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COUR CONSTITUTIONNELLE - Un discours provoque la colère d'Erdoğan

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 février 2018

Le président de la Cour constitutionnelle de Turquie, Haşim Kılıç, a critiqué sans ambages le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan, se posant en défenseur de l’indépendance judiciaire. Ce discours a provoqué de nombreuses réactions au sein de la majorité comme de l'opposition.

Vendredi dernier à Ankara avait lieu la cérémonie du 52ème anniversaire de la création de la Cour constitutionnelle. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan et le ministre de la Justice, Bekir Bozdağ, qui avaient tous deux critiqué les décisions de la Cour concernant le blocage de Twitter, étaient notamment présents. Haşim Kılıç, président de la Cour constitutionnelle, a prononcé un discours politisé à l'encontre du gouvernement, rapporte le Hürriyet Daily News.

La justice "sous tutelle" et "endommagée"

"Accuser la Cour constitutionnelle d'avoir des objectifs politiques et de rendre "des verdicts anti-nationaux" est une accusation superficielle" a déclaré Haşim Kılıç. "Dans les États de droit, les cours ne travaillent pas selon des ordres et instructions ni ne sont dirigées par les amitiés ou inimitiés. La décision concernant Twitter a été rendue uniquement car la procédure n'avait pas de base légale" a-t-il ajouté.

Haşim Kılıç a accusé indirectement le gouvernement "d'occuper le domaine juridique en y imposant une nouvelle sorte de tutelage". Ses membres ont "utilisé le domaine juridique pour se venger de leurs ennemis et pour fournir un support logistique à leurs idéaux." Il a ensuite affirmé qu'une "justice sous tutelle ne peut fournir de sécurité juridique."

Le président de la Cour constitutionnelle a également défendu la justice face aux accusations récentes qui l’assimilent à un "Etat parallèle". "Il n'est pas possible pour la justice de survivre tant que cette accusation est tenue", "aujourd'hui, même les décisions les plus simples sont sujettes à discussion et la confiance en la justice est grandement endommagée". Haşim Kılıç a ajouté que le gouvernement devrait "enquêter" sur ces accusations au lieu de lancer des purges parmi les fonctionnaires de justice, chose qui s'est produite à plusieurs reprises au cours des derniers mois.

La position et l'objectif de la Cour constitutionnelle ont également été réaffirmés par son président : "Nous n'avons pas un caractère qui peut se changer comme une chemise. De la même manière que nous avions soutenu les droits des citoyens qui ont été violés hier, nous les soutiendrons contre qui que ce soit aujourd'hui."

Un discours "déplacé" selon la majorité

Les membres du gouvernement ont vivement critiqué l'intervention de Haşim Kılıç selon le Hürriyet Daily News. Le ministre de la Justice, Bekir Bozdağ, a déclaré que le président de la Cour constitutionnelle cherchait à former une "nouvelle opposition", jugeant également le discours "impoli". L'intervention de Haşim Kılıç était "pleine de positions politiques, du début à la fin. Les positions politiques doivent être tenues par des membres de parti politiques, pas par le président de la Cour constitutionnelle qui doit parler avec ses verdicts."

Cemil Çiçek, président du Parlement, a déclaré que "ces manières ne seyaient pas à la tête du domaine judiciaire" et que certaines expressions du président de la Cour constitutionnelle n'étaient pas "appropriées". Le vice-président du Parti de la justice et du développement (AKP), Mustafa Şentop, a estimé que "ces choses ne peuvent être faites en portant une robe de juge. S'il [Haşim Kılıç] le souhaite, il peut les enlever et se mettre à la politique". Le ministre de l'Intérieur a également accusé hier Haşim Kılıç d'être "utilisé par une coalition anti-gouvernement".

Une "leçon" selon l'opposition

Le vice-président du Parti républicain du peuple (CHP), Engin Altay, a quant à lui déclaré que "le président de la Cour constitutionnelle n'a pas enlevé sa robe de juge, mais a donné une leçon au gouvernement". Engin Altay a également imputé la dégradation de l'Etat de droit et de la séparation des pouvoirs au gouvernement.

Özcan Yeniçeri, député du Parti d'action nationaliste (MHP), a prévenu que le gouvernement essaierait de "lyncher" Haşim Kılıç et de le montrer comme un membre de cet "État parallèle". Il a aussi accusé le gouvernement d'avoir ébranlé la confiance du peuple dans l’institution judiciaire, affirmant que "c'est le rôle du gouvernement de prendre soin de la justice".

Le vice-président du Parti pour la paix et la démocratie (BDP), Selahattin Demirtaş a salué les propos du président de la Cour constitutionnelle : "il a dit ce qu'il devait dire.""Mais le problème principal reste les accusations émises par Erdoğan contre la Cour" a-t-il ajouté, en référence aux propos tenus par le gouvernement suite à la levée du blocage de Twitter.

Nathanaël Scalbert (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) lundi 28 avril 2014

lepetitjournal.com istanbul
Publié le 27 avril 2014, mis à jour le 8 février 2018
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