce meurtre ». Et d’ajouter : « [Le président] appelle l’autorité judiciaire à faire le nécessaire au plus vite afin que le meurtier reçoive la sanction qu’il mérite. »
Selon la plateforme Kadın Cinayetlerini Durduracağız (« Nous ferons cesser le féminicide »), 214 femmes ont été assassinées en Turquie depuis le début de l’année. Dans 100 des 163 cas élucidés, le meurtrier était un membre de la famille.
Pour les membres de l’association, nombre de ces morts auraient pu être évités si la loi prévoyant des mesures de protection pour les femmes menacées étaient plus rigoureusement appliquée. « Ce n’est pas un hasard si en 2011, l’année où la loi 6284 est entrée en application, le nombre de féminicides a atteint des seuils historiquement bas. Aujourd’hui, alors que la loi elle-même est remise en question, le taux d’homicide a atteint son plus haut niveau », dénonce l’organisation féministe dans un rapport publié au début de l’année.