L’Anatolie orientale n’est pas la région la plus touristique de Turquie, les visiteurs lui préfèrent souvent les côtes égéennes ou méditerranéennes. Pourtant, ses paysages grandioses s’étendant à perte de vue, où vous pouvez rouler une heure sans rencontrer ni voiture ni habitations, sont bien souvent envoûtants et enchantent les amoureux de la nature. L’occasion m’ayant été donnée de découvrir ces beautés, je vous indiquerai les endroits qui m’ont laissé un souvenir émerveillé, en atterrissant à Elazig, où l’on peut louer une voiture et en repartant par Malatya.



La vallée de Munzur
Après avoir atterri à Elazig, nous avons pris la direction de Tunceli en prenant le bac à Pertek, ce qui nous a permis d’admirer l’extraordinaire forteresse émergeant des eaux du barrage de Keban et de prendre la route vers le parc national de la vallée du Munzur, qui s’étend sur quarante-deux-mille hectares, entre Tunceli et Ovacik, entouré de montagnes aux reliefs tourmentés.

La large rivière aux eaux couleur émeraude, coule entre des haies d’arbres majestueux, saules blancs argentés, bouleaux, peupliers, chênes "macrocarpa" à gros glands, qui dessinent un paysage romantique.

Mais, en plus de sa faune et de sa flore hors du commun, la vallée se caractérise par des sources jaillissantes. Les plus spectaculaires sont celles de Munzur, dont l’eau toujours glacée sort de quarante sources différentes et à proximité desquelles se trouvent des restaurants où l’on peut déguster des truites sur des terrasses bercées par le bruit de la rivière.

Les habitants de la région étant essentiellement des Alévis, ils ont dressé près de l’eau un oratoire dédié à la rivière, le "Foyer du sultan Munzur", où les visiteurs allument, avec des allumettes en cire d’abeille, des cierges pour réaliser leurs vœux. Mais au fait, qu’est-ce que l’Alévisme en Turquie ? Les Alévis constituent la deuxième branche de l’Islam turc et leur nombre est estimé à environ un quart de la population. Ils prônent le culte du prophète Mohamed et de son gendre Ali et sont connus pour leur libéralisme en ce qui concerne la pratique religieuse et le statut des femmes.

Le village de Kemaliye
Autrefois nommé "Egin", ce village de la province d’Erzincan, situé à 1130 mètres d’altitude, jadis habité par une population multiculturelle de musulmans et d’Arméniens, a été appelé "Kemaliye" par Mustapha Kemal en 1922, et placé en 2021 sur la Liste provisoire du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Ses jardins à la végétation luxuriante, plantés d’arbres fruitiers, dont beaucoup de mûriers, plaqueminiers, pruniers et pommiers, sa position dominant les eaux changeantes de l’Euphrate, lui confèrent une beauté sans pareille.

Il a conservé de son riche passé dédié au commerce sur la route des caravanes, de grandes maisons à trois niveaux, au rez-de-chaussée en pierres de taille puis aux étages alternant la brique en terre crue et les poutres, dont le plus haut est bardé de bois pour se protéger de la neige.

Une des caractéristiques de ces demeures, dont certaines ont été restaurées, consiste, comme à Safranbolu, en leur double heurtoir aux formes symboliques et aux sonorités différentes, celui de gauche réservé aux dames et l’autre, aux visiteurs masculins. Vous pourrez aussi acheter dans ce merveilleux village de nombreux produits locaux, dont le miel de montagne, des mûres et pommes séchées, des pois chiches et haricots biologiques, de l’huile de millepertuis… Ou déguster d’originales soupes, à base de blé ou de lentilles vertes. Non loin de Kemaliye se trouvent aussi deux villages aux remarquables maisons traditionnelles, Sarikonak et Apcaga.

