De nombreux contrats sont attendus de la visite du président Macron entamée ce mercredi 5 mars en Chine. Une délégation taillée sur mesure pour porter les échanges sur le terrain économique sur fond de redistribution des cartes entre les grandes puissances.
60 dirigeants pour pousser de nouveaux contrats français en Chine
Ce ne sont pas moins de 60 dirigeants d’entreprises qui accompagneront la visite de 3 jours du président Macron, signe éminent de l’importance stratégique pour l’économie française de la coopération avec la Chine. Parmi elles, Airbus, Danone, EDF, L’Oréal, Véolia, Le Club Med, Safran, Orano et BNP Paribas. Si la plupart de ces acteurs sont largement implantés en Chine, on attend en particulier de nouveaux contrats commerciaux dans le secteur du nucléaire, la France étant considérée comme l’un des leaders de la construction de centrales de dernière génération et collaborant largement avec les entreprises d’état chinoises du secteur. Sur le volet de l’aviation civile, Guillaume Faury a déjà reçu l’assurance ce mardi de la part de Zheng Shanjie, président de la Commission nationale chinoise pour le développement de la réforme (NDRC) que la Chine aiderait le constructeur à renforcer sa présence dans le pays alors que la Chine avait déjà indiqué en juillet dernier souhaiter commander 292 Airbus. 140 ont été confirmés lors de la visite d’Olaf Scholz au mois de novembre. On devrait donc poursuivre ce mouvement.
Energie, technologies et ... paiements en yuans
La nouvelle position chinoise sur le segment des paiements internationaux en yuan a aussi été facilitée par un premier contrat de fourniture d’énergie réglé par la firme française Total il y a une semaine au sujet de la livraison par les Emirats Arabes Unis de gaz naturel liquide (LNG) pour un volume sans précédent de 65000 tonnes. Nul doute par conséquent que les besoins croisés d’investissements feront l’objet de discussions avec les représentants du secteur de la finance pour renforcer la décorrélation des échanges du dollar. Emmanuel Macron commencera sa visite à Pékin, un repas d’état étant prévu jeudi soir. Puis il se rendra à Canton, fait encore inédit pour un président français, centre géographique de la Grande Baie, dont le poids économique est aujourd’hui déterminant. Par ailleurs, cette zone du Sud de la Chine concentre à la fois une grande partie des centrales nucléaires chinoises construites en partenariat avec la France et le cœur de l’industrie numérique chinoise, désignée par le président Xi comme stratégique depuis les mesures de contrôles américaines sur les échanges de composants électroniques. Cet ensemble sert aussi de base de développement pour de nombreuses jeunes pousses chinoises, souvent soutenues par des aides gouvernementales.
Jean-Michel Jarre et Jean-Jacques Annaud dans la délégation française
En plus de la partie purement business de la délégation, la présence du musicien Jean-Michel Jarre et d’autres artistes français comme le réalisateur Jean-Jacques Annaud ou encore l’actrice d’origine chinoise Gong Li a valeur de symbole. En effet Jean-Michel Jarre est le premier musicien européen à s’être produit dans la Cité Interdite au moment où celle-ci commençait à peine à s’ouvrir en 2004. Gong Li, actrice qui a occupé le devant de l’affiche de plusieurs grandes productions telles Le Sorgho Rouge, Epouses et Concubines, Shanghai Triad ou La Cité Interdite, est également à la ville la compagne de Jean-Michel Jarre (sur ce plan que la très célébrée Michelle Yeoh est elle aussi mariée au directeur d’écurie automobile français Jean Todd). Quant à Jean-Jacques Annaud, réalisateur de « Notre Dame brûle », il a tourné en 2015 « Le dernier loup » dans les steppes du Nord de la Chine, film ayant été retenu par les autorités pour représenter le pays aux Oscars. On ne saurait donc mieux jouer la corde du soft power culturel avec cette sélection en affichant l’harmonieuse collaboration des pays sur ce plan.
La diplomatie du panda de la Chine
On le sait, la Chine est friande de symboles et a instauré depuis plusieurs année une politique de prêts de ses précieux pandas, autrefois à la limite de l’extinction et aujourd’hui sauvés grâce à une maîtrise des techniques de reproduction en captivité. Cet animal représente le pays du Milieu plus que tout autre et fait l’objet d’une attention tout à fait particulière de la part des autorités. Envoyés de par le monde en tant que gages des bonnes relations, ceux-ci sont souvent baptisés de noms prémonitoires censés donner une coloration aux échanges diplomatiques, comme pour "Yuen Meng" (accomplissement d'un rêve) dont Brigitte Macron est la marraine. C’est dans ce contexte que Rodolphe Delord, le PDG du zoo de Beauval hôte des deux seuls pandas chinois en France, fera partie de la visite. Coïncidence ou pas, les réseaux chinois se sont offusqués récemment du mauvais état dans lequel les Américains du zoo de Memphis avaient laissé Ya Ya, et Le Le, deux pandas prêtés par la Chine, faisant planer le doute quant aux mauvais traitements dont ils faisaient l’objet de la part de l’Oncle Sam et réclamant que soient au plus vite rapatriés ces trésors chinois. Notre directeur apportera donc à n’en point douter de bonnes nouvelles de ses deux pensionnaires.
Et l’Ukraine dans tout ça ?
Au sujet de l'Ukraine, la présence de la présidente de l’Europe Ursula Von der Leyen n’est pas anodine, celle-ci ayant fortement critiqué la Chine la semaine dernière, indiquant que le régime chinois était «« plus répressif à l’intérieur et plus agressif à l’étranger ». Il y a donc fort à parier que celle-ci demande à nouveau au leader chinois de d’intercéder pour le retrait des troupes russes considérées comme l’agresseur. Cette possibilité a évidemment été rejetée par Vladimir Poutine et la Chine a seulement mentionné dans son plan de paix de respecter l’indépendance des pays, message à double sens si l’on considère la question de Taiwan et les protestations de la Russie concernant une politique d’expansion de l’Otan contraire aux accords d’Helsinki au sujet des pays censés jouer un rôle de tampon comme l’Ukraine. La visite du président chinois il y a dix jours à Moscou a essentiellement permis de renforcer la coopération économique entre les deux pays au détriment du rôle traditionnel joué par les Etats Unis, tant sur l’utilisation du dollar que de la fourniture d’énergie.
S'adressant à la communauté française de Pékin après son arrivée, Emmanuel Macron a déclaré que la Chine pouvait «jouer un rôle majeur» pour «trouver un chemin de paix» en Ukraine. Il a également affirmé que l'Europe ne devait pas se «séparer» de la Chine sur le plan économique. «Il ne faut pas nous désassocier, nous séparer de la Chine», mais «s'engager avec volontarisme pour continuer d'avoir une relation commerciale avec la Chine»
… à suivre
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