En raison d'irrégularités, le Haut-Conseil électoral a décidé d'annuler le résultat de l'élection municipale du 31 mars et ordonné l'organisation d'un nouveau scrutin à Istanbul, le 23 juin prochain.
Intronisé le 17 avril dernier à la mairie d’Istanbul, Ekrem Imamoğlu n’aura pu profiter de sa victoire qu’un peu moins de trois semaines. Hier, en début de soirée, le Haut-Comité électoral (YSK) a décidé d’invalider la victoire du candidat du Parti républicain du peuple (CHP) et ordonné la tenue d’un nouveau scrutin, le 23 juin prochain.
Une décision historique pour une élection qui l’était tout autant. Aux mains de l’AKP ou de son prédécesseur, le Parti du bien-être, depuis 25 ans, la mégapole avait basculé dans le giron de l’opposition pour un infime écart de 13 800 voix. Refusant d’admettre sa défaite et arguant que le vote était entaché « d’irrégularités flagrantes », le parti au pouvoir a multiplié les recours auprès du YSK ces dernières semaines. Après les avoir rejetés un à un, les onze juges de l’instance indépendante ont finalement accédé à la demande du parti-islamo conservateur d’organiser de nouvelles élections.
« Une décision en accord avec la loi »
Selon le représentant de l’AKP auprès du YSK, Recep Özel, cette décision a notamment été motivée par le fait que plusieurs membres des bureaux de vote n’étaient pas des fonctionnaires, contrairement à ce que prévoit la loi.
Anticipant les critiques des pays européens, le ministère des Affaires étrangères turc a publié un communiqué, hier soir, dans lequel il insiste sur la légalité du jugement. « Tout le monde devrait respecter cette décision qui a été prise en accord avec la loi. Nous n'acceptons pas les critiques à caractère politique de certains de nos interlocuteurs étrangers concernant cette décision du Haut-Conseil électoral. » Le texte rappelle en outre que « les élections du 31 mars ont été observées par [une délégation du] Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, laquelle s'est dite impressionnée par les compétences du Haut-Conseil électoral ».
Manifestations spontanées
Du côté du CHP, la décision du YSK a été qualifiée « d’atteinte à la démocratie et à la volonté exprimée par le peuple dans les urnes ». Devant ses militants rassemblés pour un meeting extraordinaire, Ekrem Imamoğlu a parlé de « trahison ». L’éphémère maire d’Istanbul a par ailleurs affirmé que lui et ses soutiens « n’abandonneraient pas », ce qui semble écarter toute idée de boycott de la part du parti de l’opposition.
Aux alentours de 22 heures, une partie des Stambouliotes ont entonné un concert de casseroles, accoudés à leurs fenêtres, en guise de protestation. Cette façon singulière d’exprimer leur mécontentement n’avait pas été observée depuis les événements du parc Gezi en 2013. Plusieurs manifestations spontanées se sont ensuite déroulées dans les quartiers de Şişli, Kadıköy et Beşiktaş aux cris de « Tayyip voleur ! » ou de « Istanbul est à nous ».
Les différents cortèges se sont dispersés dans le calme peu après minuit, mais de nouveaux rassemblements sont prévus pour ce soir.