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Rencontre Xi-Poutine : que faut-il retenir ?

Photo de groupe SCO 2022 SamarkandePhoto de groupe SCO 2022 Samarkande
@Wikicommons/Press Service of the President of the Republic of Azerbaijan
Écrit par Ayman Ragab
Publié le 21 septembre 2022, mis à jour le 22 septembre 2022

Xi Jinping s’est rendu à Samarcande en Ouzbékistan à l’occasion d’un sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai, pour son premier déplacement à l’étranger depuis le début de la pandémie, durant lequel il a notamment rencontré Vladimir Poutine.

Une rencontre au sommet dans l'ancienne cité des Routes de la Soie

Les chefs d'Etat ou de gouvernement des pays membres, observateurs et partenaires de dialogue de l'Organisation de Coopération de Shanghai se sont réunis les 15 et 16 septembre à Samarcande en Ouzbékistan, autrefois une étape clé pour les caravanes des routes de la Soie. Se sont ainsi retrouvés autour de la même table Xi, Poutine, Modi, Raissi et Erdogan, entre autres... Il s'agit du premier déplacement à l'étranger du président chinois depuis le début de la pandémie mondiale de Covid-19.

Si de nombreuses déclarations importantes ont été faites, telles que l'adhésion de l'Iran en tant que membre et la volonté de la Turquie de, à terme, rejoindre le groupe en tant que membre à part entière, l'essentiel de l'attention s'est tournée vers la Russie.

Désormais engagé dans le huitième mois de son invasion de l'Ukraine, le président russe a cherché à obtenir le soutien de ses homologues de l'OCS, sans réellement y parvenir. Le président Xi ayant certes annoncé son soutien à la Russie dans ses "intérêts capitaux", tandis que Poutine a annoncé que celui-ci prenait en compte "les questionnements et doutes" chinois. Il s'agit de la première mention d'une potentielle désapprobation de l'invasion russe de l'Ukraine venant de Pékin. L'allié indien à quant à lui déclaré que "la période n'était pas à la guerre". 

Qu’est ce que l’Organisation de Coopération de Shanghai ?

L’OCS est un groupe interétatique créé en 2001 par la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, la Russie et la Tadjikistan, à la suite de la dislocation de l’Union soviétique. L’organisation a été fondée en partie dans le but de remplir le vide sécuritaire laissé par la défunte deuxième superpuissance. L’OCS souhaite combattre ce qu’elle appelle les « trois fléaux », à savoir le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme. Des priorités qui sonnent bien aux oreilles de plusieurs pays de la région. En effet, guerres civiles, menaces terroristes et disputes frontalières faisaient peser une menace existentielle sur la sécurité des pays de la région. Ceci a été renforcé par la guerre en Afghanistan et la prolifération des groupes terroristes islamistes transfrontaliers.

D'autres Etats ont depuis rejoint l'organisation. L’Inde et le Pakistan ont adhéré à l’organisation en 2017. L'Afghanistan, la Biélorussie et la Mongolie sont encore des Etats observateurs et l'Iran, ancien membre observateur, deviendra membre à part à entière en 2023. L'OCS compte aussi plusieurs partenaires de dialogue, notamment l'Arménie, l'Arabie Saoudite, l'Azebaidjan, le Cambodge, l'Egypte, le Qatar, le Sri Lanka et la Turquie.

Il ne s’agit cependant pas d’une alliance militaire au même titre que l’Otan par exemple. Même si certains Etats peuvent entretenir des accords de sécurité de manière bilatérale ou multilatérale (comme l’Organisation du traité de sécurité collective qui lie la Russie, la Biélorussie, l’Arménie et les pays d’Asie centrale), aucun des Etats membres de l’organisation n’est tenu de militairement soutenir un autre Etat membre qui serait attaqué.

Même si l’organisation met en avant surtout une coopération sécuritaire, Pékin souhaite aussi développer la coopération économique au sein du groupe. En effet, un des objectifs annoncés par la Chine est de créer une zone de libre échange entre les Etats membres.

Que représente l'OCS dans les ambitions chinoises ?

Une des hypothèses émises par les observateurs est que l’OCS préfigure un nouvel ordre mondial dominé par Pékin. Le premier constat est que l’OCS, sur le modèle de la Chine, regroupe surtout des Etats autoritaires et centralisés peu intégrés dans des organisations internationales et régionales intergouvernementales. La feuille de route privilégiant la souveraineté et la non-ingérence dans les affaires internes des Etats membres est aussi l'une des valeurs chinoises partagées par les membres.

Le succès de cette initiative se jauge au fait que de plus en plus d’Etats souhaitent rejoindre, ou du moins être affilié dans un premier temps à, l’organisation. C’est notamment le cas de l’Iran, membre à part entière en 2023, mais aussi de la Turquie, l’Egypte, le Qatar et l’Arabie Saoudite, traditionnellement alliés ou partenaires des Etats-Unis,  mais désormais partenaires de dialogue de l’organisation.

Le groupe n’est cependant pas aussi uni qu’il apparait au premier abord. Il existe de nombreuses tensions entre les différents Etats membres, car tous n’ont pas rejoint l’organisation pour les mêmes raisons. L’Inde considère par exemple que ce groupe est un moyen de pénétrer plus efficacement la région Asie Centrale. Même si New Delhi et Moscou restent proches, la Chine et l’Inde font toujours l'objet d'un différent frontalier, qui s'est ravivé ces deux dernières années. Le Pakistan a aussi connu un regain de tensions avec l’Inde autour du Cachemire, ayant tourné à l’affrontement militaire. Le Kyrgyzstan et le Tadjikistan sont quant à eux actuellement en conflit larvé, sur le tracé des frontières, sans que le sujet n’ait été amené à la table des discussions lors du sommet de l’OCS.

Du point de vue de la Chine, l’OCS représente une formidable opportunité d’accroître son influence en Asie Centrale et de réduire sa dépendance vis à vis des routes commerciales maritimes en lançant des coopérations économiques. Les capitaux chinois ont permis la construction et la modernisation d’axes routiers et ferroviaires dans les pays d’Asie Centrale, Iran, Russie et Pakistan. Or, ces routes terrestres permettent à la Chine non seulement de sécuriser ses approvisionnements en hydrocarbures en provenance du Golfe, mais aussi de faciliter ses exportations vers l’Europe.

Ceci n’est pas forcément vu d’un bon œil par Moscou. En effet, la montée de l’influence chinoise en Asie centrale, chasse gardée de la Russie depuis la fin du 19ème siècle, risque de provoquer des tensions dans les relations sino-russes. La Chine souhaite favoriser une plus grande indépendance de ces Etats vis à vis de la Russie, comme c'est déjà le cas au Kazakstan. L'ours russe est pour l'heure englué dans le conflit avec l'Ukraine mais le réveil risque de créer des surprises.

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