Une étude récente publiée dans la revue The Lancet apporte un état des lieux alarmant sur la prévalence des violences contre les enfants dans le monde.


Financée par la fondation Gates, l’étude publiée dans la revue The Lancet révèle l’ampleur mondiale des violences sexuelles, touchant près d'une femme sur cinq et un homme sur sept dans le monde. Les chercheurs ont analysé des données couvrant 204 pays sur une période de trois décennies, de 1990 à 2023.
À l’échelle mondiale, 18,9 % des femmes et 14,8 % des hommes ont été victimes d’abus sexuels pendant l’enfance. Parmi les personnes âgées de 13 à 24 ans ayant signalé des violences sexuelles, deux tiers des filles et près des trois quarts des garçons indiquent que les faits ont eu lieu avant leurs 18 ans. Dans l’échantillon mondial, 67,3 % des femmes et 71,9 % des hommes victimes ont déclaré que leur première expérience de violence sexuelle avait eu lieu avant leurs 15 ans.
Les violences sexuelles ne se limitent pas au viol, mais concernent tous les actes à connotation sexuelle imposés aux enfants. On parle d’agression sexuelle pour désigner toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.
L’étude montre que les violences sexuelles sont non seulement répandues, mais qu’elles sont aussi constantes dans le temps. Depuis 1990, il n'y a pas eu d'amélioration de la situation. Nous sommes bien loin des objectifs du développement durable déclaré par l’ONU qui souhaite “Mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants” (objectif 16.2).
Ces chiffres sont d’autant plus inquiétants que, selon les auteurs de l’étude, l’étendue réelle des violences sexuelles envers les enfants est probablement sous-estimée, étant donné la rareté des données disponibles et les divergences de méthodes de collections de celle-ci.
La situation en Inde
En Inde, les données disponibles montrent que près d’une femme sur trois et plus d’un homme sur dix ont été victimes d’abus sexuels dans leur enfance.
L’étude estime que 30,8 % des femmes indiennes et 13,5 % des hommes indiens ont subi des violences sexuelles durant leur enfance, plaçant l’Inde parmi les pays les plus touchés, en particulier pour les femmes. Et si le taux d’abus chez les garçons est légèrement inférieur à la moyenne mondiale (14,8 %),les auteurs indiquent qu'il pourrait être lié à la stigmatisation des garçons victimes et à une sous-déclaration de ces cas.
La protection contre les violences faites aux enfants en Inde
Les chercheurs appellent à concentrer les efforts de prévention en assurant aux enfants, des environnements scolaires sûrs, de meilleurs soutiens sociaux et un démantèlement des normes patriarcales qui favorisent le secret et la honte.
L’Inde, avec plus de 400 millions d’enfants, fait face à des défis importants en matière de protection de l’enfance.
Elle s’est munie en 2012 d’un cadre juridique spécifique pour lutter contre ces violences : la loi POCSO ou loi sur la protection des enfants contre les infractions sexuelles (Protection of Children from Sexual Offences Act).
Cette loi vise à protéger tous les enfants de moins de 18 ans contre les agressions sexuelles, le harcèlement et l’exploitation à des fins pornographiques. Elle prévoit des définitions claires des infractions, reconnaît que les filles comme les garçons peuvent être victimes, et impose le signalement obligatoire de tout cas suspecté.
Afin de garantir une approche centrée sur l’enfant, elle met en place des procédures spéciales : auditions dans un environnement non intimidant, protection de l’identité de l’enfant, enquête menée par des policiers en civil, et tribunaux spéciaux pour accélérer les procès. Les peines prévues vont de trois ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité, voire la peine de mort dans les cas les plus graves. Mais il existe encore de grandes disparités entre ce que la loi propose et sa mise en place sur le territoire.
Ainsi, au Maharashtra, pourtant premier État pour les violences contre les enfants, il existe aujourd’hui plus de 42.000 cas en attente de justice.
Et en France ?
En France, la situation n’est guère mieux.
L’étude estime qu’environ une femme sur quatre (26 %, contre 20,7 % en moyenne en Europe de l’Ouest) a été victime de violences sexuelles, contre 13,8 % des hommes. Des chiffres comparables à ceux estimés aux États-Unis (27,5 % de femmes victimes contre 16,1 % d’hommes) et au Royaume-Uni (24,4 % des femmes et 16,5 % des hommes).
Selon l’UNICEF, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France, soit un enfant toutes les trois minutes.
En 2023, les forces de l'ordre ont enregistré 65 299 enfants victimes de violences sexuelles, dont 30 % dans le cadre intrafamilial.
Et la plupart des victimes n’obtiennent pas justice : 70 % des plaintes pour violences sexuelles sur mineurs sont classées sans suite, et moins de 3 % des mis en cause sont condamnés.
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