Plus qu'un simple succès électoral, les militants du CHP voient en la victoire d'Imamoğlu « un nouveau départ pour la démocratie, pour la République et pour la justice »
« Vous cherchez le spot d’Imamoğlu ? Il suffit de suivre les voitures ! » Nous renseigne-t-on avec des éclats de rire. Du côté d’Alibeykoy, le chemin vers le rassemblement du CHP était tout tracé. Le son de la radio monté à fond, les automobilistes s’en donnent à cœur joie : par les fenêtres, on agite têtes, mains et drapeaux… parfois même le buste tout entier.
Au niveau du rassemblement, les sympathisants du parti n’ont pas attendu l’annonce des résultats pour se mettre à l’heure de la fête. Debout sur des camions, quelques hommes ont déjà entonné la chanson du CHP au rythme des tambours. Quelques jeunes filles agitent des écharpes à l’effigie de leur candidat, d’autres ont préféré s’envelopper dans des drapeaux où sourit Ekrem Imamoğlu. Assis face à un écran géant, certains attendent avec impatience l’annonce des résultats. « J’y crois à 100% ! » s’enthousiasme Ali, 20 ans. Pour le jeune homme, aucune inquiétude à se faire. « La justice triomphera » assure-t-il avant de rejoindre sa famille devant le grand écran. Ozlem, 47 ans, confirme ses paroles : « Je n’ai aucun doute sur notre victoire, s’exclame-t-elle. On a déjà gagné la dernière fois, il n’y a pas de raison pour qu’on ne gagne pas cette fois-ci ! »
« Un coup de force reste envisageable »
D’autres semblent inquiets : « J’appréhende énormément les résultats de ce soir, nous dit Emre. J’ai voté CHP aux premières élections et je continue à espérer que justice soit faite. Le problème, c’est qu’on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre… Logiquement, la volonté citoyenne se doit d’être respectée mais un coup de force reste envisageable. » A son côté, Irène tente de la rassurer : « Je reste confiante pour ce soir. Si Imamoğlu a convaincu autant de personnes la première fois, alors il n’y a pas de raison pour qu’il échoue. Beaucoup croient en lui. »
19h15. Alors qu’elle était dispersée une minute plus tôt, la foule se réunit sous l’écran géant. A l’annonce des résultats, les cris de joie et les applaudissements fusent de toutes parts. Puis le silence s’impose pendant le discours du nouveau maire d’Istanbul. Chaque téléphone est levé : « C’est important d’immortaliser ce moment ! » nous lance un homme dans l’assemblée. Certains filment même le discours pour leur famille. Hissés sur les épaules de leur père, des enfants agitent silencieusement des drapeaux. On aperçoit parfois le visage d’Atatürk sur une banderole. Vingt minutes plus tard, alors que l’écran s’éteint, la fête reprend de plus belle. Des musiciens ont afflué sur la place. C’est à peine si on peut se déplacer dans cet entassement de voitures.
« Je ne m’attendais pas à une victoire aussi écrasante ! »
Ali ne peut contenir sa joie : « Ce soir, je me sens vraiment en justice ! Ici en Turquie, cela faisait longtemps que je n’avais pas ressenti cette sensation. On a perdu la notion de démocratie depuis tant d’années. » Pour le jeune homme, cette victoire marque le début d’une nouvelle ère : « Aujourd’hui va permettre de tout changer. C’est un nouveau départ pour la démocratie, pour la République, pour la justice. Aujourd’hui, on a voté pour un futur différent. » Selon lui, la défaite d’Erdoğan à l’élection présidentielle de 2023 est une certitude. La foule est de plus en plus dense sur la place. Après l’annonce des premiers résultats, nombreux sont ceux qui ont décidé de se rendre sur les lieux pour fêter cette victoire et essaient de se frayer un chemin à travers les voitures de police. C’est le cas de Gizen, 28 ans, arrivée peu après 20 heures. « Même si je n’ai jamais douté des résultats, je ne m’attendais pas à une victoire aussi écrasante ! » confesse-t-elle. Et d’ajouter : « Je suis fière de tout ce qu’on a accompli tous ensemble. On a travaillé dur. Je trouve ça si beau qu’on soit tous réunis ici pour fêter cette victoire, notre victoire ! »
Charlotte Meyer et Sirine Belkhiri