Le Canyon sombre
A côté de Kemaliye se déroule le Canyon sombre, "Karanlik Kanyon" en turc, où serpente, entre de hautes parois de 400 à 500 mètres, la rivière Karasu, affluent de l’Euphrate. Deuxième plus grand de Turquie, avec ses 25 kilomètres de longueur, il impressionne par ses eaux vertes, parfois hérissées de vagues, qui offrent aux sportifs de multiples activités, comme le rafting, le canyoning, l’escalade, mais aussi des sports plus téméraires, comme le "basejump" ou saut extrême, consistant à sauter du haut de la falaise avec un parachute qui ne s’ouvre qu’à deux cents mètres du sol. Un "Festival International de la Culture et des Sports de plein air" y est d’ailleurs organisé chaque année en juillet.

On peut aussi y pratiquer plus modestement la tyrolienne, pour passer d’un côté à l’autre du canyon ou aller marcher ou pratiquer le VTT sur la "Route de pierre" (Taş Yolu), considérée comme l’une des plus périlleuses du monde pour les véhicules, car elle a été creusée dans la falaise à une hauteur vertigineuse et ne comporte pas de garde-fou. L’activité la plus courante dans le Canyon sombre est cependant la promenade en bateau dans la gorge, où il est préférable de porter un anorak et un bonnet, car même par beau temps, la température y est assez basse.
Les merveilles de Divriği
À une centaine de kilomètres au-dessus de Kemaliye se trouve le merveilleux site de Divriği, classé sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Ce complexe religieux comportant une grande mosquée et un hôpital (Divriği Ulu Cami Ve Darüşşifası) a été commencé en 1228 par l’émir mengujekide Ahmet Chah et sa caractéristique est de comporter un extraordinaire travail de pierre ciselée.

Les trois portails monumentaux offrent chacun un décor de sculptures décoratives toutes différentes avec des motifs géométriques, végétaux ou symboliques. Cet édifice (dont l’intérieur est actuellement fermé pour restauration) est considéré comme l’un des plus beaux de l’architecture religieuse anatolienne.
Les villages alévis
Toujours dans la province d’Erzincan, se trouvent de nombreux villages alévis, dont celui appelé "Ocak Koyu", considéré comme un centre important de l’Alévisme. Vous pourrez y visiter le tombeau d’un cheik alévi vénéré, Hıdır Abdal Sultan, ainsi que le lieu de culte appelé "Cemevi" soit "lieu du rassemblement" dans lequel hommes et femmes prient ensemble et le musée ethnographique Ali Gürer.

Le plus ancien lieu de culte alévi d’Anatolie
Dans le village d’Onar Köyü, du district d’Arapgir de la région de Malatya, se trouve la "Cemevi" la plus ancienne d’Anatolie car elle date de 1224 ! On y entre par une sorte de tunnel destiné à la protéger et elle présente la particularité d’être édifiée sur des piliers de bois soutenant un plafond tout à fait surréaliste constitué de solives de cerisier disposées en nid d’aronde ! Un lieu unique, qui ne peut manquer d’étonner tous ceux et celles qui le découvrent !

Les mystères d’Aslantepe
Dans la plaine de Malatya se situe le Tell d’Aslantepe ou "la colline du lion", occupé entre le sixième millénaire av. J.-C. et la période romaine, un tertre où se trouvent les restes d’un complexe palatial du Chalcolithique tardif très bien conservé.

Vous pourrez vous y promener entre les maisons où subsistent parfois des traces d’enduits et de décorations murales. L’important dans ce site est qu’aucune reconstruction n’y a été réalisée, tout y est authentique !


Vous pourrez terminer votre escapade par Malatya, ville qui se remet du séisme de février 2023 et vous y procurer toutes sortes de produits à base d’abricots, fruits secs, crèmes de soin et friandises. Les intrépides pourront réaliser seuls ce voyage ; pour les autres, il est possible de l’effectuer avec un tour d’agence de voyage ou en recourant aux services d’un guide professionnel. Mais quelle que soit votre façon de voyager, vous en garderez sans aucun doute un souvenir enchanté !
L’abricot de Malatya ou "l’or" d’Anatolie
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