En septembre 2019, Achille Forler a fêté 50 années passées en Inde qui l'ont vu ermite au Gujarat, ouvrir une alliance française, côtoyer les plus grands et contribuer à l'évolution des droits d’auteur avant de créer une société d'illustration musicale.
lepetitjournal.com Bombay l’a rencontré et vous en dit plus sur sa vie hors norme. Premier épisode : les années sauvages.
Achille Forler quitte l’école à 14 ans, car il s’y ennuyait ferme. Après s’être essayé aux arts graphiques, il décide de partir en stop pour “voir son héritage et les cultures du monde”. Né en Alsace, il parle couramment le français et l’allemand, ce qui s’avère utile pour trouver de “petits boulots”, lui permettant ainsi de gagner sa vie et discuter avec les habitants des pays traversés. Pendant deux ans, il parcourt l’Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
Il raconte : "A cette époque sans télévision, plus on venait de loin, plus les gens étaient curieux et vous invitaient chez eux. Partout, la France jouissait d’une grande aura. Quand je m’asseyais en fin de journée sur la place d’un village, les gens s’approchaient, intrigués : Qui es-tu ? Où sont tes bagages ? Tes chaussures ? Je leur disais que je venais de France pour les saluer et saluer leurs grands hommes. Y a-t-il un grand homme chez vous ? Invariablement, on me menait vers le “grand homme” du lieu : maire, instituteur ou autres.”
Quand j’ai quitté la France à 16 ans, je voulais construire ma vie et non pas subir ma vie. Je voulais embrasser l’inconnu et je me suis dit : voyons ce que la chance te réserve !
Dans les années 70, un jeune Français à pied sur les routes indiennes
En 1969, après avoir voyagé pendant 2 ans, il arrive en Inde via le Pakistan et y commence un séjour de 50 ans. Il vient de fêter ses 18 ans.
Pendant sept ans, il parcourt le pays à pied, en camion et en train sans ticket. Il apprend l’hindi avec un moine hindou (un sâdhu) rencontré à Mysore et découvre ainsi “l’Inde souterraine” et l’hindouisme. En cette période mouvementée de l’histoire indienne (1971 : guerre avec la Pakistan,1975-1977 : état d’urgence instauré par Indira Gandhi), Achille s’y promène, sans argent et sans passeport et s’imprègne des traditions et rites monastiques.
Les routards lui disaient : “Pas d’argent et pas de passeport ? French !” Les Français avaient la réputation de se jouer des frontières.
Il témoigne : "Plus tard, j’ai connu des moines hindous et des fakirs musulmans qui étaient allés à pied, avant la Partition, jusqu’à Tachkent et au Tibet, sans document d’identité. C’étaient des routards, eux aussi."
Pendant trois ans, une vie en ermite dans une forêt du Gujarat
Durant ses pérégrinations, Achille Forler rencontre Anne, une chrétienne originaire du Kerala, qui souhaitait mener une vie d’ermite. Le confesseur de la jeune femme, le Père Dominique, lui demande d’accompagner celle-ci dans la recherche d’un monastère hindou qui pourrait l’accueillir.
Il confie : "Ce moine bénédictin belge totalement atypique, cheveux longs et longue barbe blanche, esprit érudit, qui avait vécu en Chine et vivait en Inde depuis 30 ans, a beaucoup compté dans ma vie."
Ensemble, Achille et la sœur marchent durant un an, de Kottayam dans le Kerala (sud-ouest de l’Inde) à Junagadh dans le Gujarat (nord-ouest de l’Inde). Face aux difficultés rencontrées pour trouver un endroit qui accepterait un jeune ermite féminin, tous deux décident de s’installer dans la forêt du mont Girnar, lieu d’ascèse millénaire, une sorte de mont Athos pour les hindous et les jaïns. Achille assiste la jeune femme durant les 3 premières années, l’aide à s’installer en construisant une hutte et en créant un potager. Il la laisse ensuite mener sa vie d’ermite, seule dans la forêt, sans âme qui vive à 45 minutes à la ronde.
La sœur Anne a vécu dans son ermitage de la forêt de Girnar pendant quatre décennies, de 1974 à 2014, avant de redescendre dans la paroisse de Junagadh pour des raisons de santé. Sa quête spirituelle “sauvage” fut récompensée en 1997, quand elle fut officiellement reconnue par Rome comme la première ermite chrétienne dans l’histoire de l’Église indienne.
Fin des années 70, de retour en ville pour étudier le sanskrit
Afin de pouvoir lire les écrits religieux hindous en langue originale, Achille Forler quitte la forêt, régularise sa situation administrative et se lance dans des études de sanskrit à Ahmedabad, dans le Gujarat. Ayant besoin d’argent pour survivre dans une grande ville, il donne des cours de français et d’allemand.
C'est ainsi qu'il change à nouveau de vie et de rôle.
La suite des vies d’Achille Forler demain avec le deuxième épisode, les années citoyennes.
Pour en savoir plus sur la sœur Anne