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Willy Ronis, l’élégance du regard

Willy RonisWilly Ronis
Rose Zehner Paris, 1938 Ministère de la Culture/Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine/Dist RMN-GP@Donation Willy Ronis
Écrit par Cécile Trentini
Publié le 26 juin 2019, mis à jour le 30 juin 2019

A la découverte de l'exposition du photographe Willy Ronis en compagnie de son petit fils Stéphane Kovalsky: une rétrospective qui retrace cinquante ans d'instants capturés avec élégance et humanité.

 

Cette femme est imposante. Elle est habillée de noir, ses cheveux sont coiffés en casque ondulé à la mode des années 40, sa bouche est grande ouverte et  son bras tendu. Elle s’adresse à une foule d’autres femmes assemblées dans un hangar d’usine. On devine qu’il s’agit d’ouvrières, et que son discours est virulent. On se demande ce qu'elle crie. Un petit garçon court tout sourire dans les rues de Paris une baguette à la main, et, à son pull tricoté en V et sa salopette courte, on pense immédiatement au petit Marcel Pagnol et à l’enfance espiègle des premiers congés payés. Mais où court-il comme cela? Dans un café bondé, quelques hommes regardent à l’extérieur à travers la vitre embuée. L’un d’eux, cigarette au bec, semble particulièrement absorbé dans sa contemplation. Mais on ne sait pas ce qui se passe sur le trottoir, du point de vue dont nous nous situons.

 

Willy Ronis Hong Kong
Willy Ronis, Le Petit Parisien 1952, Ministère de la Culture/Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine/Dist RMN-GP@Donation Willy Ronis

 

Grèves de Citroën en 1938, instantané de rue en 1952 ou extérieur d’un café en 1956, bienvenue dans l’univers de Willy Ronis, qui, loin de l’image d’Epinal, fait la part belle à l’imagination. Photographe, Willy Ronis partage le monde qu’il voit, avec ceci de plus qu’il ouvre la porte sur notre imaginaire en nous permettant d'inventer une histoire à partir de l'image que l'on regarde.

 

Willy Ronis, un photographe humaniste et élégant

Photographe engagé (Il est communiste), Willy Ronis travaille à faire connaitre les conditions de vie des ouvriers dans les années 50, à Paris et en Lorraine. On frissonne devant le regard d’un mineur qui sait qu’il ne lui reste que quelques jours à vivre, on sourit devant le cadrage explicite d’un ouvrier engoncé dans un tube d’acier; Mais jamais voyeur, Ronis nous offre en plus de sympathiser - au sens fort - avec eux.  Curieux, il partage les images du Ménilmontant qui le fascine, lui qui vit dans le 9ème bourgeois. "Ménilmontant est un quartier dangereux dans les années 50, mais les "Apaches" (Les gavroches du quartier) ne l’empêchent pas d’immortaliser la vie, colorée et souvent misérable, de sa population", m'explique Stéphane Kovalsky, petit-fils du photographe et lui-même photographe.

 

Willy Ronis Hong Kong
Willy Ronis, Usine Lorraine-Escaut, Sedan, 1959, Ministère de la Culture/Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine/Dist RMN-GP@Donation Willy Ronis

 

Une photo qu'il construit comme une partition

Stéphane me dit que son grand-père était un excellent violoniste (Il avait l’oreille absolue), et c’est peut-être grâce à cet autre talent là qu’il construit ses photos avec une rigueur de musicien. Esthète, il photographie et crée autant de tableaux de Paris d’abord, mais aussi de ses voyages (A Venise, en Russie, aux Etats-Unis) dans lesquels on retrouve une construction qui lui est chère: "il aimait avoir plusieurs plans, généralement trois, les uns derrière les autres". Le nombre trois que l’on retrouve d’ailleurs à un autre niveau: "Une autre caractéristique de ses photos est qu’il y a souvent trois personnages". Amoureux, il partage les clichés de sa vie quotidienne dans le sud de la France et nous offre à cette occasion quelques nus dont la peau vibre encore.

 

Des photos sur le vif

"Il ne passait pas des heures à guetter la bonne prise de vue". Nous sommes donc devant des photos prises sur le vif, très rarement mises en scène. En témoigne l'anecdote que me livre Stéphane, à propos de la très célèbre photo des amants de la Bastille, un couple  qui s’embrasse au sommet de la colonne de Juillet. "La tour allait fermer et mon grand-père est monté à toute vitesse en dépit de l’injonction des gardes, il est tombé sur ce couple, et clac! il a pris immédiatement la photo." Une jolie histoire aussi sur le lien "humain" de Ronis et de ses modèles, car "cinquante ans plus tard, il a retrouvé les amoureux, Riton et Marinette, qui avaient ouvert un restaurant en contrebas - on aperçoit même la rue dans la photo - et qui avaient accroché "leur" photo au mur du restaurant…"

 

Willy Ronis Hong Kong
Willy Ronis, Boule, Aubagne, 1947 Ministère de la Culture/Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine/Dist RMN-GP@Donation Willy Ronis

 

Une exposition rétrospective

L’exposition, amenée à Hong-Kong par Vanessa Franklin et Xavier Mahé de l’agence Boogie Woogie Photography, et organisée en partenariat avec The University Museum and Art Gallery et l'Alliance Française, est l’héritage de 50 ans de vie et de clichés. Présentée pour la première fois à Arles, c’est une rétrospective que Willy Ronis a lui-même construite. "A 99 ans à l’époque, il a choisi chaque photo, chaque format de photo, chaque emplacement!" A voir et à revoir jusqu'au 25 août pour la beauté, pour l’histoire et le documentaire, et pour le plaisir de rêver et d’imaginer les histoires dont le photographe nous offre le point de départ.

 

Renseignements pratiques:

"From Paris to Venice, a photographic journey by Willy Ronis", du 31 Mai au 25 Août 2019, The University Museum and Art Gallery (UMAG), The University of Hong-Kong, 90 Bonham Road, Central Hong Hong

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