Le Nouvel An chinois est une période privilégiée pour les studios Hongkongais. Il est en effet de tradition de profiter des jours fériés pour aller en famille au cinéma. Afin de maximiser cette opportunité, les producteurs sortent généralement des comédies riche en stars et au contenu aussi consensuel que possible. Mais le réalisateur Edmond Pang, connu pour son amour des concepts barjots et chantre d’une vulgarité assumée typiquement locale, entend bien bousculer ces conventions avec son Missbehaviour.
Lepetitjournal.com (Arnaud Lanuque): Comment vous est venue l’idée de réaliser Missbehaviour?
Edmond Pang : Cela fait un peu plus d’un an que je travaillais sur un projet de co-production avec la Chine et l’affaire des contrats Yin-Yang l’a mis en pause. J’avais besoin d’un peu d’air et, lors de mon anniversaire, j’ai eu cette idée un peu folle de faire un film pour le nouvel an Chinois.
Je n’avais pas d’histoire, juste le titre, mais j’ai lancé la pré-production quand même. J’ai assemblé mon équipe et nous nous sommes lancés dans la recherche de lieux. Parce que toutes les comédies se passent dans le même genre d’endroits : café, restaurants, bureau et appartement. Notre seul critère, c’était de pouvoir les utiliser gratuitement. Le projet était tellement fou qu’aucun investisseur n’était prêt à mettre de billes dans le film. Nous avons donc décidé de le faire nous-même, sans budget. Une fois les endroits trouvés, je m'en suis servi comme inspiration pour concevoir l’histoire.
Donc même durant le tournage, vous n’aviez pas de script définitif?
Tout à fait, après chaque journée de tournage, j’écrivais les scènes pour le lendemain. C’était assez fou!
Comment avez-vous constitué votre casting?
De la même façon que nous avons trouvé les lieux. J’ai contacté les différents acteurs avec lesquels j’avais déjà travaillé. Je leur ai dit que je voulais faire un film sans budget et leur ai demandé si, sur la base de nos relations antérieures, ils étaient disposés à m’accorder quelques jours de leur temps.
Vous avez fait sortir Isabella Leung de sa retraite anticipée. Comment y êtes-vous arrivé?
Ça a été un coup de chance! Durant la pré-production, ma femme et moi étions assis dans un café à réfléchir à l’intrigue que nous pouvions développer pour le film. Et puis, Isabella est entrée et est venue me dire bonjour. Elle a dit qu’on pourrait peut-être travailler ensemble dans le futur et moi je lui ai répondu « non pas dans le futur, tu peux venir dans deux semaines? ». Elle s’est demandée si je me moquais d’elle mais nous avons pu l’avoir pour 2 jours de tournage.
Les films du nouvel an sont souvent très génériques, avec des intrigues prévisibles et consensuelles. Votre style est à l'opposé. Comment avez-vous concilié les conventions du genre avec votre marque de fabrique?
Beaucoup de gens pensent qu’il faut obéir à certaines règles quand on fait un film pour le nouvel an. Il faut faire quelque chose de familiale et éviter la vulgarité. Or, je suis fatigué de ces formules où les personnages disent « bonne année » à la fin. Je pense que le jeune public de Hong Kong est plus ouvert que cela. Il y a 2 ans, un distributeur a sorti Deadpool pour le nouvel an et il a bien marché. Ce qui importe, c’est si le film est bon, pas s'il y a des « va te faire foutre ». Enfin, peut-être pas trop quand même, certains sont très jeunes. Ma femme m’a d’ailleurs demandé de me calmer un peu sur les blagues de mauvais goût. Nous ne voulions pas que le film soit en catégorie III comme Vulgaria.
Ce n’est pas la première fois que vous faites un film dans ces conditions très serrées. Qu’est-ce qui vous plait dans ces conditions de travail?
Ce que j’aime, c’est de pouvoir lancer des idées complètement folles et d'avoir une équipe derrière moi jusqu’à la fin. C’est comme une aventure, quand vous partez à la découverte d’un endroit totalement inconnu. La route peut s’avérer difficile et mettre tout le monde en rogne mais c’est un bonheur une fois qu’on y est arrivé. Mais je ne suis pas sûr que mes producteurs partagent mon opinion !
Le film est très orienté sur les poitrines de la gent féminine. Pourquoi une telle fascination?
Je ne voulais pas forcément mettre tant que ça en avant les poitrines de mes actrices mais le distributeur et ma femme ont dit que je devais montrer les atouts visuels du film. Or, nous sommes une production sans budget, c’était donc la seule chose que je pouvais faire valoir ! (rires)
Vous n’avez pas peur d’être qualifié de misogyne?
Je ne peux pas contrôler ce que pensent les autres. Certains l’ont déjà dit. Mais quand vous faites des comédies, il y a forcément un aspect politiquement incorrect ou quasi-discriminatoire. Dans les films muets, quand quelqu’un glissait sur une peau de banane, les gens riaient, se moquaient du personnage. Il y a quelque chose de cruel. Mais sans ça, c’est très difficile de faire une comédie.
Est-ce que la version finale du film est conforme à ce que vous aviez en tête lors du tournage?
À peu près. Mais étant donné le budget, je n’avais pas le luxe de pouvoir beaucoup tourner. Avec seulement 14 jours de tournage, je devais faire en sorte que chaque plan soit exploitable. Pour ce film, je n’ai pas de scènes coupées et si un DVD sort, je ferai une section « scènes coupées » qui renverra à un panneau « pas de scènes coupées pour ce film» (rires).