La conversion religieuse, généralement perçue en Occident comme un droit individuel ou simplement une expérience personnelle, est devenue une source de débat public et de lutte politique en Inde. Il peut sembler quelque peu surprenant que la question de la conversion religieuse devienne un problème politique. Un des résultats de ces débats est l’effort soutenu de la part de certains acteurs pour élaborer et adopter une législation rendant illégales les "conversions non éthiques" en Inde.
Le sujet des conversions religieuses est en Inde un sujet très sensible.
Alors que les groupes nationalistes hindous démultiplient les cérémonies publiques, toujours très théâtrales, très voyantes, dans le but de re-convertir les chrétiens et les musulmans à l’hindouisme, de nombreux dalits (Intouchables) cherchent encore à se convertir à d’autres religions.
Ce phénomène a été particulièrement flagrant en 2016, lors du soixantième anniversaire de la conversion d’Ambedkar au bouddhisme, des centaines de dalits se sont convertis soit au bouddhisme, soit au christianisme, rejetant explicitement l’hindouisme. Leur raison était simple et claire, l’hindouisme étant selon eux une religion oppressive et discriminante, il ne leur laissait aucune chance d’améliorer leur situation.
Pour les nationalistes hindous, les conversions au christianisme seraient une nouvelle forme de sédition. Ils associent cette religion à l’ancien colonisateur, l’Angleterre. Ces conversions représentent selon leur point de vue, une nouvelle menace à l’unité de l’Inde.
C’est pourquoi ils n’ont de cesse de chercher tous les moyens pour réduire, voire stopper l’évangélisation et les conversions des Intouchables.
Déjà avant l’Indépendance de l’Inde, certains états princiers avaient promulgué des lois « anti-conversion » afin de maintenir les missionnaires et les Indiens chrétiens hors de leurs territoires. Le premier fut Raigarh en 1936, puis Patna en 42, Udaipur en 46 et plusieurs autres états par la suite.
À l’Indépendance, ces états furent intégrés à la toute nouvelle Union indienne. Beaucoup de choses changèrent alors pour eux, mais ces lois restèrent intactes et les chrétiens toujours exclus.
Il fallut attendre 1967 pour que l’état de l’Orissa promulgue, le premier, la loi « Freedom of religions Act » (loi sur la liberté des religions) suivi en 1968 par le Madhya Pradesh. Depuis, progressivement, d’autres états suivent la même ligne. Cela semble une belle avancée !
Cependant, ces lois interdisent les conversions par « la force », « la fraude » ou « la séduction ».
Les partisans de ces lois arguent qu’elles servent à préserver la population d’une évangélisation politisée menée par les puissances occidentales. Ils parlent de « foreign faith » (la foi de l’étranger - la foi venue d’ailleurs !). Ils pointent fièrement le fait que très peu de conversions ont eu lieu depuis la promulgation de ces lois.
Les détracteurs quant à eux, prétendent que l’existence de telles lois sert les intérêts des nationalistes hindous les plus extrémistes, les conduisant à augmenter les harcèlements et la maltraitance envers les chrétiens.
Ils perçoivent donc ces lois comme un instrument brutal permettant aux nationalistes hindous de menacer les minorités religieuses indiennes et surtout d’intimider les personnes des castes inférieures qui auraient l’idée de les rejoindre.
Les conversions au christiannisme
Au début du XVIIIème siècle, les Portugais achetaient avec des cadeaux ou de l’argent les personnes les plus pauvres. Les missionnaires chrétiens cherchaient à convaincre les hindous de la supposée infériorité de leur religion.
Durant la période coloniale anglaise de l’histoire de l’Inde, les conversions allaient de pair avec l’implantation de l’autorité étrangère sur le territoire.
Les missionnaires anglais prêchaient et écrivaient des tracts pour arriver à leur but. Ils attaquaient ouvertement les « superstitions idolâtres » des Indiens. Ils déployaient tous leurs efforts pour prouver la supériorité du christianisme.
Parallèlement, ils créaient des écoles chrétiennes afin d’augmenter leur influence. L’éducation anglaise offrait à ces établissements la clé pour une hypothétique évolution sociale des personnes de basse caste dans le monde colonial.
Les missionnaires devinrent totalement impliqués dans l’effort colonial anglais de déstabiliser l’hindouisme en tant que première religion de l’Inde.
Bien que les premiers missionnaires chrétiens en Inde aient porté leur dévolu sur les membres de la caste supérieure, convaincus que la foi en Jésus Christ se répercutait de fait sur les classes inférieures, la grande majorité des convertis au christianisme lors des trois derniers siècles provenaient de communautés d’Intouchables.
Deux théories sociologiques expliquent le phénomène des conversions.
Tout d’abord la théorie de « l’intérêt », amplement développée par les Marxistes, explique que les personnes se convertissent pour des raisons matérielles.
La deuxième est celle de « la souche ». Pour elle, les conversions marquent la volonté de résoudre des dysfonctionnements sociaux. Ces deux théories montrent explicitement que l’être humain agit toujours de manière calculée, rationnelle.
Ou bien, l’être humain cherche t’il seulement la sécurité et un sens à sa vie !
Quelques chiffres
- Selon le dernier recensement, l’Inde compte 27,8 millions de chrétiens, soit 2,3% de la population.
- 46% des chrétiens (12,8 millions) vivent dans les cinq états suivants : Kerala, Tamil Nadu, Karnataka, Andhra Pradesh et Telangana.
- 28,1% sont regroupés dans l’extrême nord-est du pays : Assam, Meghalaya, Anrunachal Pradesh, Nagaland, Manipur, Mizoram et Tripura
- 1,3% se trouvent à Goa