Après trois jours au pas de course, enchaînant discours, cérémonies officielles et poignées de main, la 3ème visite d’Etat d’Emmanuel Macron en Chine vient de toucher à sa fin (5 au 7 avril). Si la couverture médiatique de l’événement a été intense de part et d’autre, il est intéressant de noter qu’autant la visite de Macron a été critiquée dans l’Hexagone – et plus largement en Europe et aux Etats-Unis – autant elle a été encensée en Chine.
Echec relatif sur la guerre en Ukraine
Il fallait s’y attendre, le Président français n’a pas réussi à arracher à Xi Jinping une promesse d’user de son influence sur Vladimir Poutine pour mettre fin à la guerre en Ukraine. C’était pourtant la mission, que certains diront « impossible », qu’il s’était fixé avant cette visite. En guise de lot de consolation, Xi s’est dit prêt à appeler le Président Zelensky « lorsque les conditions seront réunies ». Pourtant, ce point ne figure pas sur le compte-rendu des échanges publiés par le gouvernement chinois et il est de notoriété publique que Xi envisage d’échanger avec son homologue ukrainien depuis plusieurs semaines déjà.
L’un des rares points positifs de la déclaration conjointe publiée à l’issue de la visite est la mention explicite de la centrale nucléaire de Zaporijjia, le reste étant jugé très favorable à la Chine (5G, coopération spatiale, programme « jeunes talents »…).
« Macron avait l’air de croire qu’il pourrait user de son charme pour pousser Xi à changer sa position sur la guerre. Pour cela, il qualifia le découplage de ‘piège’, emmena avec lui une importante délégation d’affaires et réaffirma son soutien au principe ‘d’autonomie stratégique’, sans rien obtenir en retour », tacle un analyste basé à Berlin.
Présence de la présidente de la Commission Européenne
La présence de la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen (VDL), invitée par le dirigeant français à voyager avec lui afin de présenter un front commun face au géant asiatique, a également fait jaser. En effet, l’accueil accordé à l’ex-ministre de la défense d’Angela Merkel, connue pour ses positions fermes vis-à-vis de la Chine, était loin d’être aussi chaleureux que celui réservé au Président Macron, ce qui a été perçu comme un stratagème de Pékin pour désunir le « couple » européen.
Enfin, la gigantesque table ronde autour de laquelle Xi Jinping a reçu ses hôtes (cf photo) était comparée à celle choisie par Vladimir Poutine pour recevoir le chef d’Etat français avant la guerre en Ukraine en février 2022…
Importance stratégique du lien avec la France en Europe
Côté chinois, la perception de cette visite était nettement plus positive, reflet de l’importance stratégique que Pékin y accordait. Cela faisait d’ailleurs bien longtemps que la venue d’un dirigeant étranger n’avait plus fait l’objet d’un tel traitement médiatique. Comparé à la visite du chancelier allemand durant l’hiver dernier, le ton était clairement plus enthousiaste. La France, à travers Macron, étant selon toute vraisemblance considérée par la Chine, comme son premier partenaire au sein de l’Union Européenne.
Ainsi, la presse officielle n’a pas manqué de souligner que le dirigeant français était le premier chef d’Etat à être reçu par Xi Jinping depuis le début de son 3ème mandat en tant que Président de la RPC en mars, tandis que l’étape faite à Canton, en compagnie du leader chinois qui l’a reçu dans la résidence du gouverneur du Guangdong où son père a vécu quand il occupait ce poste de 1978 à 1981, était interprétée comme un traitement de faveur accordé à son invité. Il est en effet plutôt rare que Xi s’aventure en dehors de Pékin avec un dirigeant étranger en visite dans son pays.
De même, une célèbre mélodie jouée au guqin, racontant l’histoire de deux amis réunis par une même passion (celle de la musique), a été choisie pour symboliser la relation entre les deux hommes d’Etat et les deux pays – une allusion qui n’a apparemment pas échappé à Emmanuel Macron.
La rivalité sino-américaine en toile de fond
Même le public chinois semble avoir été séduit par le « charisme » et l’attitude « décontractée » du dirigeant français. Lors de son passage sur le campus de l’université Sun Yat-sen, le locataire de l’Elysée était accueilli tel une « rock star », les étudiants criant son nom et brandissant leurs smartphones dans l’espoir de prendre un selfie avec lui. Une ambiance loin des manifestations qui agitent l’Hexagone, mais également loin des déplacements officiels hautement chorégraphiés des dirigeants chinois, où la foule applaudit quand on lui demande.
Ce tapis rouge déroulé à l’attention du président français n’était bien sûr pas dénué d’arrière-pensées, chacune des offensives diplomatiques chinoises ayant pour toile de fond la rivalité sino-américaine. L’objectif de Pékin est clair : tenter un rapprochement économique avec l’Europe et la dissuader de s’aligner davantage avec Washington.
Xi a-t-il eu davantage de succès dans cette entreprise que Macron sur le dossier ukrainien ? C’est bien possible, à en croire les récentes déclarations d’Emmanuel Macron dans l’avion du retour sur l’importance de « l’autonomie stratégique européenne » et de ne pas devenir un vassal des Etats-Unis.