

Ils sont professeurs de chimie, de mathématiques et de sport au Lycée Pierre Loti d'Istanbul, et vont se prêter en avril à une expérience peu commune : ils vont emmener l'une de leurs classes de seconde au Népal, pour 12 jours de visites, de randonnée, de rencontres et de découvertes culturelles.
Le départ étant en avril, le parcours est déjà bien défini : après deux jours de visite à Katmandou, les 18 élèves prendront un bus pour Pokhara, pour marcher cinq jours dans le massif des Annapurnas. Ensuite, retour à Katmandou, puis excursion d'un ou deux jours dans une école-dispensaire, dans un petit village voisin. Avant de repartir, ils rencontreront des élèves d'une école française de Katmandou.
Photo Pierre Loti
Une "aventure scolaire"
"L'expédition", comme l'ont surnommée les élèves, est d'abord une "aventure scolaire" : un voyage certes, mais aussi un périple qui nourrit leur scolarité. " L'idée, c'est de présenter au Lycée Pierre Loti des voyages transdisciplinaires, qui permettent à différents enseignants de différentes matières de travailler ensemble", résume Marc Dammron, professeur d'éducation physique et sportive et instigateur du projet. Gaëlle Berthet, professeur de mathématiques, qui fait partie de l'équipe organisatrice de l'expédition, précise : "Il y a un aspect sportif, puisqu'il y a cinq jours de randonnée. Il y a aussi l'aspect culturel (...) : nous allons visiter Katmandou, les temples religieux... Enfin il y a l'aspect solidaire, puisqu'on va essayer d'amener du matériel récolté ici à une école népalaise".
Quand le voyage forme la jeunesse
"Le but, c'est de donner du sens aux apprentissages dans la mesure où tout ce qui va être étudié en classe dans l'année sera plus ou moins relié au voyage. (?) Au lieu de prendre un exemple lambda, on essaye de raccrocher avec le sujet qui leur tient à c?ur", poursuit-elle. En mathématiques par exemple, les données de précipitation et de températures au Népal servent au cours de statistiques ; en physique-chimie, ils étudient l'effet d'altitude ou l'intérêt des sucres lents lors d'un effort physique ; en sport, ils développent leur endurance pour leur randonnée en moyenne montagne ; en géographie, il étudient l'urbanisation, l'habitat, le développement, l'agriculture, l'accès à l'eau au Népal. Ces références constantes accroissent leur motivation : "Tout de suite ils commentent : 'ha, il va pleuvoir quand on y sera?', ou alors 'on va marcher autant?!', 'on va monter si haut?!'" s'amuse Gaëlle Berthet.
Pour José Blasco, professeur de physique-chimie et organisateur du voyage, l'intérêt pédagogique de cette démarche est indiscutable : "Cela permet (?) de concrétiser certains enseignements, (...) de mettre en lien l'école et la vie !" Marc Dammron renchérit : "Notre but, c'est aussi de partir avec des gens qui ont des difficultés, de regonfler l'égo scolaire de certains par le 'faire'". Il se souvient d'un élève en difficulté qui avait participé au voyage scolaire précédent, une traversée à vélo de 3.000 kilomètres entre Istanbul et Strasbourg : "Il avait affirmé des compétences techniques à réparer les vélos des autres, à se porter volontaire tout le temps, et il avait trouvé une place complètement différente dans le groupe".
"L'un des objectifs est aussi l'accès à l'autonomie", poursuit-il. En dehors de la classe, les élèves sont pilotes de leur projet : organisés en commissions, ils travaillent depuis septembre à créer des documents de communication, trouver des partenaires, récolter des fonds, apporter des idées, le tout sur leur temps personnel, tout en gérant leur scolarité. Et sur place, il devront se responsabiliser dans les tâches quotidiennes : faire son sac et sa lessive, marcher, suivre un itinéraire, manier une carte et une boussole...
Une construction de longue haleine
Partir au Népal avec une classe de seconde, ça ne s'improvise pas en un jour. Le projet a été initié à l'automne 2013. Après les accords du chef d'établissement et de l'Ambassade de France, sont venues les étapes plus concrètes : étude de faisabilité, mise en place du budget, mise en place d'une équipe, repérage du parcours... La mise en ?uvre commence vraiment en début d'année scolaire 2014-2015, quand les élèves et leurs parents sont impliqués : à ce moment-là, les commissions d'élèves se mettent en place, la communication est lancée, les partenaires contactés.
Marc Dammron estime à 30.000 euros le budget de ce voyage, soit 1.200 euros par élève. Les familles en payent 600. Le reste vient du Foyer Socio-Educatif (FSE) de l'école, qui donne toujours un peu pour ce genre de voyage ; de subventions, notamment celle de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ; de sponsors (dont certains restent encore à trouver pour boucler le budget!) et de dons. Outre ces participations financières, les aides matérielles sont nombreuses et précieuses : les salariés du Bureau de la vie scolaire ont régulièrement aidé pour la communication, tandis que les collègues enseignants ont volontiers participé à la traduction de la plaquette ou de mails en anglais.
"C'est une chance inouïe pour un professeur"
Dans cette dernière ligne droite, Marc Dammron pense déjà à ce qu'il se passera là-bas: "Les choses dans l'abstrait sont prêtes et quand ça se réalise vraiment et que ça se passe bien, c'est gratifiant !"
Ce qui motive les trois enseignants, c'est la certitude que cette expédition nourrira leurs élèves autant ? voire plus - qu'un cours "assis derrière une table", comme le dit Marc Dammron. Mais il ne nourrit pas seulement les élèves : "Avec certains élèves, scolairement, ce n'est pas toujours facile, certains sont presque en échec, et j'aime avoir la possibilité de parler avec eux d'autre chose que de ma matière : parler de l'organisation, les rencontrer un week-end pour de la marche... Je trouve que c'est une chance inouïe pour un enseignant de pouvoir sortir de sa matière et de voir les élèves différemment", conclut Gaëlle Berthet.
Julie Desbiolles (www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 4 février 2015
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