Pour les militants venus soutenir Binali Yıldırım au siège de l’AKP à Istanbul, le ressentiment envers les cadres du parti était palpable après l’annonce de la victoire d’Ekrem Imamoğlu.
Dès le milieu de l’après-midi, une centaine de partisans de l’AKP bravent la chaleur pour attendre les résultats au siège du parti à Istanbul. Ils se sont réfugiés dans l’ombre des arbres, sur les côtés, car il est impossible de rentrer dans l’enceinte sans autorisation.
Les militants discutent, débattent dans le calme, fument beaucoup. Ils ont, pour la plupart, plus de 50 ans et sont venus entre amis ou en famille. La plupart ne doutent pas de la victoire : « L’AKP va gagner tranquillement. Lors des dernières élections, le parti avait au moins 150 000 votes d’avance, sauf qu’il y eu de la triche. Aujourd’hui, il y aura au moins 300 000 voire 400 000 votes de différence », assure un militant d’une trentaine d’années.
Toutefois, cette confiance commence à s’éroder lorsque Binali Yıldırım arrive sur place. Le candidat de l’AKP affiche une mine triste, ne salue pas la foule et entre vite dans le bâtiment.
A 19h15, il reconnait sa défaite : « Selon les résultats, mon rival, Ekrem İmamoğlu, mène la course. Je le félicite et je lui souhaite bonne chance. J’espère qu’il servira bien Istanbul ». La sentence tombe sur l’écran géant installé devant le siège : l’AKP perd la mairie d’Istanbul en ne glanant que 45% des voix.
Dans l’assemblée, la tristesse se conjugue avec la colère. « Nous, les adhérents, on travaille beaucoup. Eux, dans les bureaux du parti, ils ne font rien ! », s’énerve un militant. A côté de lui, une jeune fille est en pleurs : « Le président Erdoğan n’a pas mérité ça ! ». Autour d’elle, on acquiesce : « Benali Yıldırım ne devait pas d’être candidat à la mairie d’Istanbul, c’est un échec ! ».
Un homme d’environ 60 ans, habillé comme un officiel du parti, prononce un discours accueilli par des applaudissements : « Les membres du CHP sont des traitres. Tôt ou tard le pouvoir reviendra à ceux qui le méritent , l’AKP. Nous demandons la démission de ceux qui ne font rien au parti, comme Bayram Şenocak [président de l’AKP à Istanbul, ndlr] ». « C’est un mal pour un bien » confie un homme venu spécialement d’Allemagne pour soutenir l’AKP. « Les Turcs se rendront compte de leur erreur lorsqu’ils verront que le CHP ne fait rien de bien à Istanbul ». Durant une heure, des groupes se forment, des débats font rage. Ce sont souvent les mêmes qui sont au centre de l’attention et qui exposent avec passion leurs opinions aux micros des télévisions locales.
Finalement, les voitures emmènent les officiels du parti dans le calme. Seul Süleyman Soylu, le ministre de l’Intérieur, quitte les lieux sous les applaudissements d’une foule qui semble avoir besoin d’espoir. Les militants partent à leur tour, penauds, au milieu des klaxons, des cris de joie et des feux d’artifices qui résonnent un peu partout pour fêter la victoire du CHP.
Gabriel Le Moal et Bolat Kutlu